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Haïti : Examen quand même !

Par Rochambeau Lainy*

Soumis à AlterPresse le 8 juillet 2019

Examen quand même, pas question de rater ce rendez-vous, surtout lorsque cela aidera à gommer les vrais besoins, les cris désespérés des pauvres et vulnérables parents haïtiens, à confondre leur désir légitime et le comportement cynique et irresponsable d’une classe de dirigeants "je m’en foutistes" ;

Les parents haïtiens sont endettés et appauvris, années après années. Ce sont eux qui envoient leurs enfants à l’école. Les responsables étatiques de l’éducation sont là, les élites de tout genre et de tout horizon sont là, ils sont confortables et sans gène, ils répètent inlassablement : le problème d’accès à l’éducation est résolu ;

Examen quand même, car cela permettra, au moins, pour une fois, de tendre hypocritement la main à cette population appauvrie par le coût de l’école et de tout ce qui en découle ;

"Envoyer les enfants, tous les enfants à l’École" ne galvanise pas, "Faire de l’éducation gratuite une priorité ne fait pas de nous (dirigeants ou pas), des citoyens et citoyennes respectueux (ses) de la constitution, mais la devise l’Union fait la Force est remplacée par Chacun pour soi, chacun pour son clan ;

"Examen quand même" quel que soit le prix à payer, quels que soient les stratagèmes à mettre en place ;

Que les enfants aient perdu 34 jours de classe, répartis en 4 jours après les événements de protestation d’octobre 2018, 5 jours après ceux du 18 novembre 2018, 15 jours de classe sur 19 possible lors des événements de février 2019, dénommés "pays lock", 10 jours après les événements en continuation de ce 9 juin 2019, aucune considération n’a été envisagée ! Un bon alibi est à la mode, les parents ont dépensé, il faudrait pour une fois leur rendre justice, "Examen quand même" ;

"Examen quand même", parce que cela a déjà répété dans l’histoire de ce pays. Et surtout qu’il faudrait donner l’impression que le gouvernement travaille maintenant. Il reprend la main ;

"Examen quand même", surtout parce qu’il y a de l’argent à faire, à gagner, pardon ! de l’argent à dépenser, près d’un demi milliard de gourdes, par exemple ;

Examen quand même", surtout parce que le Ministère de l’Education nationale n’a pas intérêt à laisser passer cette occasion de montrer aux contribuables haïtiens que l’organisation des examens constitue ses principales actions ;

Quoi qu’il en soit, quoi qu’il en coûte, on fait l’Examen quand même ! Advienne que pourra !

Que les enfants parviennent à avoir quelques connaissances ou pas ! Que les enseignants parviennent à aider les élèves à développer un minimum de savoirs nécessaires dont ils ont besoin en termes de socle commun de connaissances et de compétences pour passer en classe supérieure ou pas, on est pressé. Examen quand même ;

Peu importe le prix à payer, pas question de programmer deux ou trois semaines pour tenter de rattraper les contenus perdus durant les 34 jours de troubles sociopolitiques ;

Seuls ceux ayant les responsabilités officielles seraient en mesure de savoir ce dont un élève a besoin pour subir une épreuve de contrôle, pas question de tenir compte de la situation psychologique et socio-éducative, Examen quand même ;

Surtout qu’on nous demande de gouverner, maintenant : Examen Quand Même !!!

* Rochambeau LAINY, Enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti (Ueh)

Doctorat en Linguistique et Master en Conception des dispositions d’enseignement et de formation