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Le film " Les derniers colons ", projeté en Haiti

P-au-P., 28 mars. 05 [AlterPresse] --- Des dizaines d’élèves provenant de différents établissements de la capitale haïtienne ont assisté ce 27 mars au Rex Théâtre à la projection du documentaire « Les derniers colons » du réalisateur belge bien connu Thierry Michel.

Il s’agissait d’une initiative de la Fondation Culture Création dans le cadre du festival Haïti-Congo lancé à Port-au-Prince le mois dernier. Cette projection succède à celle effectuée quelques semaines auparavant de « Zaïre : le cycle du serpent », du même réalisateur.

Le visionnage de « Les derniers colons » devait être suivi d’un débat qui au fait s’est transformé en une litanie de questions adressées par les élèves présents au journaliste
culturel et poète Marc Exavier ; des questions qui n’avaient pas toujours grand-chose à voir avec le scénario et la réalisation du film.

« Les derniers colons » : c’est un film témoignage sur la vie des blancs qui ont décidé de rester au Zaïre, ci-après République Démocratique du Congo (RDC), malgré les émeutes et les nombreuses scènes de pillage, de « dechoukaj », ayant jalonné la période de fin de règne du dictateur Mobutu Sesekou.

Thierry Michel présente lui-même ce documentaire comme un carnet de route, un témoignage furtif et imparfait. Le réalisateur se proposait de compléter le propos du film avec le point de vue des Zaïrois. Mais ce dernier projet a achoppé sur le manque de coopération des autorités qui ont confisqué son carnet de notes et l’ont expulsé du Zaïre.

« Les deniers colons » suit globalement une trame simple frisant une certaine linéarité journalistique : narration, interviews, images et scènes illustratives. Néanmoins, quelques lieux et situations liés au statut complexe, voire paradoxal, de certains interviewés contribuent à atténuer cette linéarité.

Par exemple, ce jeune colon longeant son champ s’étendant sur trente-deux mille hectares pour constater les traces de saccage, ou cet autre colon se détendant au milieu du fleuve serpentant son domaine, « le seul lieu où noirs et blancs se mêlent de manière cordiale », où enfin cet autre colon engageant un dialogue de sourd avec des serviteurs qu’il
soupçonne de complicité dans le pillage de sa maison.

Ce film aurait vu le jour par hasard. Thierry Michel raconte avoir commencé à saisir avec une caméra amateur les images des troubles qui secouaient le Zaïre entre 1992 et 1995. Et l’envie lui a pris d’aller plus loin.

Cet aspect fortuit imprime à ce documentaire une grande spontanéité ; une spontanéité que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres films de Thierry Michel pourtant tournés en fonction d’un calendrier pré-établi. C’est le cas notamment dans son film intitulé « Les gosses de Rio ».

Aventuriers, prédateurs, bâtisseurs ? Pourquoi les blancs restent au Zaïre ? s’interroge le film. Sur plus de cent mille blancs présents au Zaïre à l’époque de la colonisation, il n’en reste aujourd’hui que trois mille. La moitié est constituée de missionnaires.

« Les derniers colons » : un film planchant sur le Zaïre, mais qui rappelle étrangement Haïti. Libéré du joug de la colonisation belge en 1960, ce pays a connu une
histoire parsemée d’une longue dictature avec notamment Mobutu Sese Seko dont
le règne a duré trente-deux ans (1965-1997).

Le film montre aussi que le Zaïre a été marqué par des dizaines d’années d’inégalités, de violence et d’incompréhension entre communautés blanche et noire. « Ce pays meurt d’être trop riche. Il est mal géré, mal exploité par ses dirigeants du haut en bas de l’échelle. C’est l’enrichissement d’abord ; le service est mis de côté ».

Qui dirait que ces propos glanés dans le documentaire de Thierry Michel ne concernent pas Haïti ? [vs gp apr 28/03/2005 10:00]