P-au-P, 08 juil. 2019 [AlterPresse] --- Un an après les violentes mobilisations des vendredi 6, samedi 7 et dimanche 8 juillet 2018 en Haïti, la situation socio-politique devient plus précaire, déplore l’économiste Camille Chalmers, dans une interview accordée à l’agence en ligne AlterPresse.
« Le pays est complètement bloqué. Il y a un divorce inconciliable entre les pouvoirs exécutif, législatif et la population, dont les conditions de vies se dégradent », déclare Chalmers, soulignant combien la réponse du pouvoir en place est insuffisante.
Chalmers signale une certaine unanimité des secteurs vitaux du pays à réclamer le départ du président Jovenel Moïse, et la dissolution du parlement.
C’est une victoire importante de la population, face à la politique anti-populaire adoptée par le pouvoir en place, sous les ordres du Fonds monétaire international (Fmi) et des institutions financières internationales.
Les rapports d’audit de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca) et le rapport sur la firme Dermalog (compagnie ayant un contrat de production de cartes d’identification nationale, contre l’avis de la Cscca), qui éclaboussent l’administration politique, augmentent l’indignation de la population haïtienne, fait remarquer Chalmers.
Les deux rapports d’audit de la Cscca, publiés respectivement les 31 janvier et 31 mai 2019, pointent du doigt Jovenel Moïse, soupçonné d’avoir utilisé « des stratagèmes de détournement de fonds publics », à travers son entreprise, dénommée « Agritrans », bénéficiaire d’une partie des fonds PetroCaribe, de l’aide vénézuélienne à Haïti, pour des travaux publics dans le Nord d’Haïti.
De plus, le gouvernement aurait signé, de manière irrégulière, un contrat avec une entreprise allemande de développement de produits et de systèmes biométriques, appelée Dermalog, en vue de la fabrication de cartes d’identification nationale en Haïti.
Le rapport, publié par la Cscca, sur l’efficacité des finances publiques, révèle combien les investissements publics sont à la fois faibles et improductifs, observe le dirigeant de la Plateforme haïtienne de plaidoyer et de développement alternatif (Papda).
Un an après les événements des 6, 7 et 8 juillet 2018, le gouvernement a fait peu d’efforts pour améliorer l’état des finances du pays, fustige l’économiste Chalmers.
La tentative d’augmentation des prix des produits pétroliers, sur le marché national, avait provoqué, début juillet 2018, des émeutes, spontanées dans les principales villes du pays et marquées par la mort d’une vingtaine de personnes.
Ces bouleversements ont également contraint à la démission le premier ministre d’alors, Jack Guy Lafontant (chef du gouvernement en Haïti, du 21 mars 2017 au 16 septembre 2018), et son gouvernement.
La population a repris le contrôle politique du pays, au point de décider, quand elle veut, d’occuper les rues ou bien de les bloquer, analyse un petrochallenger, James Beltis de « NouPapDomi », à l’émission TiChèzBa sur AlterRadio 106.1 FM.
Les citoyennes et citoyens prennent maintenant le temps de réfléchir sur leur pays, applaudit Nou p ap dòmi, insistant sur un foisonnement exceptionnel de propositions de sortie de crise.
Les gens réclament une solution haïtienne à la crise politique, contrairement à l’attitude ancienne, qui consistait à inviter la communauté internationale à débarrasser la population des dirigeants incriminés, relève le petrochallenger James Beltis.
Des citoyennes et citoyens, autrefois apolitiques, se mêlent maintenant de la politique, dans la perspective de revendiquer la satisfaction de leurs droits et de dénoncer l’incompétence et la corruption, constate Beltis.
Des dizaines de milliers de personnes de différents secteurs, en majorité des jeunes, ont défilé à Port-au-Prince et dans plusieurs villes de province, le dimanche 9 juin 2019, pour exiger le départ du pouvoir de Jovenel Moïse ainsi que l’arrestation et le jugement de toutes les personnes, impliquées dans la dilapidation des fonds PetroCaribe
Ces mobilisations anti-gouvernementales, émaillées de violences, se poursuivent à travers le pays, dans l’idée d’obtenir gain de cause. [emb gp apr 08/07/2019 15:45]