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" Sometimes in april " : entre horreur, duplicité et espoir

(Critique de film)

P-au-P., 7 mars 05 [AlterPresse] --- « Sometimes in april » est réalisé par le cinéaste haïtien Raoul Peck qui compte à son actif une très riche filmographie. C’est la première fois en dix ans qu’un film de cette dimension - sur le génocide Rwandais - a été tourné à Kigali. Ce film produit par la chaîne câblée américaine HBO a été projeté en avant-première au Ciné Impérial à Port-au-Prince le 4 mars 2005.]

P-au-P., 7 mars 05 [AlterPresse] --- D’emblée, le spectateur est plongé dans le propos du film à travers une suite de télétextes. On est en avril 1994. « Sometimes in april ». Le décor est ainsi planté dès le pré-générique sur fond d’images de localisation (Carte géographique, paysage tropical, etc) et d’une musique thématique.

Suit une image d’archive, celle du président d’alors des Etats-Unis, Bill Clinton, se prononçant sur les nouveaux développements au Rwanda. Une allocution visionnée en salle de classe par des élèves « tutsi » et « hutu ». Des silences bien rendus, la mimique appropriée du prof, les yeux hagards et vides des élèves, les interactions dans la salle. Tout ceci installe et conforte le spectateur dans l’ambiance et la trame qui vont suivre.

La transition à la prochaine séquence est facilitée par le regard en demi-cercle d’une écolière.

Autre lieu, autre décor : la pluie qui singularise et pérennise le drame dans l’esprit de plusieurs survivants, la danse qui transporte dans la transe animant les génocidaires.

« Sometimes in april » fascine tout d’abord par sa simplicité. Malgré la multiplicité des ressources et l’immensité des moyens logistiques mobilisées pour le tournage de ce film, le décor est demeuré sauvage et pur. Un pari réussi sans doute par le réalisateur grâce au charme tropical de l’Afrique.

« Sometimes in april » suit un schéma classique, une construction en flash back à l’instar de plusieurs grands films (historiques) contemporains comme Titanic. Mais le retour en arrière est effectué avec une telle habileté que le spectateur vit avec angoisse chaque moment du film, oubliant que c’était le procès du carnage qui était en train de se dérouler.

Ce dernier film de Raoul Peck doit son succès à un scénario limpide, un excellent jeu d’acteurs et un savant dosage d’images d’archives et de nombreuses scènes de reconstitution.

Dans « Sometimes in april », Raoul Peck présente une réalité multiple, mais sans fard, trop crue même, diraient des âmes sensibles. Mais on est vite tenté de mettre un bémol à cette critique quand on sait que, dans le cas du génocide Rwandais, la réalité a grandement dépassé la fiction. Les victimes, les morts sont, comme on le sait, estimés à près d’un million.

« Sometimes in april », comme nous le signalions, est une succession d’images fortes, poignantes, comme celle de la fusillade perpétrée dans une école congréganiste par des troupes de choc des putchistes rwandais, laissant sans vie les corps de nombreux écoliers et professeurs ou la fusillade en pleine rue contre un tutsi présumé qui n’arrivait pas à montrer sur minute ses pièces d’identité, en présence de plusieurs enfants médusés.

En plus d’être un document témoignages sur le génocide de 1994 au Rwanda, le dernier film de Raoul Peck donne à voir un ensemble de microcosmes qui, tout en s’inscrivant dans la trame générale, revêtent des aspects très spécifiques et intimes qui maintiennent le spectateur en haleine jusqu’à l’épilogue. Des microcosmes charriant des valeurs universelles comme l’amour, la solidarité, le courage, le dépassement de soi, le désintéressement, etc.

« Sometimes in april » est truffé d’un ensemble de signes pouvant porter le spectateur haïtien à réfléchir sur les vicissitudes de son pays et les rapports de ce dernier avec ses partenaires étrangers.

Des images d’archives et reconstitutions exploitées avec maestria dans le film mettent à nu la lâcheté et le dédale des palabres juridiques et diplomatiques au niveau des officines de certaines puissances occidentales alors que le drame des rwandais dépassait toutes les proportions possibles et imaginables.

Malgré l’âpreté de la réalité présentée, « Sometimes in April » peut être perçu comme un film d’espoir. Les visages décrispés, les sourires, les pas haletants montrés en fermeture de rideau sont autant de scènes illustrant ces dires.

La leçon pour Haïti : comme l’a signalé le réalisateur, « malgré les nombreux traumatismes, les rwandais ont recommencé depuis à se donner la main. Le pays demeure très pauvre. Mais on y observe un élan général pour la reconstruction ».

« Sometimes in april » : un film à voir. [vs apr 07/03/2005 11:00]