Par Ronald Colbert
P-au-P, 04 juilllet 2018 [AlterPresse] --- La périphérie nord de la capitale, Port-au-Prince, a été secouée, dans la soirée du mercredi 4 juillet 2018, par des barrages (de carcasses de voitures, de pierres et de tessons de bouteilles), a observé l’agence en ligne AlterPresse.
Arrivés à Carrefour Shada [1], beaucoup de chauffeurs de transports publics et privés ont dû rebrousser chemin.
A ce carrefour, les chauffeurs ont essayé de trouver d’autres voies de passage pour pouvoir regagner leurs domiciles. Ils ont été alertés d’une situation de tension, qui commençait à exister un peu plus loin sur la nationale No.1, avec des jets de pierres, lancées par des mains inconnues.
Panique également sur la voie parallèle, dite wout nèf, dont une partie passe par la grande agglomération de Cité Soleil.
Du côté du Boulevard Marin (voie perpendiculaire à la nationale No. 1 et à la wout nèf), des tirs sporadiques d’armes ont été entendus, également dans la soirée du mercredi 4 juillet 2018, rapportent des témoins à AlterPresse.
Au bout de la wout nèf, non loin du Centre olympique pour l’espoir, à l’intersection de la route nationale No. 1, les riveraines et riverains ont constaté la mise en place de barricades, faites de carcasses de voitures, de pierres et de tessons de bouteilles.
Dans cette soirée, marquée par une absence de courant électrique public (le black-out), chacune et chacun cherchaient à trouver des voies de sortie pour entrer chez eux. Vu la disponibilité de téléphones cellulaires, ils en profitaient pour appeler leurs proches et les informer de l’état de la nouvelle situation.
Les rumeurs évoquent un renouvellement d’avertissement au gouvernement de Jack Guy Lafontant, qui aurait la velléité, depuis plus d’un mois, de décider d’augmenter les prix des produits pétroliers sur le marché national.
Différents secteurs semblent attendre la confirmation officielle du relèvement des prix des produits pétroliers, sur le marché national, pour passer à l’action… par différents mouvements de rues, voire de désobéissance civile.
Depuis plusieurs semaines, syndicats de chauffeurs de transports publics et groupes politiques de l’opposition ont mis en garde la deuxième équipe tèt kale (Ndlr : la première a régné du 14 mai 2011 au 7 février 2016) contre une telle disposition, qui, exploitant la période de la coupe du monde de football (en Russie, du jeudi 14 juin au dimanche 15 juillet 2018), aggraverait les réalités, surtout, des couches les plus pauvres, avec des effets multiplicateurs sur tous les prix (hausse accélérée des tarifs de transports publics, de biens essentiels à la consommation, entre autres) qui en résulteraient.
Le mécontentement et la mauvaise humeur sont perceptibles chez diverses couches dans la population, qui expriment leur préoccupation face à la vie chère et au mode de gestion sociale et politique, qualifiée de désastreuse, de dirigeants qui affichent un mépris sans limites vis-à-vis des revendications sociales.
Le taux d’inflation de plus de 14% tend à la hausse presque tous les mois, sur les différents marchés publics, à travers le territoire national d’Haïti.
La gourde, la monnaie nationale, vient d’atteindre le niveau de 69.00 gourdes pour un dollar américain, un niveau de dépréciation jamais atteint auparavant, durant les années antérieures, depuis la fin de la parité « un dollar américain pour 5 gourdes », du début des années 1980…
La grogne et la tension, enregistrées, début juillet 2018, dans une atmosphère déjà suffocante (niveau de chaleur extrême, due aux changements climatiques), en divers endroits dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, a lieu, parallèlement à un mouvement de concert de casseroles (bat tenèb) contre la présidence de Jovenel Moïse, orrchestré par des groupes politiques de l’opposition, dans la matinée du mercredi 4 juillet 2018.
Entre-temps, la périphérie sud de la capitale (Martissant, Fontamara) atteint un niveau de violence caractérisée, ces derniers jours, avec les manœuvres de gangs armés. Des tirs répétés d’armes font peur… Les habitantes et habitants imaginent des moyens d’évacuer leurs zones de résidences, sans éveiller les soupçons des gangs armés, qui pourraient faire main basse sur leurs biens.
Aucune disposition officielle de justice et de sécurité publique n’est encore en vue dans la périphérie sud de Port-au-Prince.
D’aucuns se demandent, avec anxiété, qu’est-ce qui risque de se passer, dans les jours à venir, en Haïti…[rc apr 04/07/2018 22:30]
[1] Ndlr : Le Carrefour Shada est l’intersection des routes nationales Nos. 1 (vers Cap-Haïtien, en passant par Cabaret, Arcahaie, Saint-Marc et Gonaïves) et 3 (vers le Nord-Est d’Haïti, en passant par les municipalités de Croix des Bouquets et du Plateau central).
Shada est le nom de l’ancienne Société haïtienne haïtiano-américaine de développement agricole, qui a pris naissance le 30 juillet 1941 sous le gouvernement d’Elie Lescot…une expérience de plantation, qui a contribué à renforcer la dépendance économique du pays...
Clin d’œil à l’histoire, il y a plus de 76 ans.