Par Ronald Colbert
P-au-P, 08 juin 2018 [AlterPresse] --- La situation économique et sociale en Haïti s’empire de jour en jour.
« Lamizè sa a plis pase grangou Kloròs nan lane 2008 lan », paraphrasent diverses citoyens et divers citoyens, interrogés par Alter Presse et AlterRadio sur les réalités actuelles de vie et de consommation quotidienne.
Les conditions de vie des habitantes et habitants se dégradent, devenant plus difficiles. Beaucoup plus de personnes intègrent, désormais, la catégorie des couches les plus pauvres à travers le territoire national, voire tendent à se transformer en mendiantes et mendiants, tant le coût de la vie est élevé.
En colère, toutes et tous, au sein de la population, manifestent leur grogne. Elles et ils se plaignent de la cherté de la vie, particulièrement de la hausse des prix des produits de première nécessité, en l’absence totale de mesures institutionnelles appropriées. Les services sociaux de base, non pris en charge par l’Etat, subissent également les effets de l’inflation.
L’absence d’emplois et les sous-emplois, les prix élevés, sur le marché national, des produits importés, font également partie du décor, peu reluisant, du fardeau de l’ensemble des citoyennes et citoyens, aujourd’hui, en juin 2018, en Haïti.
Aussi, paraît-il compliqué de parvenir à satisfaire les besoins personnels et les besoins familiaux.
Le niveau de prix actuels de tous les produits, essentiels à la consommation quotidienne, représente un fardeau pour les citoyennes et citoyens, qui n’ont pas les moyens suffisants de s’en procurer, selon les témoignages, recueillis par AlterPresse et AlterRadio : dans les différents marchés publics, formels et informels (notamment répartis dans les différents quartiers), sur les étagères des boutiques, les étalages et tréteaux de petites commerçantes, ainsi que d’autres espaces de vente à travers les rues, non seulement dans la zone métropolitaine de la capitale, mais encore dans les villes de province et les sections communales.
La dure réalité des prix des biens de première nécessité, en juin 2018
La petite marmite [1] de riz, très consommé par les ménages, Haïtiennes et Haïtiens, depuis plusieurs années [2] coûte environ 50.00 gourdes [3], contre 30.00 gourdes auparavant.
La petite marmite de maïs moulu, qui variait entre 22.00 et 25.00 gourdes, est passée, aujourd’hui, à 35.00 gourdes.
La petite marmite de petit mil (très utilisé dans la production de bière et d’autres produits) est vendue à 60.00 gourdes, au lieu de 30.00 gourdes.
La petite marmite de pois noir est actuellement débitée à 70.00 gourdes, contre 35.00 gourdes il y a quelques mois.
Le gallon d’huile (comestible) de cuisine (3.78 litres) est vendu, aujourd’hui, jusqu’à 450.00 gourdes, contre 225.00 gourdes auparavant.
La petite marmite de sucre brun (sik krèm) est passée de 20.00 à 35.00 gourdes.
Le lot (ou pil ze en Créole) de 3 œufs (3 unités) coûte aujourd’hui 30 gourdes, contre 18.00 gourdes auparavant.
Trois petites boîtes de lait concentré (169 gr = 160 ml) varient entre 65.00 et 75.00 gourdes, alors qu’elles pouvaient être obtenues à 50.00 gourdes, il y a quelques mois.
La barre (bâtonnet) de savon de lessive, qui était vendue à 15.00 gourdes, coûte maintenant 30.00 gourdes.
Tel est un relevé partiel des prix de biens essentiels à la consommation quotidienne, fourni par différents ménages interrogés par AlterPresse et AlterRadio.
Une idée des prix d’un plat de manje kuit
Une ou un ménage a besoin d’au moins 125.00 gourdes pour se procurer un plat chaud (qui peut comprendre de la salade, quelques légumes, un peu de viande, du riz ou du maïs moulu, de la sauce de pois).
La même ration de plat chaud était obtenue à 75.00 gourdes, il y a quelques mois.
Beaucoup de citoyennes et de citoyens acquièrent les plats de manje kuit dans des restaurants populaires, fixes ou ambulants, dénommés anba dra, akoupi m chaje w, bann apye, chen janbe, restoran bagi, et autres.
Pour répondre aux besoins des plus vulnérables, de petites commerçantes ambulantes, des livreuses de nourriture, courent les rues, avec leurs rations de manje kuit sur la tête ou placées sur des brouettes. Ces plats peuvent être obtenus à meilleur marché, entre 10.00 et 15.00 gourdes.
Ce type de service est généralement critiqué pour les conditions suspectes de préparation, qui seraient non hygiéniques et sanitaires.
Quoi qu’il en soit, les restaurants populaires informels desservent, tant bien que mal, une clientèle capable de payer un montant de 150.00 gourdes pour un plat chaud, généralement contenant du riz importé.
Mais, sont-ils suffisants à nourrir, convenablement, chacune et chacun, suivant la ration alimentaire quotidienne recommandée pour une consommation saine et dans le sens de la qualité de vie régulière ?
Quid des prix des autres biens non alimentaires ?
Ce focus d’AlterPresse et d’AlterRadio, relaté aujourd’hui sur les prix des beins de consommation les plus courants, ne décrit pas la réalité dramatique des prix d’autres biens essentiels, également marqués par l’inflation depuis plusieurs annnées, en différents points sur le territoire national.
Les commerçantes et commerçants fixent les prix de ces biens, non alimentaires, à partir de la valeur du dollar américain, par rapport à la gourde qui atteint, progressivement, une dépréciation accélérée.
Elles et ils décident de convertir le dollar américain à un taux variant entre 68.00 et 70.00 gourdes. Conséquence, de la disposition officielle(Ndlr : il s’agit de l’arrêté, pris en Conseil des ministres du 28 février 2018 et publié dans le journal officiel « Le Moniteur », numéro 38, du 1er mars 2018), apparemment non sufissament pesée, d’exiger que les transactions commerciales se fassent exclusivement en gourdes …, non plus en dollars américains, analysent des spécialistes.
Il n’y a pas encore de dévaluation, décidée par les autorités monétaires…
De leur côté, les banques commerciales décident de déterminer, de façon discrétionnaire, les prix des services, à fournir aux clientes et clientes.
Encore, un autre drame, vécu, en Haïti, par les consommatrices et consommateurs ! [mj rc apr 08/06/2018 12:00]
[1] Ndlr : La petite marmite, qui équivaut à une livre, est l’une des mesures, avec le gode, les plus utilisées sur les différents marchés publics en Haïti.
[2] Ndlr : cette ouverture a été enregistrée avec la libéralisation, qui a favorisé l’invasion massive du marché national, à partir de l’année 1986, après la chute de la dictature de François et Jean-Claude Duvalier.
[3] Ndlr : US$ 1.00 = 68.00 gourdes ; 1 euro = 85.00 gourdes ;1 peso dominicain = 1.60 gourde aujourd’hui.