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Impunité et Corruption en Haïti : une affaire d’Etat

Par Nancy Roc

Soumis à AlterPresse le 23 avril 2004

Nul doute qu’un an après le départ de l’ex dictateur Jean-Bertrand Aristide, la crise haïtienne s’est accentuée et le pays est plongé dans le chaos. La violence politique et le banditisme font des victimes au jour le jour, non seulement dans la population haïtienne mais également dans les rangs de la MINUSTAH. Depuis le début du mois d’avril, la capitale et ses bidonvilles vivent dans la terreur : violents affrontements entre gangs armés et les forces de l’ordre, recrudescence effroyable des kidnappings, vols et viols, sont le lot quotidien des Port-au-Princiens. Le coup de force porté par la police nationale et la police internationale (CIVPOL) les 9 et 10 avril 2005, durant des opérations qui se sont soldées par au moins 9 morts parmi les gangs armés, dont les ex militaires Ravix Remmissainthe et Jean René Anthony, alias ‘’Grenn Sonnen’’, n’a toujours pas réussi à mater la violence. En effet, contrairement aux déclarations du Premier ministre et du haut commandement de la police nationale, les offensives déstabilisatrices se sont poursuivis. Elles ont été perpétrées lors de la visite des membres d’une haute mission du Conseil de Sécurité de l’ONU qui s’est rendue en Haïti du 13 au 16 avril. A quelques mois des élections prévues pour octobre et novembre, l’insécurité demeure donc entière et constitue la préoccupation principale des citoyens Haïtiens. Depuis "l’opération Bagdad", lancée en septembre 2004 par des bandes armées se réclamant d’Aristide, plus de 500 personnes ont été tuées. La terreur s’est installée au début du mois, lorsque des groupes armés ont ouvert le feu sur des passants, tuant au moins deux personnes et en blessant plusieurs dizaines dans différents quartiers de Port-au-Prince. Rappelons que le siège du Conseil électoral avait été attaqué le 29 mars, date d’anniversaire de la Constitution, à l’arme automatique et à la grenade.

L’irresponsabilité du gouvernement de transition et son manque d’action à tracer des exemples, la lecture erronée de la MINUSTAH quant à la réalité haïtienne, et la violence éminemment politique sont au cœur de cette flambée de violence. Mais également l’impunité et la corruption. Aujourd’hui, la société haïtienne doit comprendre une fois pour toutes que l’Haïti que nous avons connue n’existe plus et ne sera plus. Haïti est désormais une île à la dérive, sans moralité, sans justice, corrompue et surtout gangstérisée. L’héritage d’Aristide n’en finit pas de produire des monstres et si par leur comportement, le gouvernement et la société dans son ensemble, continuent d’encourager la pérennité de l’impunité et de la corruption, il est clair que le pays court à la catastrophe et la communauté internationale vers un nouvel échec. De l’Etat marron, à l’Etat sauvage, Haïti est devenu aujourd’hui un Etat jungle. Nous analyserons les raisons de cette dérive dans notre grand dossier intitulé : ‘’Impunité et corruption en Haïti : une affaire d’Etat’’.

Insécurité : une lecture erronée et dangereuse

Au lendemain du week-end sanglant du 9 et 10 avril, le Premier ministre Gérard Latortue, a déclaré, lors de l’inauguration de la Chambre américano-haïtienne à Miami : ‘’Nous avançons vraiment rapidement vers la voie du règlement des problèmes d’insécurité, de la réduction du déficit et de la lutte contre la corruption’’. 72h après, un casque bleu était exécuté d’une balle en pleine tête à Cité Soleil par des gangs pro-Aristide et le jour suivant, 10 membres de bandes armées, ont été tués et une vingtaine d’autres blessés lors d’affrontements avec les forces de la MINUSTAH et des troupes de la PNH. La réalité ‘’du béton’’ a démontré que Mr Latortue, qui a vécu plus de 40 ans en dehors du pays, n’a pas une connaissance adéquate des forces qui s’y livrent une guerre sans merci. Alors que la mort du casque bleu Philippin a constitué un véritable affront à la délégation de la Mission du Conseil de Sécurité de l’ONU, le Premier ministre renchérissait son point de vue lors de sa rencontre avec les membres de cette dernière : ‘’ les problèmes de stabilisation et de sécurité ont leur racine dans la pauvreté et le chômage qui touchent 70% de la population (...) a-t-il précisé. Une fois de plus, Gérard Latortue, en ‘’bon gouverneur des Nations Unies’’, se fait l’écho d’une vision partielle de la communauté internationale qui, refusant d’envisager un échec en Haïti, veut coûte que coûte organiser des élections en Haïti, en détournant - ou en faisant semblant de détourner- les yeux de la réalité sur le terrain. Dans un communiqué de presse daté du 14 avril, la Mission du Conseil de Sécurité s’est même dite ‘’encouragée par le lancement officiel du processus de dialogue national qui doit inclure tous ceux qui rejettent la violence. La Mission croit que la poursuite des efforts du gouvernement pour faire avancer le processus électoral « aura non seulement une répercussion importante sur la Communauté Internationale mais sera aussi utile à Haïti ». [1] En associant le phénomène de l’insécurité uniquement à la pauvreté, au chômage et aux inégalités de la société haïtienne, le Premier ministre et ses partenaires internationaux passent à côté de l’essentiel : l’insécurité actuelle est hautement politisée, commanditée et cooptée par Aristide et ses sbires. L’héritage de l’ancien régime était déjà lourd : Aristide a ‘’démocratisé’’ le trafic de la drogue et financé l’armement de ses milices dans les bidonvilles de la capitale. Aujourd’hui, les Haïtiens subissent les conséquences de ses actes et peuvent mesurer tout le poids des phrases prémonitoires de l’ex dictateur lorsqu’il disait : ‘’jou yo volè dwapo démokrasi’a, ap fè nwa la jounin kou len nwuit’’ ou encore, lorsqu’il avait prévenu à son départ en février 2004, parodiant Toussaint Louverture : ‘’en me renversant, ils ont abattu l’arbre mais ne l’ont pas tué car ses racines sont nombreuses et profondes’’. Ses racines se sont les gangs armés qui tuent, volent et violent au nom du Parti La Fanmi, sans que celui-ci ne ce soit jamais démarqué des revendications des chimères. Pire ! Les lavalassiens revendiquent toujours leur représentativité de la majorité de la population et, face à l’inaction presque complice du gouvernement de transition, occupent le terrain de toutes parts : du bas de la ville, depuis le déclenchement de l’Opération Bagdad en septembre 2004, aux manifestations devant le siège des Nations Unies à Port-au-Prince à l’occasion de la visite des membres du Conseil de Sécurité de l’ONU, en passant par la Floride, New York ou Montréal. Chaque fois qu’ils peuvent faire entendre leurs voix et leur exigence, le retour physique de Jean Bertrand Aristide, ils le font haut et fort. Comme pendant le coup d’Etat militaire de 1991 à 1994. Si cette fois-ci, Aristide ne bénéficie plus de son personnel diplomatique, il a mis en place un puissant lobbying international et son exil en Afrique du Sud lui sert de nouvelle base pour œuvrer activement à son retour et être reconnu par les pays africains comme ‘’victime’’ d’un kidnapping international orchestré par les Etats-Unis et la France. Et de fait, dans un reportage diffusé le 14 avril 2005 par la

chaîne Arte sur TV5, on apprenait que l’ex dictateur, jouit d’une sympathie certaine de la part non seulement de l’Afrique du Sud, mais également des autres pays du continent noir. A Pretoria, tous ses frais de protection personnelle et ses relations avec la presse sont gracieusement pris en charge par la présidence sud-africaine. Aristide a également été nommé chercheur honoraire à l’Université de Pretoria où il écrit un nouveau livre sur le ‘’kidnapping’’ international dont il a été victime. Dans ce reportage, Aristide se déclare être toujours le président d’Haïti et prévoit son retour dans le pays pour terminer son mandat dans le cadre d’un accord négocié avec les Nations Unies. A Pretoria, Aristide n’est pas un exilé que l’on cache, bien au contraire, il est perçu comme un invité d’honneur et a été reçu par Nelson Mandela. ‘’Je suis tellement fier de vous, en fait c’est moi qui aurait du venir vous voir’’, a déclaré ce dernier à l’ex dictateur lors d’une récente rencontre. Et de fait, pour les Sud-africains, il faut restaurer la dignité d’un ex Chef d’Etat. ‘’Le problème c’est la façon dont il a été retiré du pouvoir et abandonné en Centre Afrique. Il n’y a pas que l’Afrique du Sud qui n’ait pas apprécié cela. Tous les Africains l’ont pris comme une humiliation. Il ne s’agit pas de le remettre en scelle comme président, ce n’est pas cela, mais sa présence chez nous lui permet de jouer un rôle de médiateur qui contribuera à la paix dans la transition pour la stabilité d’Haïti et plus généralement de toutes les Caraïbes’’, explique un membre du Ministère des affaires étrangères d’Afrique du Sud, dans ce reportage. De son côté, Aristide déclare que les membres de la CARICOM ne reconnaissent pas le ‘’gouvernement de facto’’ d’Haïti grâce aux 53 pays d’Afrique qui le soutiennent. Il récuse le fait de tirer les ficelles pour agiter son opposition en Haïti et accuse directement la France de son enlèvement en citant des noms : Régis Debray et la sœur de Dominique de Villepin lui aurait fait des menaces claires.

Au-delà de ce reportage, ce qu’il faut comprendre c’est que lorsque Aristide ne pointe pas du doigt les Etats-Unis, c’est voulu. Aristide n’est pas seulement malade, il est un négociateur hors pair, d’une intelligence rare. Il est à parier, que pendant son passage en Afrique du Sud, il va s’attirer la sympathie non seulement des Chefs d’Etats africains et développer la thèse raciste de son ‘’enlèvement’’ mais il se ralliera aussi tous les Africains musulmans pour aller frapper au cœur de la politique américaine. Toutes les ‘’grass roots organizations’’ (les organisations de bases) américaines ecclésiastiques le soutiennent et il jouit aussi d’une sympathie certaine en Amérique Latine : au Venezuela, qui a annulé ses ventes de carburants avec l’actuel gouvernement de transition, mais aussi avec le Brésil de Lula et l’Argentine, partenaires internationaux primordiaux dans la force onusienne qui est intervenue en Haïti. La menace d’Aristide reste et demeure. Son éventuel retour n’est pas à écarter si le pays continue de plonger dans le chaos et l’attitude persistante de certains puissants membres des Nations Unies à inclure le Parti Lafanmi dans le dialogue national ou le processus électoral, n’est pas innocente. Les déclarations de l’Ambassadeur américain, James Foley, qui a déclaré cette semaine qu’Aristide était ‘’une page tournée’’ ne reposent sur aucun fait concert et les citoyens Haïtiens attendent toujours les fameuses poursuites judiciaires que devaient entamer le gouvernement américain contre Aristide notamment pour son implication dans le trafic de la drogue.

Aristide a forgé sa mégalomanie en nous plongeant dans un cauchemar. Gérard Latortue, le prolonge et nous y maintient par manque de discernement, de sérieux, de courage et de fermeté. Les enfants de la République en payent le prix douloureux et sanglant ; les ennemis de la nation en profitent pour déstabiliser, voler et appliquer leurs schémas mafieux.

Impunité et corruption : le devoir d’agir

Face au scénario catastrophique qui pourrait se dessiner à l’horizon, le Premier ministre, Gérard Latortue, se rend-il compte qu’il n’est qu’un pantin qu’il joue le jeu des Nations Unies ? Se rend-il compte que si des actions fermes, des enquêtes ne sont pas entreprises et des résultats ne sont pas obtenus contre les dignitaires et les sbires d’hier qui ont pillé le pays, le pays court à sa perte et les élections sinon n’auront pas lieu du moins pourraient constituer un autre bain de sang ? Il est vrai que l’aide internationale se fait attendre et que ce gouvernement confronte de graves problèmes financiers. Pourquoi, alors, ne pas entreprendre de vraies enquêtes, des audits, pour prouver les détournements du gouvernement d’Aristide ? Ces actions pourraient être financées par les fonds publics puisque les travaux à haute intensité de main d’œuvre n’ont pas été entrepris. En effet, comment expliquer logiquement aux contribuables que ces actions ne soient pas entreprises alors que le gouvernement s’est engagé à rembourser les actionnaires du scandale des coopératives sous Aristide ? D’autre part, qu’en est-il de la Banque Centrale, de la TELECO, des contrats léonins passés avec l’EDH ? Qu’en est-il du mandat international lancé contre Aristide ? Qu’en est-il des blanchisseurs d’argent sale qui, au su et vu de tous, ont leurs entreprises qui fonctionnent ouvertement à Port-au-Prince ? Que fait on de la loi haïtienne qui permet d’interroger une personne sur la provenance de sa richesse lorsque cette dernière n’est pas expliquée ou explicable ? Qu’en est-il de la fameuse liste de corrompus et de corrupteurs que Gérard Latortue a promis de rendre publique depuis des mois ?

En matière d’impunité, il faut savoir que celle-ci naît avant le crime même, elle naît de l’intention de le commettre, de la planification de ses conséquences, elle est préméditée est rend le crime possible. L’impunité essaie de briser le développement de ceux qui restent, de faire taire les voix qui réclament la justice, d’anéantir le courage et de condamner à l’oubli, en fait, d’en finir avec l’identité des mots et de ceux qui continuent à vivre. L’impunité est un crime qui nie le droit à l’histoire, à la vérité, à la justice, et qui permet que les massacres se répètent. L’impunité tue autant que les crimes eux-mêmes. Si le gouvernement de transition ne trace pas des exemples le plus rapidement possible, il sera rendu responsable devant l’Histoire, d’avoir commis le crime de protéger corrompus et corrupteurs et d’avoir brisé le développement d’une jeunesse qui n’a en exemple que la réussite de voleurs et dealers de drogue, au détriment des contribuables honnêtes et travailleurs. Loin de freiner la violence et l’insécurité, la pérennité de l’impunité en Haïti sous le gouvernement de transition, engendrera davantage de violence, de haine et de corruption. Car, comme l’écrit si bien Leslie Péan dans son livre, ‘’en tant que distorsion de la vérité, la corruption entretenue par le mensonge et le dénigrement à outrance crée un climat de persécution, de haine, d’amalgame qui forment le creuset de la violence’’ (...) En minant la confiance entre les individus, on prépare la vindicte des uns contre les autres. La violence est nécessaire pour protéger la corruption. Loin d’y être accessoire, elle la sous-tend. Singularité multiple, (...) qui inscrit le refus de rendre des comptes dans l’essence même du pouvoir. Le refus d’accountability (d’être comptable de ses actes) ne concerne pas uniquement le Président ou le chef de l’Etat mais s’applique à tous les détenteurs de pouvoir. Ce principe intangible de l’irresponsabilité du chef a pour traduction l’impunité généralisée qui reflète ce refus de rendre des comptes et donne au pouvoir sa violence latente qui le tétanise. Cette violence est devenue la valeur essentielle de la société politique pour maintenir les Haïtiens dans l’esclavage’’. [2]

Non content de son laxisme et de son inefficacité, le gouvernement, à travers son Premier ministre, a commis une autre bévue d’envergure. Lors de sa visite à la Chambre de Commerce et d’Industrie le 15 avril 2005, Gérard Latortue a invité les commerçants à aider la police et à subvenir à ses besoins. N’est-ce pas là une porte ouverte à la corruption lorsque l’on sait que nombre d’entrepreneurs richissimes ont développé une fortune suspecte en toute impunité sous le régime d’Aristide et ne sont toujours pas inquiétés aujourd’hui ? Comment expliquer, en effet, que des jeunes de moins de 35 et 40 ans sont aujourd’hui millionnaires, et s’affichent comme tels, dans le pays le plus pauvre du continent ? De même qu’il est connu que certains entrepreneurs et partis politiques ont leurs propres gangs armés. Et le Premier ministre leur offre aujourd’hui des policiers ! Décidément, dans ce pays, ‘’au banquet de la corruption, l’or vaut plus que la foi’’ et encore plus que la loi !

Au fil de l’année qui s’est écoulée, bien des masques sont tombés et on peut affirmer aujourd’hui que pour obtenir le départ d’Aristide il y avait deux catégories de citoyens qui sont monté au créneau : ceux qui se battaient pour Haïti et ceux qui se battaient contre Aristide. Les premiers ont été écartés et relégués aux oubliettes. Les seconds, oeuvrent avec le gouvernement, sont protégés par ce dernier ou défendent leurs intérêts au détriment du peuple haïtien. Depuis 1911, ‘’la corruption est devenue une institution indispensable au fonctionnement de l’Etat marron (...) Entre les individus et la société, un ensemble de normes se sont établies au fil des ans, tissant les réseaux de clientélisme et de patronage, de faveurs et de redevances ‘’La corruption financière qui se traduit par une absence de gestion efficiente des finances publiques a tissé une toile d’araignée dans l’administration publique dans laquelle l’absence de règles claires et précises est la norme. Aux yeux des usuriers et prêteurs d’argent, les meilleurs gouvernements sont ceux qui entretiennent un passif pour une longue durée, achètent des prestations qui augmentent ce passif, et ne se préoccupent même pas de quantifier ce passif’’. Le gouvernement de transition a nommé de nombreuses commissions mais qui se révèlent être des ‘’opérations cosmétiques’’ dont aucun résultat concret n’a émané. Mis à part les résultats plutôt plats de l’enquête menée dans le cadre du récent scandale de riz impliquant la Primature et la Mairie de Port-au-Prince, l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) est plus active à organiser des séminaires de formation, onéreux et peu utiles, qu’à produire des enquêtes, audits et résultats sérieux. Le mandat de la Commission d’enquête administrative dirigée par l’ex sénateur Paul Denis a expiré depuis la semaine dernière et ladite commission a maintenu jusqu’à ce jour un silence contrit qui annonce sans doute un autre échec. Pas un mot de gouvernement sur l’enquête indépendante qui devait être menée après l’évasion massive du Pénitencier National en février dernier alors que la capitale a subi un regain de banditisme et de kidnappings suite aux événements du 19 février dernier. Quant aux partis politiques, ils sont bien trop obnubilés par la course au pouvoir, en particulier à la chaise présidentielle, pour se préoccuper de la misère grandissante du peuple haïtien et encore moins pour se mettre la communauté internationale à dos. Certains candidats se promènent déjà dans les réceptions officielles avec de véritables délégations ‘’pré présidentielles’’ mais n’ont toujours pas jugé utile de présenter publiquement un programme politique cohérent à la nation à 6 mois des élections ! Pendant ce temps, les anciens faucons d’Aristide se pavanent dans les rues en toute impunité et les honnêtes contribuables s’appauvrissent au jour le jour.

Pour faire face à l’Etat marron que constitue le gouvernement de transition, en passe de devenir un Etat jungle, c’est-à -dire, un Etat ou la justice n’existe pas, comme décrit par Leslie Péan, la société haïtienne devra faire preuve d’un esprit d’audace, de courage, d’innovation et de mobilisation sans précédent pour lutter contre les démons du passé, leurs héritiers et forger un autre futur. Dans le cas contraire, Haïti ira à sa perte car, élections ou pas, elle restera à jamais caractérisée par la corruption érigée en système politique ‘’qui l’utilise pour assurer la loyauté de ses partisans car il existe peu de canaux normaux autres que le clientélisme et les contacts personnels pour assurer aux individus la défense de leurs intérêts. Les rapports entre le citoyen et l’Etat se sont développés de telle manière que ce dernier (...) s’est constitué en une force qui n’a de comptes à rendre à personne et qui a un pouvoir sans limites’’ [3]. Et même 200 ans après notre Indépendance, nous serons une fois de plus réduits à être les citoyens d’une véritable République bananière où on aura ‘’continué avec l’entendement colonial esclavagiste selon lequel on fait marcher les nègres avec le bâton (la violence) et pas avec les lois’’. Une République où le prochain Président élu aura toujours le pouvoir absolu du Président sur ses citoyens comme dans le pouvoir esclavagiste, le maître sur ses sujets et esclaves. Le tout, cautionné par les Nations Unies.

Nancy Roc, le 17 avril 2005


[1MINUSTAH, COMMUNIQUE DE PRESSE, PIO/PR/114/2005, La Mission du Conseil de Sécurité des Nations Unies rencontre le Premier ministre haïtien, 14 avril 2005.

[2Leslie Péan, ‘’Haiti - Economie Politique de la corruption : L’Etat marron (1870-1915)’’. Editions Maisonneuve et Larose, Paris. Mai 2005

[3Leslie Péan, idem