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Première soutenance de thèse du Programme doctoral Sciences humaines et sociales de l’Université d’Etat d’Haïti

Allocution de la Direction du laboratoire Ladirep, lue à la cérémonie ayant précédé la soutenance de thèse de Pierre Maxwell Bellefleur

Document soumis à AlterPresse

La première soutenance de thèse du Programme doctoral Sciences humaines et sociales de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh) a eu lieu le vendredi 11 janvier 2019 à Port-au-Prince. L’impétrant Pierre Maxwell Bellefleur, un enseignant de l’Ueh, à Limonade, qui a fait partie de la première cohorte d’étudiants du Troisième Cycle de l’Ueh, a défendu sa thèse sur la « Poétique de la nouvelle en Haïti : 1980-2010 » devant un jury composé de professeur.e.s haïtien.ne.s et étranger.e.s : Philippe Basabose de la University of New Foundland, Terre-neuve, Canada ; Alessandra Benedicty -Kokken, de Hogeschool Utrecht & de Universiteit Amsterdam, Hollande ; Alix Emera de l’Université d’État d’Haïti ; Nadève Ménard, de l’Université d’État d’Haïti et Michaël Rinn, de l’Université de Bretagne Occidentale, Brest, France. Avant la soutenance, le Rectorat avait organisé une cérémonie. Nous reprenons ci-dessous l’allocution de la Direction de l’Unité de recherche à laquelle sont rattachés le Directeur de thèse et son étudiant, le laboratoire LAngages DIscours REPrésentations (Ladirep). Ce discours a été lu par le Professeur Edelyn Dorismond, membre permanent et responsable de l’Axe 2 de Ladirep, en l’absence du Directeur du laboratoire et de son remplaçant par intérim, le Professeur Lenz Jn François.
………

Monsieur le Recteur de l’Ueh,
Monsieur Fritz Deshommes

Monsieur le Vice-recteur à la Recherche,
Monsieur Jacques Blaise

Monsieur le Directeur des Études Post-graduées et responsable de l’école doctorale Sciences Humaines et Sociales de l’Ueh,
Monsieur Blair Chéry

Madame/Monsieur les Membres du Collège doctoral d’Haïti (Cdh),

Monsieur le Directeur du Bureau Caraïbe de l’Auf,

Madame/Monsieur les Doyens et les membres des Conseil de Direction,

Madame/Monsieur les Professeur.e.s de l’Ueh,

Madame/Monsieur les invitées,

Chers collègues,

Dans ce contexte particulier, il n’est pas de bon ton de faire un long discours. L’événement du jour, ce n’est pas cette cérémonie, mais plutôt la soutenance de thèse qui doit se tenir dans quelques instants. Notre propos, en tant que responsable d’un laboratoire de recherche consiste à expliciter plus ou moins la signification de ce rituel universitaire et de souligner les engagements qu’il entraîne nécessairement. Faut-il bien que les uns, les unes, et les autres sachent que cette soutenance saluée comme la première soutenance de thèse de l’Université d’État d’Haïti, nous oblige. Aucun prétexte à un recul ne sera recevable. Nous sommes obligés de continuer, de poursuivre, de tracer le chemin pour d’autres événements similaires. Nous ne devons avoir aucune gêne à savourer ce moment, néanmoins, nous devons surtout prendre la mesure de cette nouvelle responsabilité dès à présent.

Cette soutenance est l’un des aboutissements de multiples efforts déployés depuis 2011-2012 pour mettre en place l’école doctorale dont l’objectif principal est d’élever le niveau de l’enseignement supérieur en Haïti en partant du troisième cycle. C’était l’engagement du Rectorat de Jean Vernet Henry. Il s’agissait de donner une impulsion, un élan, provoquer un enchaînement, créer un effet d’entraînement : du troisième cycle vers le second et vers le premier cycle (la licence), et, par la suite, vers les autres compartiments du système éducatif : l’enseignement secondaire et le primaire. Cette perspective allait à rebrousse-poil des approches des organismes internationaux qui ont toujours voulu appuyer les programmes d’éducation en Haïti en concentrant leurs efforts, les financements sur l’éducation de base, c’est-à-dire sur l’enseignement primaire.

L’approche du Professeur Henry est une vraie gageure. On va sans doute attendre encore quelque temps pour que ses effets se fassent sentir sur l’ensemble du système éducatif.

Cependant, nous apercevons déjà des transformations dans l’institution universitaire. Il faut en prendre acte. Et, peut-être, elles sont à la base des crises récentes qu’on a connues.

Parmi ces transformations, mettons l’accent sur ce début d’institutionnalisation de la recherche. L’Ueh a, en effet, été contrainte de s’engager dans la recherche systématique. Car, la formation doctorale implique nécessairement la recherche. On ne peut former des docteurs que dans et par la recherche.

Aujourd’hui, à l’Université d’État d’Haïti, il existe en moyenne une dizaine d’unités de recherche. Des enseignants sont impliqués dans des activités de recherche et par voie de conséquence se trouvent entraînés dans la formation doctorale.

Cependant, les contraintes ne nous permettent pas d’évoquer un réel bond qualitatif. Le service minimum a été assuré par des collègues dans des conditions très difficiles. C’est ce qui rend possible cette soutenance.

Mais, nous ne voulons pas laisser passer cette occasion sans faire le plaidoyer en faveur de la recherche en Haïti, sans faire le plaidoyer en faveur de la recherche dans nos champs particuliers des sciences humaines et sociales.

Tout d’abord, la recherche ne peut pas être l’affaire de l’université. L’État haïtien, les élites économiques doivent cesser d’afficher ce désintérêt - on ne peut plus évident - pour la recherche scientifique. Ce déficit d’infrastructures, matérielle et institutionnelle, de la production scientifique est trop évident. Les chercheurs ne peuvent pas continuer à mener leurs travaux comme si c’était une activité personnelle. Il nous faut le statut qui correspond avec le travail dans lequel nous sommes impliqués.

Pour terminer, puisque notre propos doit être bref, nous voulons insister sur ces deux points :

(1) L’État doit mettre à la disposition de l’Ueh des enveloppes pour le financement des projets de recherche ;

(2) L’État doit financer également les démarches visant à rendre effectif le statut particulier de l’enseignant-chercheur.

Nous énonçons ces exigences en présence des responsables, en présence de la communauté réunie en ce grand jour. Nous souhaitons qu’elle devienne une rengaine de l’Ueh pour rappeler aux plus hautes instances politiques qu’il leur incombe la responsabilité de prendre les dispositions, en ce qui les concerne, pouvant assurer le développement du service public de l’enseignement supérieur, de l’Ueh en tant qu’unique institution publique dont la mission première devrait être la recherche.

Pour le laboratoire Ladirep : Jhon Picard Byron*

* Jhon Picard Byron est accueilli à Paris par l’URMIS-IRD depuis mai 2018, suite aux événements malheureux, survenus le 12 juin 2017 à la Faculté d’ethnologie. Il poursuit ses recherches grâce à une bourse du Programme Scholar Rescue Fund (Srf) de l’Institute for International Education (Iie).