Opinion
Par Gérald Williams
Soumis à AlterPresse le 11 avril 2005
A défaut de crier, je m’arroge le droit de parler, pour me soulager, me
calmer, n’en déplaise aux adeptes du statu quo et du musellement. J’étais de
passage en Haiti, après plusieurs années d’absence, où j’ai fait face : surpris
étonné, ébahi, abasourdi, ahuri, stupéfait, révolté même, à un pays totalement
déglingué. Contrairement à certains autres qui ont été frappés par des
catastrophes naturelles, ce sont les propres fils d’Haïti qui se chargent de
sa destruction consciemment ou inconsciemment. L’Etat haïtien étant
d’ailleurs apparemment inexistant, dépassé par les événements, chaque citoyen
se comporte malgré lui comme un Etat et joue devant ce gouffre béant un rôle
pour lequel il n’a aucun mandat.
Ce désordre institutionnalisé est le résultat de plusieurs siècles de
gabegie, d’insouciance, d’incompétence, d’improvisation, d’égocentrisme, de
médiocrité, d’impunité, de manque de lumière, de manque de vision. L’anarchie
semble être la base même de ce pays et ses citoyens faisant contre mauvaise
fortune bon coeur vaquent à leurs occupations coutumières comme si tout
était au beau fixe.
Haïti est plus que jamais devenu le pays du « fourré main
Prend », du sauve qui peut où pullulent des voleurs, des cowboys et des bandits
habillés ou en haillons. Si dans certains coins de la planète c’est le lait
et le miel qui coulent, dans ce qui portait jadis le nom de perle des
antilles, c’est le sang et le fiel. Quel bel héritage pour les générations
futures !
Nous devons court-circuiter cette mentalité de perdant qui
expose tout un peuple à une perpétuelle situation de péril et de
mendicité. Le temps du blablabla et du fanatisme intéressé est révolu ou
devrait l’être. Le temps est à l’action, une action positive et
constructive, une action où la peur, l’ignorance, la pauvreté, la
superstition, la violence sont maîtrisées pour le bien de tous.
Haïti est dans un tel état de délabrement et de
déraillement que même les coqs ne savent plus à quelle heure chanter. Eux
aussi ont compris que "tout voum se do"
Il n’y a heureusement pas que du négatif, la culture
haïtienne sur le plan artistique du terme est bien vivante, il y a encore des
gens honnêtes et compétents mais la tâche est immense, tout est à faire ou
presque et l’espoir malheureusement très mince.
Gérald Williams, Montréal