Par Roosevelt Millard*
En hommage au professeur Roger Petit-Frère, décédé le 8 aout 2019
Soumis à AlterPresse le 8 aout 2019
La famille Petit Frère est en deuil, l’Université est en deuil, nous sommes en deuil, notre Roger est parti peu après Hector. C’est une des terribles lois de l’existence, m’a fait remarquer le professeur Jean-Jacques. On nait, on vit et on meurt.
Le professeur Petit Frère a marqué plusieurs générations.
Déjà en classe de philosophie, un peu avant la chute de la dictature, des jeunes en quête d’une voie et d’une voix, dans le sens d’une parole, alternatives se penchaient sur les copies (les polycopies) des textes d’histoire du professeur Petit-Frère et suivaient ses cours avec attention, essayant de découvrir ce qu’on n’osait pas dire ouvertement, ce qui était entre les lignes ; une sorte de complicité nécessaire à l’époque du bâillonnement et des baïonnettes des tonton makout. Nombre de ses anciens élèves ont pris goût pour les sciences sociales à partir de son enseignement et ont, par la suite, intégré l’Ecole Normale Supérieure.
Roger s’inscrit dans une rupture réaliste, ce qui porte parfois à questionner certaines de ses prises de position.
Au cours de ces dernières années, plusieurs ouvrages nous invitent à comprendre l’histoire autrement, dépassant les clichés néocoloniaux, réinventant mêmes des concepts plus appropriés pour qualifier les acteurs et les évenements. Nos jeunes étudiant(e)s parlent couramment de "captifs", de "contre-plantation", etc., une véritable révolution dans la façon d’appréhender les choses, grâce aux publications de Jean Casimir, d’Alix René et Roger Petit Frère, ... (Manigat appartient, à mon avis, à un autre courant dont la contribution n’est pas négligeable).
Petit Frère a, pendant de longues années, enseigné en prépararatoire à la Faculté des Sciences Humaines. Ses cours sont toujours très animés. Sa pédagogie privilégiée est le questionnement, proche de la maïeutique socratique. Il porte ses étudiants à développer leurs capacités de réflexion et à adopter une posture critique. En notre qualité de Responsable de l’Année Préparatoire, nous lui en sommes reconnaissant.
Roger : un style d’enseignement qui devra faire école.
Du courage à tous ceux et à toutes celles qui sont affligé(e)s par cette disparition soudaine !
Nou koube nou byen ba douvan zèv potorik pwofesè sa a !
*Professeur à l’Université d’État d’Haïti