P-au-P, 25 mai 2018 [AlterPresse] --- A la faveur d’un symposium organisé le jeudi 24 mai 2018, à Port-au-Prince, plusieurs intervenants ont invité les haïtiennes et haïtiens à renouer avec les pratiques culturelles et traditionnelles africaines en vue d’une décolonisation mentale¨.
¨C’est l’un des moyens capables de permettre à l’être haïtien de sortir du poids de la domination blanche¨, estiment-ils.
La psychologue Judite Blanc, présidente de l’Asosyasyon sikotwomatis et afrikanite (Sitwomafrika : en créole) estime qu’il est important de prendre en compte la culture africaine dans la manière de faire, d’agir, de penser et de vivre.
Renouer avec les valeurs culturelles n’entre pas dans une logique d’enfermer l’Haïtien sur lui-même, au contraire, ce retour permet à l’Haïtien d’être lui-même, dit la psychologue.
L’Haïtien gardera sa particularité et singularité en vivant dans une humanité où prévaut l’universalité, ajoute-t-il.
La docteure en anthropologie, Linda Tavernier Almada a décrypté plusieurs éléments qui sont à la base de la domination blanche exercée sur les noirs.
¨Si c’était la bastonnade, la torture, la tuerie qu’utilisaient les colons pour forcer le noir à se désapprécier à l’époque coloniale, aujourd’hui, ils utilisent, entre autres, la religion et les médias¨, fait remarquer Almada.
A partir d’un cheminement heuristique reconstructif, elle a exposé les différentes atrocités qu’a connues la femme noire à l’époque coloniale.
Les différentes conceptions erronées et stéréotypiques développées à l’encontre de la femme noire trouvent leurs racines dans la colonisation au cours de laquelle elle n’était pas considérée comme un être humain, argue l’anthropologue.
Au tout début, la colonisation consistait à porter le nègre et la négresse à douter de lui ou d’elle et à se haïr, tant d’un point de vue biologique que morphologique, explique-t-elle.
Cette idéologie raciste reste encore présente chez tous les peuples noirs à l’époque moderne.
Engluée dans un processus de dégoût envers elle-même, la femme noire est arrivée à détester ses cheveux, son corps et sa couleur de peau sous l’influence de cette idéologie, soutient l’anthropologue martiniquaise, Juliette Smeralda.
Elle évoque le cas de personnes noires qui pratiquent actuellement la dépigmentation pour se faire blanches en signe de beauté et de prestige.
« Nous n’avons pas à avoir honte de ce que la nature nous a donnés ». S’il y avait une coiffure qui libérait les femmes, c’était celle africaine, affirme Smeralda.
Tout cela n’est qu’une question de représentation, une idée que le blanc a installé, pendant des siècles, dans la mentalité du noir qu’il devait combattre, explique une participante.
Cette réalité est liée à un problème d’éducation qui conditionne les Haïtiens à être des étrangers en niant les traditions, les traits culturels propres à la société haïtienne, souligne, pour sa part, la docteure en anthropologie, Suze Mathieu.
Arrivé à l’école, l’enfant est obligé d’être chrétien puisqu’il fait partie d’une école congréganiste, dénonce la professeure.
Elle plaide en faveur d’une école haïtienne capable de mieux former les enfants haïtiens pour qu’ils deviennent de véritables citoyennes et citoyens du pays.
Les séquelles de la colonisation, qui se reflètent aujourd’hui dans le comportement ou la mentalité des élites haïtiennes, retardent le développement économique d’Haïti, déplore le sociologue Fabian Charles.
La valorisation de soi est une étape que l’être noir doit franchir dans son développement pour pouvoir s’épanouir, soutient-il.
Ce symposium s’inscrit dans le cadre de la deuxième édition du festival international de la psychologie (Fesa, en créole) qui se déroule jusqu’au samedi 26 mai 2018, à Port-au-Prince (Ouest) et aux Gonaïves (Artibonite, Nord).
Organisé par l’Asosyasyon sikotwomatis et afrikanite (Sitwomafrika : en créole), il vise à sensibiliser la population haïtienne sur les traditions culturelles de l’Africain d’où descend l’être haïtien.
« Du trauma historique à la créativité et à l’innovation » est le thème retenu pour cet événement scientifique pluridisciplinaire qui rassemble des personnalités académiques nationales et internationales, des militantes et militants panafricanistes, des artistes, des créatrices et créateurs, des étudiantes et étudiants, et le grand public.
Débutée, le vendredi 4 mai 2018, à Dakar (Sénégal), la deuxième édition de ce festival s’est poursuivie également à Montréal (Canada), le vendredi 25 mai 2018, aen attendant sa clôture aux États-Unis d’Amérique. [fb emb vs apr 25/05/2018 09 :55]