Par James Darbouze*
Soumis à AlterPresse le 11 décembre 2018
Le 13 novembre 2018, un massacre a été perpétré dans le quartier populaire de La Saline, situé à la sortie nord de Port-au-Prince. Trois jours après les faits, soit le 16 novembre, un rapport préliminaire d’une organisation de défense des droits humains, la Fondation Je Klere, faisait état de plus d’une vingtaine d’assassinés. Il mentionna la responsabilité des autorités étatiques, notamment celle du délégué départemental de l’Ouest, M. Joseph Pierre Richard Duplan dans la planification des événements. Durant le week-end du 1e décembre, un autre rapport, plus documenté et plus détaillé, cette fois-ci sous la signature du Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) vint confirmer les faits et les allégations.
Le bilan est extrêmement lourd : des femmes sont assassinées et/ou violées, des enfants en bas âge (3 ans) sont exécutés par balle ou à coups de pierre, des personnes âgées (dont une femme de 73 années) sont abattues. Le rapport du réseau fait état d’une montée en cascade de ces expéditions punitives. Dans un premier temps, le 1er novembre 2018, cinq (5) personnes ont été abattues et neuf (9) autres ont été blessées par balles. Ensuite, selon le Rnddh, le 13 novembre 2018, soixante-treize (73) victimes ont été recensées. Parmi elles, cinquante-neuf (59) personnes ont été assassinées, deux (2) personnes sont portées disparues et cinq (5) personnes blessées par balles. Sept (7) femmes ont été violées. Des cinquante-neuf (59) personnes assassinées, l’organisation a recensé seize (16) femmes et six (6) mineurs dont deux (2) étaient âgés de trois (3) ans. Les autres étaient respectivement âgés de neuf (9) ans, dix (10) ans, seize (16) ans et dix-sept (17) ans. Cent cinquante (150) maisons ont été vandalisées ou criblées de balles. De nombreuses maisons ont été totalement incendiées. (cf. Réseau National de Défense des Droits Humains, Les événements survenus à La Saline : de la lutte hégémonique entre gangs armés au massacre d’État, décembre 2018, 17 p.).
En plus du bilan extrêmement accablant, deux autres éléments majeurs sont à noter pour le réseau afin de saisir la portée de l’événement :
1) il ne fait aucun doute que depuis le départ pour l’exil du dictateur et ancien président à vie Jean Claude Duvalier en 1986, « les événements sanglants de La Saline constituent le deuxième massacre avec le bilan le plus lourd enregistré dans le pays ». Le premier étant celui de Jean Rabel qui, en 1987, avait causé le décès de cent trente neuf (139) paysans. La mise en perspective de ces deux massacres n’est pas un fait anodin comme nous le verrons par la suite ;
2) le rapport du Rnddh conclut de la manière suivante : « Toutes les personnes victimes (…) accusent l’État d’avoir orchestré ces événements. Additionné à cela, le retentissant silence des autorités autour de ces événements prouvent qu’effectivement certaines d’entre elles étaient impliquées dans la préparation de l’attaque du 13 novembre 2018 et que d’autres ont été mises au courant mais ne sont pas intervenues à temps pour l’empêcher. Sur la base de ces considérations, le réseau estime que les événements du 13 novembre 2018 constituent un massacre d’État. » (cf. Réseau National de Défense des Droits Humains, Les événements survenus à La Saline : de la lutte hégémonique entre gangs armés au massacre d’État, décembre 2018, p. 17).
Pris ensemble, le bilan du massacre et l’indifférence des autorités sont des éléments chargés de conséquences pour l’analyse politique des temps difficiles que traverse le pays. Est-ce pourquoi de nombreux observateurs qui ont pris connaissance du rapport – ainsi que de la gravité des faits rapportés – formulent le reproche que les conclusions et les commentaires bottent en touche. Ce qui est proposé ne semble pas tenir compte de la dimension du mal. Pour notre part, après avoir passé en revue les multiples détails de ce rapport le week-end même de sa diffusion, deux questions n’ont cessé de nous tracasser : est-il permis à des dirigeants d’un État de droit de massacrer ou de faire massacrer impunément une partie de sa population, une partie de son peuple ? Leur est-il permis de s’associer à des bandits pour le faire ?
Petit rappel autour des variantes de l’État de droit en Haïti
Avec le renversement populaire de la dictature duvaliériste le 7 février 1986, nous sommes passés d’un état autoritaire, tyrannique, cherchant par la force, la terreur, la coercition et la répression à imposer le bon vouloir de quelques-uns à l’ensemble de la population à un idéal d’État porté par une revendication populaire de démocratie dans un premier temps et de service dans un second temps.
Au temps de l’État tyrannique, les volontés et désirs des citoyens ne comptaient que pour du beurre. L’État de puissance dont la fonction est de maintenir l’ordre dans la société, dont il assure la direction, imposait aux individus, sans leur consentement bien entendu, des diktats que ceux-ci étaient forcés de suivre par crainte de la mort violente. Loin d’un objectif d’épanouissement ou d’émancipation, ce qui était visé n’était autre que la sujétion des individus, le sacrifice de leur liberté pour le bien-être de quelques-uns. Idéalement, le « bon citoyen » c’était celui qui ne désirait ni ne voulait rien d’autre qu’obéir à l’ordre [1]. À la sortie des vingt neuf années de dictature, il a fallu donc, face aux pressions et revendications populaires, forcer l’État à se reconfigurer.
Face à l’archétype d’État tyrannique, les revendications de changement post dictature du peuple haïtien ont oscillé entre deux grandes visions concernant la nature et la vocation du nouvel État à venir. D’une part, une revendication d’État de droit formulée contre les militaires, soit un État qui serait l’émanation du droit limitant sa puissance d’arbitraire. Ici, ce qui définirait l’État ce serait, non pas sa force de frappe, mais son identification à un ordre juridique et sa soumission au droit. D’autre part, la revendication et l’aspiration à un État de service devant répondre à la situation de dénuement et de pauvreté extrême dans laquelle la dictature duvaliériste avait laissé croitre et se confiner la population haïtienne. Dans l’optique de cette seconde revendication, la force de l’État réside surtout dans sa capacité à être le principal moyen d’exercer la solidarité sociale par le biais des services publics. On retrouve ainsi consignés dans la Constitution de 1987, les deux axes de ce nécessaire changement de perspective dans l’orientation de l’État haïtien. Tandis que le premier rejoint les exigences de liberté, le second celles de l’égalité, de la solidarité et du bien-être pour la majorité. Pour des raisons qu’il conviendrait certainement d’analyser, l’essentiel des luttes menées jusqu’ici a été concentré sur le premier des deux termes – l’état de droit – et un arrangement minimal a été imposé à ce propos.
Dans les limites de ce nouvel arrangement, l’État libéral est censé incarner une autorité incontestée et légitime, supposé être l’émanation de la volonté du peuple. Le peuple le reconnaît et lui aussi reconnaît le peuple d’où il tire sa puissance (potentas). Un tel État en phase avec la population remplit avec compétence ses missions qui, comme le soutient la philosophe Caroline Sarroul (2010), « ne se réduisent pas à assurer l’ordre pour lui-même mais pour permettre la coexistence des libertés et que chacun puisse faire librement son bonheur en corrigeant les inégalités, en donnant une égalité des chances » [2]. S’il est vrai qu’un tel État n’a jamais vraiment existé dans l’environnement haïtien, certaines tentatives ont cependant été réalisées pour instituer une relative démocratie représentative souveraine, notamment lors de la première expérience lavalassienne – interrompue par le sanglant coup d’État du 30 septembre 1991. Mis en perspective, le massacre de La Saline n’est autre que l’aboutissement logique de la démarche de retour aux affaires politiques des partisans de l’État tyrannique.
Se rappeler des temps jadis
Le mode opératoire utilisé à La Saline ressemble étonnement à celui auquel avaient recours les anciennes Forces Armées d’Haïti (FAd’H) entre 1986 et 1994, avant leur démobilisation. Lors, il s’agissait de terroriser constamment la population, notamment les habitants de quartiers populaires, pour les forcer à rester dans « leurs trous » comme ils disaient à l’époque. Cette armée « sans foi ni loi » qui ne s’en prenait qu’aux civils désarmés.
De jour ou dans la nuit, des individus armés (corps d’État accompagnés de bandes de civils) s’introduisent dans les maisons – le plus souvent des taudis puisqu’on est dans des quartiers populaires – et arrachent des hommes et des femmes de leur foyer pour les exécuter en pleine rue. Certains sont décapités, d’autres hachés en petits morceaux et certains autres, fusillés. De nombreux cadavres ont aussi été carbonisés. Des razzias sont opérés, des dizaines voire centaines de citoyens-citoyennes sont froidement abattues, des femmes sont violées collectivement, tout cela avec l’objectif de terroriser et d’installer la peur. Les corps sans vie sont enveloppés dans des sacs, étalés sur des morceaux de carton, sur des piles d’immondices ou jetés dans des canaux d’eaux usées de manière bien visible.
En ce qui concerne le massacre perpétré à La Saline, certains auteurs intellectuels et exécutants sont clairement identifiés dans les divers rapports cités : M. Fednel Monchery, Directeur General du Ministère de l’Intérieur, M. Joseph Pierre Richard Duplan, Délégué départemental de l’Ouest, M. Ronsard Saint Cyr, Secrétaire d’État à la sécurité publique, M. Jonas Vladimir André Paraison, ex-coordonnateur de la sécurité du Palais national, M. Jimmy Cherizier, agent de la Police Nationale d’Haïti (UDMO), M. Gregory Antoine, agent de la Police Nationale d’Haïti affecté à la sécurité du délégué départemental de l’Ouest, M. Fernel Saintil, agent de la Police Nationale d’Haïti, commissaire principal de la Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale (BOID) [3].
Tous ces gens doivent impérativement répondre des accusations portées contre eux par devant les autorités judiciaires constituées. Si cela s’avère impossible dans les conditions actuelles, une plainte internationale les concernant devrait être déposée pour crime de masse et massacre contre la population civile en prenant pour base les éléments contenus dans les rapports.
Comprendre et agir vite pour bloquer le surgissement des vieux démons !
Dans les régimes modernes de droit formel, les droits de l’Homme sont considérés comme les fondements inaliénables de toute société. De tous les droits, le droit à la vie est le plus fondamental puisque, comme le stipule la convention européenne, sans lui, il n’est pas possible de jouir des autres droits de l’homme. Le droit à la vie est défini comme le droit inconditionnel de tout être humain à être protégé contre l’assassinat arbitraire. Dans le cadre des crimes de masses comme le massacre de La Saline, c’est ce droit qui a été principalement violé.
La République d’Haïti fait partie des pays abolitionnistes de la peine de mort. La Constitution de 1987, en son article 20, a aboli la peine de mort en stipulant que : « La peine de mort est abolie en toute matière ». Or, sous prétexte d’efficacité, on constate depuis un certain temps le retour d’un discours officiel revendiquant impunément le droit de tuer – supposément contre des bandits (dont d’ailleurs ils font partie de l’avis d’une majeure partie de la population) [4]. Et pour cela, le discours en question s’attaque aux organisations vigiles, principalement les organisations du peuple revendicatif et les organisations de défense des droits humains. Comme on s’y attendrait, ledit discours trouve une large résonnance au niveau des médias dominant l’opinion publique. Ceux-ci semblent vouloir faire rentrer dans la tête des gens que seule une logique droitière de répression au service de l’ordre dominant et de stabilisation dans la misère et la pauvreté peut résoudre la « crise » haïtienne actuelle. Le plus frappant, c’est qu’au même moment des organisations dénoncent une montée « spectaculaire » de la violence et une multiplication effrénée des décès par balle. C’est à croire que les officiels actuels – de même que leurs caisses de résonnance médiatique – aspirent à transformer le pays en tombeau [5] pour la majeure partie de ses habitants. Toute la question serait de savoir à quelle fin et pour quel but.
Au niveau du pouvoir actuel, la ligne officielle de l’état démocratique c’est celle d’un État ultra sécuritaire où les forces répressives disposent de la pleine latitude en ce qui a trait au droit de vie et de mort sur n’importe quel citoyen notamment les plus vulnérables, les plus faibles, les plus démunis [6]. Dans toute démocratie, si limitée soit elle, la liberté d’ester (agir) en justice, de critiquer et de dénoncer les actions, actes et agissements arbitraires est la qualité fondamentale qui résume toutes les autres qualités. Il s’agit du nec plus ultra de l’État de droit et de la démocratie formelle. Quand des voix officielles ne cessent de réclamer le renforcement du droit de tuer – ou de stopper – pour les forces répressives, il ne fait plus aucun doute que nous sommes dans un État voyou dont la visée ultime n’est autre que la terreur [7].
En régime démocratique, seul un bandit et un criminel en puissance (ou en acte) peut considérer le travail des organisations de défense de droits humains comme un obstacle au bon fonctionnement de la société. Les droits de la personne concernent tout le monde. Aucune autorité respectueuse des droits de la personne – voire soucieuse du respect de ceux-ci – ne saurait se sentir gêné par le travail de défense de ces droits, comme semblent l’être les actuels occupants de toutes les sphères du pouvoir. Comme cela se passe partout ailleurs sauf en dictature, l’existence de ces organisations devrait être une protection pour les citoyens et citoyennes, une garantie contre l’arbitraire des puissants, des pouvoirs publics et de l’État.
Au fond, il faut comprendre que la logique de la répression tout azimut est en réalité une démarche trompe-l’œil qui vise sciemment à créer le chaos, à instituer la loi de la jungle, anti-institutionnelle, l’état sauvage [8], un ordre où seul le banditisme a le droit de cité … c’est dans un tel climat que les brasseurs d’affaires peuvent opérer en toute tranquillité. À l’évidence, ce sont les valeurs politiciennes et non-éthiques mises en avant par la clique ayant assailli le pouvoir démocratique qui constituent la principale menace à la stabilité de l’État haïtien. Autant le double langage que le décalage – voire l’incohérence – des discours aux pratiques peuvent être présentés comme témoins de l’inefficacité du processus de reconstruction en matière étatique.
Comme diraient certains, only in Haiti que l’on peut entendre un président de la République, un président d’Assemblée Nationale et un président de chambre des députés faire l’apologie de l’arbitraire, l’éloge du banditisme, fut-il légal, sans que cela n’engage aucune conséquence ni ne fasse tiquer personne [9]. C’est tout de même dommage que les hommes et femmes politiques imposés à la société haïtienne soient à ce niveau d’inculture démocratique – d’autres parleraient d’indigence - que leur logique ne peut aller au-delà de la logique du banditisme.
Définitivement, le supposé « État de droit » en construction en Haïti depuis 1986 est en passe de se transformer en état voyou. En fait, il y a longtemps que nous ne sommes plus en face du processus de construction d’un « État de droit » même nominal. Mais, nous sommes en face de ce que le philosophe et militant politique Alain Deneault (2010) appelle une « souveraineté criminelle ». Une combinaison de forces internes et externes se constitue, organise un assaut de l’appareil d’État, sape ses éléments traditionnels de souveraineté dans le but d’organiser le pillage en règle des ressources du pays. Des officiels se livrent à la contrebande, au trafic d’armes, un responsable de sécurité présidentielle est accusé de crime transnational tandis que le président de la République lui-même est inculpé de blanchiment de l’argent sale … le dispositif global est celui de l’économie du crime. L’insécurité ambiante, l’impunité et la corruption érigées en système, le grand autant que le petit banditisme, voire l’incivilité des officiels et des hauts-dignitaires de l’État, tout cela participe du dispositif de cette souveraineté criminelle.
C’est dans le cadre d’un tel dispositif de détournement du pouvoir démocratique qu’un officiel, deuxième personnage de la République [10], accusé à tort ou à raison par la clameur publique d’implication dans le trafic illicite de stupéfiants, peut se permettre d’affirmer envers et contre tous : « à bandit, bandit et demi ». Il y a donc urgence d’agir. L’urgence c’est que des signaux clairs soient envoyés. Pour ceux et celles qui se seraient trompés de lieux et d’année, il importe de signifier clairement et avec la plus grande rigueur que nous ne sommes plus à cette ère-là.
En dépit du fait que des haut-fonctionnaires de l’État, des dignitaires et des officiels soient accusés d’avoir participé à la planification de ces événements sanglants, d’y avoir pris part directement et d’avoir fourni des armes et des véhicules de l’État à des membres de gangs armés pour la perpétration du massacre ; à dessein, certains medias, notamment ceux affidés aux couches réactionnaires du secteur des affaires et au pouvoir en place, tentent d’orienter l’opinion publique en utilisant des écrans de fumée, une hypothétique question de guerre des gangs, tout en évacuant les questions essentielles et pertinentes comme celle de la responsabilité des pouvoirs publics. C’est ainsi que des régimes d’extrême droite ont pu s’installer durablement au détriment du bien commun et du bien-être des populations. Au risque de répéter certains lieux communs, des lapalissades, lors même qu’il s’agirait d’une guerre de gangs, Haïti n’est pas producteur d’armes ni de munitions. Les questions intelligentes seraient de savoir d’une part où les gangs s’approvisionnent-ils en armes et en munitions, quel est leur monnaie d’échange puisqu’on a de cesse de rappeler que Haïti est le pays le plus pauvre de l’Hémisphère et d’autre part, quel est le leitmotiv exact de la guerre.
En guise de conclusion politique
Nous ne devons pas être dupes ! Le crapuleux massacre réalisé à La Saline, le 13 novembre, pour consolider l’État voyou est un symbole, un signal fort envoyé aux partisans de la lutte pour la démocratie, l’égalité et le bien-être en Haïti. Il découle d’une immense entreprise de répression politique visant à terroriser et effrayer un peuple en lutte pour la vie digne, la liberté et la fin de la corruption. Devant leur « faillite » à résoudre les problèmes fondamentaux sources des crises sociales à répétition, les classes dominantes tentent de détruire – ou de pervertir – les acquis symboliques de la lutte post-dictature.
Il devient dès lors impérieux de comprendre que l’institutionnalisation d’une forme « voyoute » de l’État a pour visée l’établissement d’une situation d’oppression et de terreur extrêmes préalables à la mise en place d’une nouvelle dictature. L’acquisition d’armes de guerre, le recours au service de mercenaires internationaux sans foi ni loi contre les mouvements de protestation et les aspirations de la population civile participent de cette même logique. Le massacre de la Saline également. En clair, pour occulter leur incapacité, les forces de l’oligarchie, les dirigeants de l’État actuel et leurs tuteurs internationaux n’ont rien d’autres à proposer à la population que la violence, la terreur, le chaos et le massacre de populations civiles.
A l’évidence, les forces populaires haïtiennes de façon générale, en particulier à travers leurs structures organisationnelles formelles et informelles, doivent tirer les conséquences du massacre de la Saline. Elles se doivent de prendre rapidement les dispositions pour non seulement contrecarrer cette « transformation criminelle » de l’État haïtien mais renforcer leur lutte pour les changements structurels dans la nature profonde de cet État. Dans cette lutte, le peuple ne peut compter que sur ses propres forces. Contre le retour à la barbarie, pour le respect des droits fondamentaux de la population, du droit à la vie de la population civile, les criminels au pouvoir doivent payer leurs forfaits.
* Enseignant-chercheur en philosophie, sociologie et planification territoriale ; responsable de rubrique au journal Haïti-Monde ; animateur du Groupe d’Études et de Recherches en Philosophie : Théories et pratiques. Il a également milité au sein du Syndicat des Travailleurs Enseignants Universitaires Haïtiens (STAIA en créole).
…….
[1] Cf. Max Chancy, Haïti, J’accuse – Documentaire sur l’Histoire d’Haïti, part 3 et 4, Duvalier, 2009.
[2] Sarroul, Caroline, « Peut-on affirmer que la force de l’État fait la liberté des citoyens ? », 9 juin 2010.
[3] Aux dernières nouvelles, l’un des agents de police indexés dans le cadre de ce massacre, M. Jimmy Cherizier (alias Barbecue) aurait été renvoyé par la Direction générale de l’institution policière. L’ex-coordonnateur de la sécurité du Palais national, M. Paraison, révoqué le 3 décembre suite à son inculpation par la justice haïtienne dans le cadre d’un autre dossier de trafic transnational d’armes, se serait embarqué depuis l’aéroport de Jacmel pour une destination étrangère (cf. Marcus Garcia, Journal Mélodie Matin, Mardi 11 décembre 2018). Pour beaucoup, ces décisions sonnent comme un désaveu de leurs « agissements » par les responsables de l’institution policière. Il revient maintenant à la justice de faire son travail.
[4] Comme le faisait remarquer un observateur avisé de la vie politique haïtienne, bien heureux serait celui en mesure de trouver au sein de l’actuel parlement haïtien un officiel sans passif et sans dossier criminel. Les sorties fracassantes de parlementaires s’accusant les uns les autres (qui de viols sur enfants mineurs, de vol de voitures, qui de trafic de drogues ou d’armes, qui de détournement de fonds, de trafic d’influence, de blanchiment des avoirs, qui de contrebandes transfrontalières) auraient tendance à confirmer les constats de l’observateur.
[5] Dans son dernier rapport du mois de novembre sur l’insécurité, la Commission épiscopale nationale de l’Église catholique Justice et Paix (Ce-Jilap) a relevé la multiplication effrénée des cas de morts et de violence en moins de deux mois. Deux cent trente (230) cas de mort violente parmi lesquels 202 personnes tuées par balle, ont été enregistrés dans la région métropolitaine par Ce-Jilap entre le 1er octobre et le 27 novembre 2018. En comparaison, notons que lors de la présentation de son bilan au mois de septembre 2018, l’organisme avait enregistré pour la période de janvier à septembre 535 personnes tuées, dont 415 par balles. Les principales victimes restent les habitants des quartiers populaires.
Cf. http://www.alterpresse.org/spip.php?article23574#.XAdWlNu8Vdi
https://rezonodwes.com/port-au-prince-230-morts-violentes-entre-octobre-et-novembre/
[6] Entrevue autour du massacre de La Saline avec le délégué départemental de l’Ouest, M. Joseph Pierre Richard Duplan, Journal Premye Okazyon du jeudi 15 novembre 2018, Radio Télévision Caraïbes.
[7] Pour bien saisir la portée de cette logique officielle mortifère, on doit noter que la Police, pour laquelle ces officiels revendiquent le droit de tuer sans conséquences, la Police Nationale d’Haïti n’est pas une institution connue pour son respect des droits humains, son respect du droit à la vie et son penchant à la négociation avec la population civile. Chaque sortie des unités de cette institution est ponctuée de « bavures » dont le solde est la mort de civils. De plus, alors que depuis 1987 la peine de mort a été abolie en toute matière dans le pays, lors de points de presse hebdomadaires, le porte-parole ne rate jamais une occasion de faire savoir que des bandits armés ont été « stoppés ». C’est une police avec la gâchette facile, « stopper » étant le terme utilisé pour dire qu’ils ont été abattus, sans autre forme de procès, par la Police. Cf. à ce propos, le rapport du Rnddh, Bavures policières, bastonnades, menaces, traitements cruels, inhumains et dégradants : Le RNDDH invite le CSPN à sévir contre les agents impliqués, Octobre 2018
[8] Pufendorf (1672) dans son ouvrage De jure naturae et gentium (Du droit naturel et des gens – petit clin d’œil à BC) rappelle que « l’état de nature est l’état des hommes n’ayant entre eux d’autre lien que leur qualité commune d’être des êtres humains, chacun étant libre et égal à tous. » Ici nous utilisons l’état sauvage et l’état de nature comme synonymes.
[9] Samuel Céliné, « A bandit, bandit et demi », prescrit Joseph Lambert à l’insécurité, Le Nouvelliste, Lundi 3 décembre 2018
[10] Idem. Cf. « Dans cette sortie, Joseph Lambert souligne « qu’il ne faut pas laisser de place aux bandits qui terrorisent la population ». Ainsi, les parlementaires qui volent au secours des bandits quand ils se trouvent nez à nez avec la police, les organisations de droits humains qui s’acharnent à défendre les malfrats au nom des droits de l’homme sont tous appelés à regarder la réalité en face. » https://www.lenouvelliste.com/article/195511/a-bandit-bandit-et-demi-prescrit-joseph-lambert-a-linsecurité.