Par Gotson Pierre
P-au-P., 5 févr. 2019 [AlterPresse] --- C’est un tweet du premier ministre Jean Henry Céant qui a annoncé la démarche judiciaire entreprise par l’État haïtien à propos de la dilapidation présumée des fonds d’aide vénézueliens PetroCaribe, dont une nouvelle estimation officielle s’élève à plus de 4,6 milliards de dollars américains (Ndlr : US $ 1.00 = 83.00 gourdes ; 1 euro = 101.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 1.80 gourde aujourd’hui).
« Aujourd’hui, l’État haïtien se mêle de la question … Il a porté plainte contre les personnes indexées » dans le dossier, lit-on sur le compte Twitter du chef du gouvernement.
On apprend que la démarche a été effectuée par la Direction générale des impôts (Dgi), habilitée à se constituer plaignante au nom de l’État.
« L’État continuera d’accompagner la justice et tous ceux qui veulent la restitution des fonds PetroCaribe », assure le premier ministre.
La méfiance demeure
Cette initiative, qui suscite le scepticisme de nombreux internautes, est entreprise 5 jours après la remise au sénat par la Cour supérieure des comptes d’un rapport partiel d’audit de l’aide vénézuélienne à Haïti, de 2008 à 2016.
Selon le rapport, une cinquantaine de projets financés par les fonds PetroCaribe seraient inefficients, inefficaces et leur gestion entachée d’irrégularités. Des préjudices à la communauté, au cadre réglementaire et aux bonnes pratiques, entre autres, ont été constatés dans l’ensemble de ces projets.
Parmi les opérateurs épinglés, on compte deux entreprises de Jovenel Moïse, actuel président du pays.
Ce nouveau rapport sur le dossier PetroCaribe alimente intensément les débats
Le document fait l’objet de la plus grande attention et est épluché au jour le jour. Il est susceptible de redynamiser la mobilisation antigouvernementale et en faveur de la reddition de compte. On observe, en ce sens, une convergence de mots d’ordre qui souhaitent profiter du momentum du 33e anniversaire de la chute de la dictature des Duvalier, le 7 février prochain.
Les militants du mouvement #PetroCaribeChallenge contre le gaspillage des fonds d’aide vénézuéliens, aussi bien à Port-au-Prince qu’en province, annoncent des manifestations et encouragent des initiatives citoyennes de mobilisation.
La coalition appelée Secteur démocratique et populaire, une frange de l’opposition, renouvelle lui son engagement à organiser une grande mobilisation le 7 février, afin de réclamer le départ de Jovenel Moïse du pouvoir, la tenue du procès PetroCaribe et le lancement d’une conférence nationale.
La Plateforme politique Vérité encourage la mise en accusation du président Jovenel Moïse, impliqué, selon elle, dans le gaspillage de l’aide du Venezuela. La Chambre des députés dispose de suffisamment d’arguments pour mettre en accusation le chef de l’Etat, estime Génard Joseph, de la plateforme Vérité.
Mécontentement aggravé par la dégradation socio-économique
La mobilisation, programmée pour le jeudi 7 février 2019, se fera également contre la cherté de la vie, le mensonge, la corruption, le black-out et l’insécurité, selon un Comité de pilotage constitué pour l’occasion.
La pénurie de carburant est, encore une fois, à nos portes, moins de trois semaines après une rupture de stocks à cause d’un manque de fonds en dollars américains pour régler la facture pétrolière.
Crise du taux de change de la gourde par rapport au dollar, qui a franchi depuis plus d’une semaine la barre des 80 gourdes, réduisant en peau de chagrin le pouvoir d’achat des ménages.
Désespérés, les Haïtiens ne cessent de prendre la mer. Le décès de 28 d’entre eux dans un naufrage, le week-end écoulé, au large des Bahamas, produit un choc d’autant plus retentissant qu’il n’y a pas eu de réactions officielles de l’exécutif. [gp apr 05/02/2019 05:00]