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Haïti-Politique : Ce qu’on ne vous dira pas Madame la ministre

Par Dr Guy Marcel Craan, MSc.

Soumis à AlterPresse le 28 août 2019

En regardant votre profil sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens peuvent être perplexes de vous voir confier tant de responsabilités. On croit aussi « qu’aux âmes bien nés, la valeur n’attend point le nombre des années ». La situation sanitaire du pays est si grave, on ne peut souhaiter que votre réussite. On ne souhaite pas non plus, que vous alliez jusqu’au bout dans la démarche de Faustin Soulouque « si vous me nommez Président, je saurai me conduire en chef d’État » mais il faudra y penser.

Il serait intéressant aussi de revisiter l’histoire de la santé publique en Haïti.

Beaucoup de ministres ont été parrainés par des opérateurs de la société civile et voire de la communauté internationale pour faire avancer leurs agendas. C’est la nature de la politique, diront certains. Hélas ! à la fin de la journée, on a vu leurs Ong acquérir des positions dominantes, leurs firmes prospérer, dans leurs rôles de courtiers, ils ont capté des fonds de généreux donateurs, ou bien le ministère leur a facilité la tâche pour utiliser la population comme cobaye de politiques fantaisistes ou de médecine de cheval.

Ces opérateurs ont engrangé des fortunes qui les mettent à l’abri du besoin, tandis que la situation sanitaire du pays, loin de s’améliorer, se dégrade. Ces opérateurs sont encensés par une certaine presse, ils sont adulés par nos politiciens ou du moins ils sont des experts en secours de la victoire.

Parmi ces ministres, ceux qui sont conscients, vivent avec la honte de l’échec, d’autres se réfugient dans le déni, pensant avoir été les meilleurs alors que les statistiques disent le contraire.

Des fois, les Ong peuvent vous recycler pour services rendus ou influences que vous pourriez exercer. Le plus souvent, les parlementaires, pour lesquels vous aviez nommé des sinécuristes, construit des éléphants blancs dans leurs sections communales, ne vont pas vous aider à obtenir décharge de votre gestion. Ceux de l’international, qui vont vous pressurer pour adopter leurs tocs, n’auront aucune gêne à vous rappeler, quand leurs trucs auraient échoué, qu’ils étaient là pour vous conseiller et non pour prendre des décisions à votre place.

Il y a votre carte de visite. Concrètement, il s’agit de votre équipe. Dans le milieu, on connait les anciens, les expérimentés, les imposteurs et les autres acabits.

Dépendant de vos choix, les observateurs avertis décrypteront votre vision, vos projets, vos tendances et vos appréhensions. Ils pourront conclure : est-ce qu’il s’agit d’une association de bienfaiteurs ou autres. D’une autre manière, « dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es [1] ». Sachez que vous ne pourriez rien cacher.

Conseils hâtifs, peut-être, parce qu’il y a des obstacles à franchir. L’histoire n’est pas une fatalité, elle se construit quotidiennement et elle n’offre pas d’excuse.

Aussi, faudra-t-il prier, Jéhovah, Allah, Bouddha, les Saints, les Loas dépendant de votre croyance. Une dévotion à la Déesse Cardea [2] ne serait pas une démarche vaine. Il faudra implorer leur intersession pour vous protéger, car la santé, depuis un certain temps, est devenue trop proche de la bienveillance des premières Dames et trop loin des préoccupations des chefs d’État.


[1Johann Wolfgang van Goethe

[2Déesse Romaine protectrice des portes, des gonds.