Par Christian Lang
Publié le 21 avril 2005 dans le quotidien camerounais « Le Messager » ( [1]
Repris par AlterPresse
Le colloque international sur “ Haïti, première République noire : le regard de l’Afrique contemporaine †a débuté mardi 19 avril à Yaoundé, et s’achève vendredi 22 avril.
Pour embrayer sur le désir de solidarité qui devrait exister entre l’Afrique et Haïti, le Pr. André Ntonfo, du comité scientifique du colloque, cite Aimé Césaire dans son propos liminaire. “ Haïti, où la Négritude se mit debout pour la première fois †, écrivait l’auteur de Cahier d’un retour au pays natal dans cette œuvre, en parlant de la nation de Toussaint Louverture, ce Noir qui combattit pour la quête de la liberté. Les deux peuples noirs sont unis. L’Afrique incarne la souche sociologique de Haïti ; Haïti symbolise la lutte pour la libération du Noir, colonisé et asservi par les nations impérialistes. Bernard Hadjaj, le représentant résident de l’Unesco à Yaoundé pense, pour sa part, que ce colloque “ se veut avant tout un lieu d’échange et de solidarité entre l’Afrique et sa diaspora †.
Haïti est une “ terre de douleur †et son apport à l’humanité est inestimable, dira Bernard Hadjaj, en évoquant “ la lutte victorieuse des esclaves de Saint Domingue, puis l’indépendance d’Haïti †. Car, “ c’est dans ce petit pays singulier que Toussaint Louverture d’abord, Dessalines ensuite arracheront la dignité du peuple noir †, se réjouit le représentant de l’Unesco à Yaoundé. Cette commémoration, à travers ce colloque, “ doit aussi constituer le cadre d’un dialogue renforcé entre les cultures et les civilisations †, comme l’affirme le directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsura, cité par Bernard Hadjaj. Entre Haïti et l’Afrique, il y a un lien culturel. C’est la traite négrière qui a conduit le peuple de Haïti, ces descendants africains, loin de leur terre natale. C’est pour cela que l’Afrique doit s’intéresser à Haïti. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, représentant le Premier ministre, pense que l’expérience haïtienne est riche de leçons dont l’Afrique pourrait s’inspirer. Pour lui, il est aussi question de créer un spiritualisme culturel.
Révolution et défis
Dans sa communication inaugurale, Matar Mbow, l’ancien directeur général de l’Unesco, déclare que de tous les peuples de la diaspora, Haïti est celui qui est le plus proche de l’Afrique ; même si les Africains n’ont pas toujours une vision exacte sur ce pays peuplé essentiellement de Noirs. L’histoire de Haïti n’est pas bien connue dans le continent noir. Néanmoins, les échos de la révolution haïtienne ont sonné comme la fin de l’asservissement des Noirs. Les Africains devraient considérer cette révolution comme une partie intégrante de leur évolution, affirme Matar Mbow. Les Africains et les Haïtiens doivent se sentir solidaires, une solidarité qui va au delà de l’aspect racial pour se hisser au niveau du social et du culturel. Car, la richesse littéraire noire montre en quoi la culture a joué un rôle dans la liberté du noir, selon les propos de Christian Diop, la directrice de Présence Africaine dans sa communication inaugurale au colloque. Malgré l’oppression, les écrivains noirs ont fait irruption dans la littérature : René Maran, Léon Gontran Damas, Aimé Césaire, Richard Wright...se sont fait remarquer par l’engagement de leurs œuvres. “ La plume est au service de la liberté †, conclut Christiane Diop.
Ce colloque, qui est organisé par l’Unesco, s’inscrit dans le cadre du prolongement de la célébration du bicentenaire de l’indépendance de Haïti en 2004, et connaît la participation des ministres camerounais, angolais et haïtiens, en plus des universitaires de notre pays. En effet, Haïti a accédé à l’indépendance le 1er janvier 1804. En 2004, ce pays célébrait le bicentenaire de cette indépendance. Les pays de l’Afrique noire, pour la plupart, ont accédé à ce statut il y a une quarantaine d’années seulement. Un écart d’un peu plus de 150 ans que les Africains pourraient envier à l’une de ses “ filles †, Haïti. Mais la situation de ce pays n’est guère enviable. Le pays est en proie aux luttes d’intérêts politiques ; Haïti a besoin d’une autre libération, pour s’affranchir des tares et dérives des politiciens animés parfois par un esprit totalitaire. Son développement effectif est un gros défi à relever. Cette nation n’est pas un havre de paix où il fait bon vivre ; c’est “ un contre modèle †, comme le rappelle le Pr. André Ntonfo. L’Afrique connaît les mêmes tares et difficultés qu’Haïti. Une similitude de destin fatale. Les deux peuples noirs ont besoin d’une autre révolution. Celle qui concourt au bien-être des populations, au développement effectif, à l’essor de la démocratie, à l’avènement de la liberté sociale et politique...Toussaint Louverture et les autres révolutionnaires voudraient que leurs descendants soient heureux.
Le 21-04-2005
[1] Référence / Version en ligne : http://www.lemessager.net/.