P-au-P., 26 mars 05 [AlterPresse] --- « Le bilan n’est pas si mitigé que ça », ont conclu des intervenants et participants au forum bilan sur les 10 ans de l’Internet en Haiti, tenu à Port-au-Prince les 22 et 23 mars, à l’occasion de la 4ème édition de la Fête de l’Internet en Haiti.
Lors de la deuxième journée de ce forum, organisé par le Groupe Médialternatif en partenariat avec le Réseau Télématique Haïtien pour la Recherche et le Développement (REHRED), les échanges ont porté sur « Services et applications liés aux TICs en Haiti » et « Utilisateurs et usages des TICs ». Ils ont bénéficié de l’apport de spécialistes tels que
Patrick Attié, vice-recteur de l’Ecole Supérieure d’Infotronic d’Haiti (ESIH), Stéphane Bruno et Sheila Laplanche du Projet d’Accompagnement d’Haïti dans la Société de l’Information (AHSI) et Fritzie Leroy du Centre d’Accès à l’Internet de l’Agence Universitaire de la Francophonie.
Haïti peut devenir un acteur important
« On est très loin derrière » en matière de TIC, mais Haïti a des potentiels considérables, selon Patrick Attié, qui dresse un tableau des faiblesses et des forces du pays en ce qui concerne le développement technologique. A coté de la situation socio-économique difficile et les irrégularités administratives qui ne favorisent pas le progrès technologique, Attié souligne que Haïti est essentiellement consommateur de produits technologiques et n’assure pas la formation adéquate de ressources capables d’intervenir dans les domaines de la haute technologie.
Cependant, Attié n’écarte pas que Haïti peut devenir un acteur important sur les marchés de haute technologie, si le pays se montre « plus agressif et moins complexé », s’il fait place à l’innovation et s’il arrête de considérer les créneaux courants et se positionne en vue « des combats de l’avenir ».
Parmi les potentiels favorables à une telle évolution, il y a la tradition de culture orale et visuelle de la société haïtienne, son « contexte typique de pays émergent », le dynamisme du secteur universitaire, l’évolution rapide de la connectivité et des possibilités de financement international. Le professeur invite à « travailler sur l’intelligence » et à mettre au point de « nouveaux savoir-faire qu’on peut vendre sur le marché international ».
Savoir-faire vendable à l’extérieur
A propos de savoir-faire vendable à l’extérieur, Stephane Bruno indique que l’expertise haïtienne en matière de gestion de nom de domaine est très sollicitée au niveau des pays africains. Ils souhaitent bénéficier de l’expérience de l’administration du domaine .ht qui a déjà rapporté à Haïti plusieurs dizaines de milliers de dollars.
L’Expert National du Projet AHSI a cependant souligné un faible développement du commerce électronique en Haïti, à cause de l’absence d’une plate-forme de commerce électronique locale. Ces services se cantonnent presque essentiellement au niveau du secteur bancaire.
Au niveau de l’administration publique, aucun exemple de service en ligne n’est noté. Pourtant, selon Stéphane Bruno, l’administration électronique pourrait favoriser une amélioration des prestations de l’Etat. L’action gouvernementale pourrait avoir un effet d’entraînement par rapport à tous les secteurs de la société.
En ce qui concerne l’utilisation des logiciels, Stéphane Bruno croit qu’il y a une « petite évolution » en Haïti, où les logiciels libres (pour lesquels on ne paie pas de licence d’exploitation) commencent à être prisés. Ces programmes informatiques « favorables aux pays en développement » devraient permettre aux Haïtiens de « mieux se positionner ».
Des comportements changent
Sur le plan des utilisateurs et des usages, à l’origine, le courrier électronique représente le « moteur » du développement de l’Internet en Haïti, constate Sheila Laplanche. Plus tard, ajoute-t-elle, satisfaisant à des besoins individuels, la téléphonie transforme l’Internet haïtien en un « fait ».
Selon Laplanche, de plus en plus, les écoles tendent à s’équiper en matériel informatique. Pourquoi s’interroge-t-elle, en indiquant que l’informatique dans les établissements d’enseignement élément est plutôt majoritairement considérée comme un « élément de différenciation » qui assure une bonne place dans la compétition.
Dans le commerce, ce sont surtout les entreprises du secteur touristique qui font un usage plus dynamique jusqu’à présent de l’Internet dans leurs activités quotidiennes, relève la spécialiste. Les réservations d’hôtel par Internet sont de plus en plus courantes, précise-t-elle.
Dans l’administration publique, poursuit Laplanche, on assiste à un nouveau phénomène où les procédures de correspondance se transforment avec l’introduction du courrier électronique. La correspondance électronique, qui bouscule dans de nombreux cas les normes de la communication dans le secteur public, impose de nouvelles règles qui doivent être mises en place pour l’archivage des correspondances.
Des changements s’opèrent dans le comportement de l’Haitien avec l’utilisation d’Internet, note Sheila Laplanche, tandis que des défis pointent à l’horizon, par exemple la maîtrise du temps, car l’Internet a réduit considérablement les délais. Elle met l’emphase sur le travail collaboratif qui se développe à travers l’Internet en Haiti en vue de l’innovation.
D’autre part, des « bouleversements » se produisent au niveau des rapports professeur/élève « sans qu’on s’en rende compte », indique l’experte. Un élève qui consulte Internet n’est plus un enfant passif attendant que son professeur lui apporte toutes les données, souligne Laplanche. Dans ces circonstances, le professeur se doit de revoir son rôle, ajoute-t-elle.
Apprendre à manger le gâteau
A partir de l’expérience du Campus Numérique à Port-au-Prince, Fritzie Leroy observe que les jeunes manifestent un besoin de formation et d’information mais sont très peu au courant des sources spécialisées disponibles sur Internet.
Pour répondre à ce besoin, le Campus a préparé un guide informatif de sites pertinents en matière d’enseignement supérieur. Un ensemble de supports est également disponible, constitué de cours et de documents rares numérisés. « La formation à distance se développe », indique Fritzie Leroy.
Mais ces efforts ne représentent pas l’attitude générale vis-à -vis des TICs et « Internet est comme un gâteau dont les Haitiens mangent seulement le sucre », estime Leroy. « Nous devons changer notre manière de consommer Internet et développer une vision commune », conclut-elle. [gp apr 26/03/2005 12:00]