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Haïti-Insalubrité : Les citoyens et les fatras : quelle responsabilité ?

Par Nancy Roc

Pour AlterPresse

Illustration : Castro Desroches

Port-au-Prince aura 5 millions d’habitantes et d’habitants en 2030. Une étude, établissant cette sinistre projection, a été publiée cette semaine et ne peut que donner des sueurs froides tant aux responsables qu’aux citoyennes et citoyens de la capitale d’Haïti. En effet, cette ville non gérée croule sous les détritus et on se demande comment sortir de ce gigantesque cloaque. Pour tenter de répondre aux préoccupations des Port-au-Princiennes et Port-au-Princiens, Nancy Roc propose la seconde partie de sa série spéciale sur l’environnement.

L’étude menée par 27 chercheurs haïtiens et étrangers [1], prévoyant que l’aire métropolitaine sera habitée par plus de 5 millions d’habitants dans des bidonvilles précaires qui accueilleront 40% de la population haïtienne en 2030, est tombée tel un couperet cette semaine. Ce ne sont pas tant les chiffres qui effrayent que le sinistre futur d’une ville vouée à être un monstrueux dépotoir où circulent des êtres déshumanisés dans le chaos le plus total. Car si l’adage veut que gouverner est de prévoir, en Haïti, on ne prévoit rien et gouverner est synonyme de voler, piller, tromper, commander pour, au final, échouer dans tout. Oui, les Haïtien(ne)s vivent au pays des cloaques de l’insalubrité, des détritus omniprésents et des odeurs pestilentielles ; résultats de la corruption morale et intellectuelle qui n’a fait que grandir depuis 1986 et a permis que Port-au-Prince soit classée comme la ville la plus sale du monde dans le 20ème rapport de l’enquête annuelle de Mercer sur la qualité de la vie, publié en mars 2018, et qui concerne 231 pays. [2]

Si l’on se fie à cette étude, « 100 000 personnes s’ajoutent chaque année à la région métropolitaine ; 50% de la croissance vient de l‘exode rural et l’autre moitié vient de la croissance naturelle et, pour répondre aux besoins de cette population en termes d’habitat, 20 000 logements sont érigés chaque année », non pas par l’État ou des ingénieurs qualifiés mais par une population analphabète. Depuis le séisme de 2010, Haïti n’a donc tiré aucune leçon de ses centaines de milliers de morts et d’amputés, et le pays poursuit son inexorable chemin morbide vers l’anomie.

Dans ce pays ou ailleurs, si les ordures s’accumulent dans les rues c’est aussi parce que les citoyens les déposent anarchiquement. C’est une lapalissade. Alors, entre manque de civisme et perte de confiance dans l’État, comment encadrer le rôle des Haitien(ne)s pour les responsabiliser et transformer la capitale en un espace public viable ?

Sanctionner, pour quoi faire ?

Dans toute société démocratique, les citoyen(ne)s sont obligé(e)s de respecter les lois. Cela permet d’avoir une vie en société organisée et d’éviter le développement de la loi "du plus fort". L’obligation pour tous les citoyen(ne)s de respecter les lois est la meilleure assurance que la liberté, les droits et la sécurité de chacun(e) d’eux soient garantis de manière effective. Pour Charles Tardieu, directeur des Éditions Zémès et ex-ministre de l’Éducation, « il y a deux façons d’assurer le respect des normes et l’ordre dans la cité : par la violence et la répression ou par l’appropriation personnelle et collective des préceptes ». Or, après la chute de la dictature, « ce système de sanctions rappelant trop la dictature a été mis de côté et n’a pas été remplacé par un autre répondant à notre vision du vivre ensemble en démocratie. Nous nous sommes donc dépourvus de la « police » indispensable à la régulation de l’espace public », regrette-t-il dans une interview qu’il nous a accordée. Résultat ? Sans le respect des lois et sans système de sanctions, des villes comme Port-au-Prince, Cap-Haitien et toutes les villes de province ont sombré dans l’anarchie, chacun agissant selon son bon plaisir, sans souci de la règle commune.

Le 16 mai écoulé, la mairie de Port-au-Prince a pris un nouvel arrêté communal relatif à la gestion des déchets. Il concerne notamment les ordures ménagères, les déchets encombrants domestiques, les déchets des commerçants, artisans et industriels ainsi que les déchets provenant le nettoyage des rues, marchés et espaces publics de la commune. Dans son article 2, cet arrêté stipule qu’« il est interdit à tout individu ou institution de déposer, d’empiler des déchets sur la voie publique ou dans des espaces publics non dédiés à cette fin par la mairie ». Dans son article 3, l’arrêté précise : « cette interdiction concerne aussi les résidus provenant de matériaux de construction, de réparations et des débris d’affichage ». Enfin, l’article 4 prévient que « toute entreprise exerçant des activités de collecte des déchets dans la commune sans l’autorisation de la mairie sera interdite de fonctionnement » [3].

Il est vrai que cet arrêté est opportun pour aborder la question des déchets surtout que, jusqu’à présent, la mairie de Port-au-Prince rejetait toute la responsabilité de la gestion et collecte des détritus sur le Service métropolitain de collecte de résidus solides (SMCRS), alors qu’en fait, « c’est une responsabilité partagée », nous a révélé Jude Saint Natus, ex-directeur général du Ministère de l’Intérieur, dans une interview. Si ce dernier souligne l’opportunité de l’arrêté municipal, il s’interroge sur la pertinence, la faisabilité et les moyens d’application, d’opérationnalisation de cet arrêté : « En quoi, l’arrêté offre-t-il des pistes réelles de maitrise de la gestion du problème voir des solutions concrètes ? », questionne-t-il. Le maire Youri Chevry « a-t-il pris toute la mesure et toute la dimension plurielle de la problématique ? », ajoute-t-il.

Questions judicieuses lorsque l’on se rappelle que le 12 juillet 2013, un arrêté interdisant la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation, sous quelque format que ce soit du polystyrène expansé, avait été adopté en Conseil des Ministres [4]. Les photos du Bois de Chêne après les pluies au début de ce mois, ont prouvé- s’il en était encore besoin- que rien n’a été fait pour appliquer, faire respecter ou renforcer cet arrêté…qui n’a rien arrêté du tout : les produits issus de l’importation et de l’utilisation de la vaisselle en polystyrène expansé ou styromousse (« styrofoam » en anglais), sont omniprésents dans la capitale. De plus, depuis 2015, Enquet’Action a constaté « de nombreux longs containers (…), parfois en cortège, sortant de grands dépôts de la République Dominicaine à la frontière, reviennent remplis de produits légaux et illégaux. L’intérieur de ces containers très bien fermés, loués dans des entreprises dominicaines, ne serait pas inspecté et serait au service de grands commerçants, exportateurs et dignitaires de l’État en Haïti. Le hic, de nombreux témoignages en attestent et nous avons pu le constater sur place ; c’est qu’ils sont escortés par des agents d’unité spéciale de la Police nationale d’Haïti (PNH) et des voitures officielles, comme nous avons pu le constater sur place », conclut ce média d’enquête indépendant, critique et alternatif. [5]

Ce 24 mai 2018, Amélie Baron, correspondante de RFI en Haïti, s’est également questionnée sur l’efficacité du nouvel arrêté de la mairie de Port-au-Prince : « ces assiettes en polystyrène ne sont pas fabriquées en #Haïti et sont donc importées quotidiennement. À qui profite le crime ? », a-t-elle twitté. De plus, elle s’interroge sur l’amende de 10.000 gourdes (plus de 150US$) :« Qui pour faire appliquer ? Quelle mesure en cas d’incapacité de paiement ? », a-t-elle questionné dans un autre twitt.

Pour Jude Saint-Natus, il faut toutefois encourager le maire de Port-au-Prince en faisant des propositions et des contributions. Il propose, entre autres de :

• Monter un dispositif qui touche les zones, les sites, les habitats grands producteurs de déchets, comme les marchés publics. Il suggère celui de la Croix des Bossales, qui produit une masse considérable de déchets organiques rentables ; ainsi que le Champs de Mars considéré comme le plus important espace public de la ville ;

• Ensuite de cibler le commerce des assiettes et gobelets en polystyrène expansé à usage alimentaire sur ces deux sites. Cela peut être par une subvention municipale de l’acquisition, par les restaurants desservant les usagers, d’assiettes biodégradables. Rien que pour relancer et revigorer la lutte pour l’application de l’arrêté », suggère-t-il ;

• Expérimenter un dispositif municipal de collecte de déchets ménagers dans un bloc de quartiers appropriés (par exemple, Bois Verna, Turgeau, Lalue), en suivant une démarche participative et pédagogique « avec des animateurs sociaux qui visitent les ménages, établissent avec eux le système de collecte (Tri à la production, conditionnement avec des sachets, la collecte des sachets et traitement final sur le site de déchet). Il s’agirait de la fourniture d’un service municipal rentable », affirme l’ex-directeur général du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales.

Port-au-Prince est un cauchemar urbain qui démontre l’échec cuisant des édiles municipaux qui ont constamment échoué dans leurs tâches depuis la chute de la dictature en 1986. Il y a tant de suggestions, propositions et corrections à faire ! Mais ces édiles sont-ils prêts à écouter ? Certes, il est grand temps de sanctionner mais pour quoi faire si on n’est pas capable de concrétiser des arrêtés comme il se doit, avec les ressources humaines et financières adéquates et une vraie volonté politique ?

Dans le Guide sur la prise de décision en urbanisme des Affaires municipales et Occupation du territoire du Québec, il est stipulé ceci à propos des recours et sanctions en cas de contravention aux règlements d’urbanisme : « Avant d’adopter une réglementation imposant des conditions et des restrictions, le conseil devrait évaluer l’à-propos des normes retenues à l’égard des objectifs poursuivis, sa capacité administrative à les gérer et sa volonté politique d’engager et de soutenir des officiers et des employés compétents dans le domaine. Même si une municipalité n’est pas strictement obligée de faire respecter sa réglementation, il y va de sa crédibilité [6] ». Tout est dit.

Quel rôle pour les citoyens dans et pour leur cité ?

Jean Belony Murat, alias BelO, est un chanteur et guitariste profondément engagé. Il est connu et reconnu pour ses messages de paix, de tolérance et d’actions : action pour la protection de l’environnement - contre la déforestation en Haïti, action pour le droit des enfants, le respect des femmes, pour la paix, entre autres. Mais ces jours-ci, BelO « en a ras le bol de l’insalubrité qui touche nos villes et la dégradation climatique de notre environnement », m’avoue-t-il. Alors le 15 mai dernier, il lance un questionnaire-test où il demande aux internautes sur son compte twitter, combien d’entre eux seraient d’accord de s’adonner à des travaux communautaires (nettoyer leur quartier, réparer des routes, nettoyer les canaux, planter des arbres etc.) chaque dernier samedi si l’État le demandait, comme au Rwanda. Et devinez le retour ? 95% de oui et 5% de non en quelques heures. Un résultat plus qu’encourageant dans un pays où l’on remet sa vie à Dieu avant même d’essayer de s’aider soi-même, voire pour s’entraider pour le bien commun.

D’où lui est venu cette idée et que va-t-il faire après un retour aussi enthousiaste de ses internautes ? « J’ai pensé à un moyen de sensibiliser les gens sur ce sujet qui nous touche TOUS. Sensibiliser la population aux conséquences qu’ont des gestes devenus malheureusement anodins. », me dit-il, Sans vouloir tout me révéler, il m’explique avoir en tête « un projet qui vise à lutter contre les incivilités de notre société, une opération commando pour une action citoyenne qui viendrait compenser l’incivisme et l’irresponsabilité de quelques-uns. » BelO se rend compte que le projet qu’il concocte nécessitera un financement et l’implication de l’État sur différents pôles comme, par exemple : organiser des journées de sensibilisation des concitoyens à la propreté de l’espace urbain et à la protection de l’environnement ; fournir des tenues adaptées (gilets jaunes. gants etc) ; fournir les matériaux nécessaires pour les travaux routiers et de canalisations ; des plantes pour le projet de reboisement ; organiser un pot de remerciement après chaque opération afin de renforcer la cohésion des bénévoles , ce temps pourrait servir également à identifier les besoins de la population. Un projet qui, espérons-le, pourra se concrétiser et servir d’exemple aux autres citoyen(ne)s désireux de participer au nettoyage de Port-au-Prince.

Car être citoyen(ne), c’est aussi participer à la vie de la cité. Aujourd’hui, de nombreux simples citoyens du monde œuvrent au nettoyage de leur ville. En Inde, le groupe The Ugly Indians (Les Indiens laids) est un groupe anonyme de volontaires motivés qui nettoient les rues indiennes. Leur mission a commencé il y a un an à Bangalore, la capitale de l’État de Karnataka dans le sud de l’Inde. Sur leur site on peut lire : Pourquoi les rues indiennes sont-elles sales ? Parce que c’est le système qui est stupide ? Parce que ce sont nos gouvernements qui sont corrompus ? Parce que ce sont les gens qui sont sans instruction ? Et sur la seconde page, ils répondent : « Regardez n’importe quelle rue indienne, nous avons des normes civiques pathétiques ; nous tolérons une quantité incroyable de saleté ; ce n’est pas une question d’argent, de savoir-faire ou de systèmes. C’est une question d’attitude et de comportement culturel enraciné. Il est temps pour nous, Indiens laids, de faire quelque chose à ce sujet. Seulement nous pouvons nous sauver. De nous-mêmes. »

Ce groupe civique et anonyme a passé chaque semaine de l’année écoulée à parcourir le quartier central des affaires de la ville avec des masques faciaux, des gants, des seaux, des balais et des vadrouilles. Sa mission est de "repérer" les rues sales et les nettoyer. Ces volontaires choisissent chaque semaine de petits tronçons : des chaussées empilées de plastique, des murs défigurés, des sentiers rendus inutilisables par les nids de poule. Semaine après semaine, dans l’anonymat, ils ont réussi à nettoyer leur ville et on fait parler d’eux dans la presse internationale. Pourtant, cette dernière n’est autorisée à les contacter que par courriel. Ils ont aussi nettoyé les monstrueux piliers des allées du métro, en face du temple Banashankari Amma et les ont embellis (voir photos ci-dessus) [7]. Beaucoup de travail acharné avec un résultat percutant - c’est la première fois que cette zone est si propre et soignée depuis la construction de la gare il y a 2 ans. Le travail de ce groupe de bénévoles a inspiré la confiance aux autres citoyens pour lancer leur "Défi laideur" dans d’autres villes de l’Inde. Ce genre d’initiatives pullulent aujourd’hui à travers le monde. Pourquoi pas en Haïti ?

Du côté du ministère de l’Intérieur, existe-il, selon son organigramme un moyen d’établir des programmes relatifs à la propreté, à l’hygiène et à la protection de l’environnement, et de suivre leur exécution ? Il y a encore bien des enquêtes à mener pour connaitre les rouages qui permettraient d’améliorer les villes en Haïti et leurs espaces publics.

Apprendre comment habiter

Pour Charles Tardieu que nous avons interviewé, l’insalubrité en Haïti « est une problématique à multiples facettes, mais qui émane assurément d’un défaut majeur dans le curriculum de l’école haïtienne qui n’enseigne pas le “comment habiter” ».

Il explique avoir appris à appliquer ce concept "comment habiter" à la compréhension de la réalité haïtienne de feu l’architecte urbaniste Paul-Émile Simon. « L’idée est que l’espace public qui se donne à connaitre depuis l’éclosion des villes est une création récente de l’homme dans le processus de transition du rural vers l’urbain. Mais aussi de construction et de structuration de la démocratie moderne. L’espace public est ce lieu où chacun est libre d’aller et venir librement et gratuitement et d’y exprimer ses opinions. Il regroupe les espaces collectifs extérieurs dans la cité (rues, parcs, marchés, gares…) et les lieux d’échange et de représentation sociale (parkings, plages…). On y retrouve aussi les services communs indispensables à la vie comme l’alimentation en eau et électricité, la police des mœurs, la voirie etc. », précise l’ex-ministre, qui a passé seulement 6 mois à la tête du Ministère de l’Éducation nationale sous le régime d’Ertha Pascal-Trouillot.

L’espace public appartient donc à la communauté et pas à une personne ou un groupe en particulier. Dès lors se pose la question de son aménagement et de la gestion de sa complexité. « Pour certains, c’est là que bat le cœur de la cité ou du village que se forme l’espace citoyen du vivre en commun. Par définition, l’espace public, libre et gratuit, appartient à tout le monde en tout temps. Il doit donc être accessible à tous et en tout temps. Il y a ainsi tout en ensemble de codes et de normes à respecter et à faire respecter afin de garantir la jouissance équitable et paisible pour tous, comme l’entretien, la gestion de la pollution sous toutes ses formes (sonore, détritus, eaux usées, animaux errants, graffitis, espaces verts, arbres, monuments…). C’est dans cet espace particulier à chaque ville que celle-ci forge son identité́ propre et différente des autres espaces urbains. »

Pour Charles Tardieu, cet apprentissage essentiel à l’harmonie du vivre ensemble s’apprend exclusivement à l’école républicaine qui par définition a l’obligation de traiter tous les écoliers sur un pied d’égalité et dans la neutralité la plus stricte. « L’espace scolaire est le premier espace public que connaitra et fréquentera l’enfant et où il apprendra à appliquer les codes, normes et règlements qui gouvernent la vie dans la cité. Voilà comment comprendre l’apprentissage du « comment habiter » et le rôle central qu’y joue l’école », insiste-t-il.

Aussi, dans la perspective d’une ville de 5 millions d’habitants et vu que les Haïtien(ne)s s’urbanisent de plus en plus, ne faudrait-il pas enseigner dans les écoles l’éducation relative à l’environnement qui vise à construire une « identité » environnementale, un sens de l’être-au-monde, une appartenance au milieu de vie, une culture de l’engagement ? « Tout à fait ! », acquiesce Charles Tardieu «  car l’éducation relative à l’environnement fait partie intégrante du « comment habiter ». Les citoyens doivent s’approprier l’environnement qui représente un autre aspect de l’espace urbain. Encore une fois, d’où le rôle central de l’école comme lieu d’apprentissage de ces principes ». M. Tardieu déplore que la majorité des écoles haïtiennes, aujourd’hui, se contentent de transmettre de manière approximative des bribes de contenus disciplinaires. « Elles n’enseignent pas les valeurs universelles ou culturelles haïtiennes qui constituent les fondements de notre identité de peuple ».

Pour lui, le curriculum de l’éducation haïtienne doit être repensé par les institutions de la société haïtienne en toute autonomie et indépendance des amis étrangers. « Elle doit refléter et enseigner les valeurs et la culture proprement haïtiennes tout en reconnaissant et en s’appropriant les acquis de la pensée scientifique et de la culture universelles ».

Il ne reste que 12 ans avant que Port-au-Prince n’atteigne 5 millions d’habitants. Pour une ville, c’est court. « Cela veut dire, à l’échelle d’une ville, dans quelques jours », s’inquiète Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste dans son dernier éditorial [8]. Depuis 1986, à travers une transition démocratique interminable, nous avons refusé de changer et les Haïtien(ne)s sont laissés pour compte comme des cabris dans une savane désolée. Le temps nous a rattrapés. Port-au-Prince est une bombe humaine et écologique à retardement. La vision pitoyable de nos villes démontre que la rationalité a déserté la politique et l’économie de ce pays. Comme au Venezuela, le pays incarne à l’excès un laboratoire d’économie populiste emporté par son imprévoyance. Mais Haïti n’a pas de pétrole. La surpopulation, la pauvreté, l’insalubrité des villes encerclées par d’énormes bidonvilles armés jusqu’aux dents, ne peuvent que nous mener à l’aliénation. Qui arrêtera l’explosion potentielle ? Qui pourra la contrôler si elle se concrétise ? Si en lieu et place de réfléchir et d’agir rationnellement, les Haïtien(ne)s et leurs dirigeants s’entêtent è vouloir projeter une image d’Haïti qui n’existe pas, ils devront se rappeler que lorsqu’on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle [9].

Illustration couverture du texte : Castro Desroches


[1Edrid St Juste Port-au-Prince aura 5 millions d’habitants en 2030, Le Nouvelliste, 24 mai 2018.

[2Raoul Junior Lorfils, ‘’Voilà pourquoi P-au-P est #1 des villes les plus sales au monde’’, Loop Haïti, 1er mai 2018

[3Patrice St Pré, Un arrêté communal pour faire face au problème des déchets à Port-au-Prince, Le Nouvelliste, 24 mai 2018.

[4Interdiction des sacs en plastique et du styrofoam, Haiti libre, 12 juillet 2013.

[5Milo Milfort, Au pays des hors la loi, les foams sont rois ! Haïti Liberté, 9 aout 2017.

[6Affaires municipales et Occupation du territoire du Québec : Guide La prise de décision en urbanisme - Recours et sanctions en cas de contravention aux règlements d’urbanisme.

[7The Ugly Indian. Photos Facebook https://www.facebook.com/theugl.yindian/

[8Frantz Duval, Port-au-Prince a besoin de moyens et de techniques pour sortir du piège des fatras, le 25 mai 2018.

[9Emile Zola