Par Saintilus JN FRANCOIS et Jacob E. J. II JEAN-FRANCOIS
Soumis à AlterPresse
L’économie haïtienne se trouve confrontée à un déséquilibre fondamental à la fois interne et externe. Cela résulte du fait que des mesures de politique économique prises par les gouvernements qui se sont succédés durant ces 15 dernières années, et l’actuel gouvernement sont partiellement ou totalement défavorables et affectent simultanément de manière considérable la performance des activités économiques intérieures et la balance des paiements du pays.
En théorie macroéconomique, les déséquilibres structurels sont des conséquences des déplacements défavorables des courbes IS-LM du Modèle économique actuel. On sait que la « courbe IS » représente les marchés des biens et services et la « courbe LM » représente les marchés financiers et la combinaison des relations IS et LM permet d’observer simultanément l’équilibre entre ces deux marchés.
Pour comprendre cette illustration, on part du principe général d’une équation quelconque qui stipule qu’« une courbe se déplace en réponse à un changement produit dans une variable exogène si et seulement si cette variable apparait directement dans l’équation représentée par cette courbe ». Pour tenter de remédier cette situation macroéconomique observée et extrêmement malheureuse pour le bien-être de la nation, il faut situer l’économie du pays dans ce modèle IS-LM d’une manière à inclure les principales variables subjectives et objectives par lesquelles la politique économique du Gouvernement a des incidences significatives.
Les déséquilibres ne sont pas temporaires et ne sont pas non plus, dans les conjonctures actuelles, capables de se renverser eux-mêmes sans intervention.
Comment les autorités publiques, particulièrement le Gouvernement et la Banque Centrale devraient-elles s’y prendre pour rétablir la tendance à l’équilibre ou la convergence vers l’équilibre ?
La réponse à cette question mérite des politiques de réadaptation dont la finalité est de corriger les effets de la crise et de prévoir une amélioration continue pour relancer les bases productives de l’économie haïtienne.
Voici quelques propositions à prendre en compte pour rétablir l’équilibre des politiques de réadaptation :
1.- Politique bancaire compatible à une Politique Monétaire Indirecte
L’intérêt de financement des déficits par l’augmentation de l’offre de monnaie, est un remède classique vu comme une intervention directe de la Banque centrale. Cette intervention exercera des pressions sur le niveau général des prix, augmentera davantage l’inflation. C’est très malheureux pour les ménages.
Une intervention indirecte de la Banque centrale serait mieux pour l’économie réelle. Le processus doit commencer par une modification profonde dans la politique bancaire du pays ; c’est-à-dire dans la manière dont les banques commerciales créent la monnaie.
Les prêts bancaires sont plus favorables à des mesures d’expansion monétaire indirectes prises par la Banque centrale telles que : une diminution des taux d’intérêt, une diminution des réserves obligatoires, une diminution du taux de réescompte et un contrôle sélectif des crédits.
Ces mesures permettront aux banques commerciales de concéder des crédits à long terme à des taux d’intérêts plus faibles aux emprunteurs et de mettre à la disposition des ménages des produits de crédit pour la consommation qui auront des effets significatifs et seront capables d’attirer l’investissement.
L’octroi de crédits à long terme et la réduction du taux d’intérêt à long terme sont une politique parfaite établissant le lien entre le taux d’intérêt et la quantité de monnaie. Il s’agit ici d’une vraie expansion monétaire favorable au développement de l’investissement et aussi à la lutte contre le chômage, selon la vision keynésienne. De plus, la Banque centrale devrait assurer sa continuité en limitant la politique bancaire à court terme. Elle devra également contrôler les délais, les limites et les conditions de crédits à long terme.
2.- Création d’un Conseil Monétaire National – CMN
Le Conseil Monétaire National (CMN), un organe normatif qui sera créé par la Loi sera chargé de donner les grandes directives générales pour le bon fonctionnement du Système Financier National.
Ce conseil doit être siégé en permanence, contrairement aux autres conseils habituels de certaines administrations autonomes. La Banque centrale joue toujours son rôle et travaillera sous l’égide de ce Conseil qui sera une entité de supervision. Elle est la principale exécutrice des orientations du Conseil Monétaire National afin de garantir le pouvoir d’achat de la monnaie nationale.
3.- Création de la Loi des Maisons des Changes Uniques
Cette nouvelle loi confiera le marché des changes uniquement à une seule catégorie d’institution appelée les « Maisons de Change - MC » sur toute l’étendue du territoire national. Les banques commerciales n’auront plus la possibilité légale de réaliser des opérations de change. Il faudra aussi prendre toutes les mesures pour qu’il n’existe pas non plus de marché informel de change. Les maisons de transferts où les gens viennent envoyer et recevoir de l’argent ne seront pas non plus autorisées à faire des transactions de change. L’exécution de cette loi permettra à la Banque centrale d’assurer un meilleur contrôle des changes. Le Conseil Monétaire National élaborera des normes favorables à la concurrence de cette catégorie de marché.
4.- Application des programmes de stabilisation hétérodoxes
Les programmes de stabilisation hétérodoxes touchent à la fois et en même temps les trois politiques suivantes : la politique budgétaire, la politique monétaire et la politique de revenus. Dans la pratique, les deux premières sont fréquemment utilisées conjointement. Dans la conjoncture actuelle du pays, on suggère une application au sens inverse de la combinaison de politiques budgétaire et monétaire ; c’est-à-dire l’application d’une politique budgétaire restrictive et d’une politique monétaire expansionniste.
La politique budgétaire devrait passer par une réforme fiscale profonde avec la crédibilité de réduction du déficit budgétaire. Cette réforme touchera simultanément les dépenses et les recettes. Du côté des dépenses, il serait dans l’intérêt du Gouvernement de pratiquer une suspension temporaire du paiement des intérêts de la dette publique, une réduction des dépenses jugées non significatives et de toute subvention.
Du côté des recettes, il ne sera pas nécessaire de procéder à une augmentation générale des impôts, mais de préférence à une modification de leur classification. Durant la période de l’inflation galopante, surtout en Haïti, le système de taxes est régressif. En réalité, les consommateurs payent les impôts et taxes inflationnistes qui pèsent lourdement sur eux. Il faut les substituer aux autres taxes ou impôts qui seront en mesure de stimuler l’augmentation des actifs monétaires.
La politique monétaire, dans le contexte actuel où il y a lieu d’augmenter la production nationale, peut être expansionniste pour augmenter l’offre monétaire, sans ignorer ses effets éventuels sur les prix. Mais la Banque centrale doit construire une crédibilité en évitant systématiquement de financer les déficits budgétaires.
Concernant la politique de revenus, il faut prendre certaines mesures directives et de contrôle sur les salaires et les prix. Il y a trop de distorsions entre les prix et salaires. Considérant la gravité de la situation, il faut une indexation ou une réduction des contributions des travailleurs.
5.- Création d’une Banque Nationale de Développement Économique et Social (BNDES)
Option 1.- La Banque Nationale de Développement Économique et Social (BNDES) sera créée par une loi comme pour une entreprise publique. La BNDES doit être un organe attaché au Ministère du Commerce et de l’Industrie avec l’objectif d’appuyer toutes les activités productives qui contribueront au développement économique du pays.
Ses lignes de support à la création d’entreprises et d’emplois viseront les financements à long terme pour le développement de projets d’investissements et la commercialisation de machines et nouveaux équipements de production. Les lignes de financement et les programmes de la BNDES répondront aux nécessités d’investissement des entreprises de n’importe quel secteur d’activité légale dans le pays. Elle disposera des fonds et programmes spéciaux de promotion des filières productives qui peuvent contribuer à la sécurité alimentaire et au développement de l’agro-industrie haïtienne. Le Fond de Développement Industriel (FDI) sera une structure interne de la BNDES.
Option 2.- Il n’est pas normal que l’Etat ait une banque commerciale, telle que la Banque Nationale de Crédit (BNC). La BNC ne se distingue pas des autres banques commerciales du pays. Malheureusement, elle partage la même vision que ses concurrentes. La fonction principale des banques commerciales est de financer l’économie réelle par des crédits à court et moyen terme. L’Etat est le principal promoteur du développement et le développement est un processus à long terme. Donc, toute institution publique doit dégager cette vision du développement à long terme.
En l’absence de ressources pour la création de la BNDES, la Banque Nationale de Crédit (BNC) pourrait devenir une Banque Nationale de Développement Économique et Social. Dans une perspective de développement, la BNC contribuerait beaucoup plus à la création de richesse. En choisissant l’option de cette banque de développement, la BNC et le FDI deviendront une seule institution appelée « Banque Nationale de Développement Economique et Social ».
Enfin, il ne faut surtout pas oublier que « l’État n’intervient pas sur le marché comme un producteur ou un fournisseur de biens et services, mais plutôt pour régulariser et contrôler le marché, dans le seul objectif de donner à la population haïtienne davantage d’accès aux services sociaux de base ».
Saintilus JN FRANCOIS, économiste, ingénieur industriel, saintilusjn@gmail.com
Jacob E. J. II JEAN-FRANCOIS, économiste, agronome, jonasii2@hotmail.com