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A propos du spectacle de déhanchement d’une adolescente pour le couple présidentiel

Haïti : Pour une société où les femmes ne seront plus instrumentalisées à des fins politiciennes !

Déclaration de plusieurs associations féministes et de femmes après le spectacle de déhanchement d’une adolescente pour le couple présidentiel, le lundi 18 juin 2018, au Champ de Mars, principale place publique de la capitale.

Document soumis à AlterPresse le 20 juin 2018

Nous sommes profondément blessées du scénario, qui s’est produit au Champ de Mars le lundi 18 juin 2018.

En effet, ce qui était censé être une activité récréative, liée à la coupe du monde, s’est transformé en l’humiliation publique de citoyens et citoyennes, notamment des enfants.

Nous sommes doublement blessées du spectacle de cette fille de 9 ans, contrainte à se mettre en scène de façon hypersexualisante, en échange d’un cadeau empoisonné qui ne fait pas son âge.

De telles pratiques légitiment l’exploitation sexuelle des mineures ainsi que les violences faites aux femmes et aux filles. Elles participent également de l’instrumentalisation de la vulnérabilité et du corps des femmes à des fins politiciennes.

L’événement, qui s’est produit au Champ de Mars, nous propulse au temps de la dictature des Duvalier, où les autorités étatiques jetaient de l’argent par terre aux citoyens et citoyennes, alors qu’aucune politique de développement et de création de richesses n’était mise en œuvre.

Nous rappelons au Président, Jovenel Moïse, qu’il est garant de la bonne marche des institutions et du respect des lois de la République. Á cet effet, il a la responsabilité de veiller à la stricte application des Conventions internationales ratifiées par Haïti lesquelles font partie intégrante de la législation nationale.

Citons, notamment la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedef) et celle relative aux droits de l’enfant, qui consacrent les droits des femmes et des filles à vivre dans un environnement sain et libéré de toutes formes de violences.

Nous portons également à l’attention du Président Jovenel Moïse que le pays traverse une période particulièrement difficile. En effet, les données disponibles indiquent une accentuation des violences de genre et de la féminisation de la pauvreté. Nous assistons également à l’accroissement et l’exploitation systématique de messages et d’images dégradants et dévalorisants des femmes à travers les productions artistiques et culturelles, notamment la musique et la publicité.

Aussi, invitons-nous le Président à assumer ses devoirs en présentant des excuses publiques à la petite fille et sa famille ainsi qu’aux femmes haïtiennes blessées et humiliées par son geste.

Nous l’exhortons également à œuvrer en faveur d’une société juste et prospère où les familles peuvent offrir des jouets à leurs enfants de façon digne et décente.

Nous invitons le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (Mcfdf) à assumer sa mission, en combattant, avec force et volontarisme, toutes les formes d’exploitation des femmes et des filles, qu’elles émanent de hauts fonctionnaires ou de citoyens ordinaires.

Nous encourageons également le Ministère de la culture et de la communication à jouer sa partition, en éliminant la propagation d’images et de messages dégradants et dévalorisants des femmes, notamment à travers les festivités de masse. Car, il est également de son devoir de promouvoir un cadre social respectueux de la dignité humaine.

Nous réitérons notre engagement en faveur de la construction d’une société juste et égalitaire.

Signataires :

Ketleine Charles, Collectif universitaire pour la recherche et l’émancipation des femmes (Curef)
Marie Denise Senette, Rassemblement des féministes universitaires Haïtien-ne-s (Rafuf)
Natacha Clergé, Collectif Féminin Haïtien pour la Participation Politique des Femmes (Fanm Yo La)
Stéphanie Michel, Women For Liberty Haïti
Marie Murielle Morné, Bote Kreyol Ayiti (BKA)
Tina Nadine Anilus, Rezo Fanm Kapab DAyiti (Refkad)
Nadège Pierre, Òganisazyon Fanm Solid Ayiti (Ofasoh)
Josette Macillon, Femmes en Action Sud (FAC-SUD)
Marie Isnise Romelus, Kolektif Zabèt/Makandal pou yon lòt sosyete

Port-au-Prince, le 20 juin 2018