Español English French Kwéyol

Haïti : Quand Jovenel Moïse fait appel à ses patrons

Par Le Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’Occupation d’Haïti (Rehmonco)

Soumis à AlterPresse le 21 juillet 2019

Il fallait s’y attendre : Jovenel Moïse demande à ses tuteurs de lui venir en aide. Il sait parfaitement qu’il leur doit le pouvoir, que sa présidence existe que par et pour eux, que les élections truquées, qui l’ont propulsé au pouvoir, ont été leurs œuvres, que sans eux il n’est rien.

On ne peut, dans ce cas, parler d’acte de trahison de la part d’un président, fabriqué sur mesure par une oligarchie mafieuse et des puissances impérialistes, qui entendent maintenir jusqu’au bout leur domination sur le pays.

Le fait de solliciter l’intervention de l’Oea, pour effectuer un audit des fonds dilapidés du programme PetroCaribe, rentre donc dans le cadre normal et logique du pouvoir de Moïse et du Phtk.

C’est cela qu’il faut comprendre aujourd’hui. Pour Jovenel, le sentiment de « honte » n’existe pas, puisqu’il a déjà longtemps vendu son âme aux plus offrants, c’est-à-dire à ceux qui détiennent le pouvoir de l’oppression.

C’est pourquoi cet appel à l’Oea est, pour lui, une démarche, qui s’inscrit dans le fonctionnement normal de son pouvoir. Il traduit, chez lui, un profond désir, celui de garder le pouvoir le plus longtemps possible et de rendre des comptes qu’à ses maîtres.

Il n’a cure des revendications du peuple, des cris au scandale d’institutions étatiques haïtiennes, des dénonciations venant de tous les secteurs de la société civile.

Ce sont des aboiements de chiens, pendant que sa caravane continue de passer. S’il existe comme président, c’est par la grâce et le pouvoir du « Blanc ».

Dans son article, paru dans le Miami Herald, destiné à ses tuteurs, Moïse écrit : « Les Haïtiens ne sont pas étrangers à l’instabilité politique ».

Ici, le « président » semble vouloir émettre une « pensée profonde », que d’autres, bien avant lui, rabâchaient pour justifier la répression et la situation de misère profonde du peuple.

Les luttes actuelles contre la corruption, pour dénoncer la répression sanguinaire, pour exiger l’élaboration d’un nouvel État, qui soit au service du pays, seraient donc le résultat d’une mentalité proprement haïtienne, propice au désordre et à la pagaille.

Rien d’étonnant que Moïse fasse appel à des organismes étrangers, qui, eux, connaissent bien les mécanismes de la « stabilité politique » et, par conséquent, de la « prospérité du pays ».

Pour arriver à ce point, il a fallu que Moïse fasse preuve de son impuissance : étant incapable de bloquer la lutte populaire, par la répression policière et des massacres dans les quartiers populaires de Port-au-Prince et des villes de province, son régime néo duvaliériste veut rendre obsolètes les institutions haïtiennes.

Il n’est plus question, pour lui, de répondre devant elles, de leur répondre sur des sujets, qui, pourtant, touchent profondément l’avenir du pays.

Ce qu’il veut, c’est que « Haïti [lui] donne un gouvernement », c’est-à-dire de lui faire confiance, car c’est à cette condition que les milliards vont pleuvoir, que l’étranger verra enfin que les Haïtiens sont capables de « stabilité », de « civilité », de travailler dans l’entente et l’harmonie.

Derrière cette rhétorique, se trouve un racisme, que l’on peut aisément imaginer. Jovenel s’y prête, parce qu’il croit, au fond de lui, que notre pays est, comme le dit Trump, un « trou de merde », et, s’il en est ainsi, c’est bien la faute des Haïtiens puisqu’ils refusent de travailler « tèt ansanm ».

C’est pourquoi, sans gêne, affichant une volonté de vilipender et d’avilir le peuple, il rejette les rapports d’audit des institutions haïtiennes et recourt à une organisation étrangère.

Pour lui, il n’est pas question de se soumettre aux exigences de démission, venant d’institutions d’un État, dont il ne reconnait pas la souveraineté, ni de satisfaire aux revendications de classes populaires, qu’il perçoit composées de sous-humains.

Il se comporte en véritable « gérant de colonie », dont la fonction est d’obéir uniquement aux ordres de l’impérialisme.

En agissant ainsi, Moïse joue cartes sur table. Ses gestes et faits, son silence même témoignent de sa volonté de renforcer, sur le pays, la domination des puissances impérialistes, particulièrement ceux du Core Group. L’idéologie, pour justifier cette domination, ne l’intéresse pas.

En écrivant cet article dans un journal étasunien, il demande à ses tuteurs de Washington de l’appuyer, dans sa quête de former un gouvernement envers et contre toutes formes de revendications venant du peuple et de l’opposition.

Entre-temps, pendant que Jovenel cherche l’appui de l’Empire (en l’offrant toutes formes d’opportunités, l’une d’entre elles consiste de mettre à son service nos terres, de les transformer en agro-business), le peuple continue de subir terreur et répression.

Voilà pourquoi la lutte pour renverser ce régime sanguinaire est plus que jamais à l’ordre du jour.

Aujourd’hui, si le gouvernement illégitime de Jovenel Moïse ainsi que ses acolytes du Phtk ont perdu le combat idéologique, ils mettent tout en œuvre pour garder le pouvoir par la force brute, les assassinats et les massacres.

Nous de la diaspora, continuons notre support aux luttes du peuple haïtien. Manifestons partout pour dénoncer le régime macoute et néocolonial des tèt kale.

Vive un État haïtien souverain au service du peuple !

Vive la lutte du peuple haïtien !

Pour authentification,
Renel Exentus
Ricardo Gustave
Montréal, le 18 juillet 2019
Contact : rehmoncohaiti1915@gmail.com