Alors que le pays se prépare bon gré mal gré pour le procès PetroCaribe, le barreau de Petit-Goâve paie sa tribu, le 21 juillet 2019, envers plusieurs hommes politiques et d’autres citoyens qui auraient des comptes à rendre pour leur possible implication dans des affaires de crime financier et d’autres affaires pénales. Il les décore pour services rendus à la barre : une fête solennelle qui n’a rien à envier à la distinction de Mardoché par le roi Assuérus
“Si l’opinion publique vous condamne pour vos actes immoraux et pour toutes formes de préjudices causées à la société, soyez sans inquiétude si vous vivez en Haïti et que vous avez un peu d’argent de côté pour manger avec les autres. Le système judiciaire haïtien est déjà de votre côté. En plus, un barreau comme celui de Petit-Goâve peut couvrir vos péchés petits et grands, à condition de prouver votre générosité envers cette institution républicaine.”
C’est, en tout cas l’interprétation macabre qu’une frange de la jeunesse, des notables et même des juristes avertis de la cité impériale, s’est construite en apprenant la nouvelle de l’événement du 21 juillet 2019, à Fort Royal Hotel, réalisé par le barreau de Petit-Goâve, redorant le blason de plusieurs personnalités, dont la liberté de presque la quasi totalité (de la bande), constitue un probant témoignage de l’impunité qui caractérise le système judiciaire haïtien.
À Me Alcide Laguerre, actuel bâtonnier dudit barreau, de préciser : “il s’agit de simples plaques de remerciement décernées à des hommes qui ont servi le barreau en espèce ou en nature, durant mon mandat”.
Toutefois, pour Me Elisé Sincère, membre du barreau, interrogé sur la déclaration du bâtonnier, ceci n’enlève rien à cela. De fait, il était question d’une cérémonie solennelle, pauvre en dignité, qui déshonore le barreau.
Un notable hexagenaire qui veut rester dans l’anonymat va plus loin en soulignant que l’on ne pourrait plus, désormais, faire confiance à un avocat de ce barreau dans une affaire qui impliquerait les beaux messieurs “remerciés”.
Mais, c’est auprès du jeune administrateur Daniel Sainatus (23 ans), travaillant chez l’ONG Happy Kids Intl que nous allons retrouver une position radicale qui mérite un large retentissement : “ La meilleure façon de remercier un accusé de corruption serait de lui rendre les biens qu’ils auraient donné avec libéralité. On n’entre pas dans un mécanisme de circulation de biens avec des potentiels criminels financiers sans être de potentiels complices et membres à part entière de la bande, puisque l’hypothèse de la gratuité de ces petits présents nous paraît déjà peu crédible.”
Comme c’est aussi au regret du bâtonnier de Petit-Goâve, Me Eugène Raymond, de son côté, pense que les avocats du barreau, sont en mesure de contribuer pour la réalisation des activités de l’institution qui est chargée de leur défense et de la régulation de la profession. C’est le manque de collaboration de ces derniers qui met le bâtonnat dans la difficile situation de frapper à la porte d’hommes politiques qui n’ont pas leur place en tant que telle auprès de l’institution.
Voilà un véritable cercle vicieux dont souffre même le milieu culturel petit-goâvien, pourtant très critique par rapport à la corruption ! Une dimension peu interrogée dans le débat actuel sur le contexte de honte de la justice haïtienne.
Quelle serait la part de l’avocat dans la situation d’impunité du système judiciaire haïtien ? Voilà une question qui devrait intéresser les chercheurs, dans une perspective transdisciplinaire réunissant entre autre sociologues, philosophes, juristes, politologues...