P-au-P, 03 avril 2018 [AlterPresse] --- Le dossier de l´enquête sur l’assassinat de Jean Dominique, directeur de la station privée Radio Haïti Inter, et de son gardien Jean Claude Louissaint est bloqué depuis quatre ans au niveau de la Cour de Cassation.
La Cour de Cassation n´a toujours pas tranché sur la demande en récusation de la Cour d´appel produite par l’ancienne sénatrice du parti Fanmi Lavalas, Mirlande Libérus Pavert. Celle-ci, qui vit aux Etats-Unis, a été désignée par le dernier juge en charge du dossier, Yvickel Dabrésil, comme l´auteure intellectuelle de ce double assassinat.
Blocage technique ou … ?
Selon le président de la Cour de Cassation, Jules Cantave, le blocage serait dû à un problème d´effectif.
C´est ce qu´a fait savoir à AlterRadio le président de ¨SOS Journaistes¨ Guyler C. Delva qui suit de près ce dossier.
¨Avec 6 membres sur 12, la Cour de Cassation doit trouver 3 autres juges pour pouvoir se réunir, 3 anciens membres de la Cour d´appel qui ont été promus à la Cour de Cassation ne pouvant pas faire partie de la composition¨, a expliqué Me. Cantave à SOS Journalistes.
Il s´avère donc urgent de compléter l´effectif de la Cour de Cassation pour faire avancer le dossier, indique Delva, ajoutant avoir entretenu de la question le président de la République et le Bureau du Sénat.
Guyler C. Delva aurait reçu des signaux positifs de la part de ces autorités qui lui font croire que le processus pour compléter l´effectif de la Cour de Cassation allait s´accélérer.
Déception
Le président de SOS Journalistes se dit déçu du traitement donné au dossier Jean Dominique par les différents pouvoirs qui se sont succédés et le système judiciaire, permettant à des personnes qui ont été inculpées de recourir à des dilatoires et de bénéficier de l´impunité.
Guyler C. Delva rappelle le témoignage d´Oriel Jean, ancien chef de la sécurité de Jean Bertrand Aristide, selon lequel Myrlande Lubérus recevait de certaines gens des instructions.
¨Il faut poursuivre à la fois les auteurs matériels et intellectuels¨, souligne le président de SOS Journalistes.
Pas moins de 8 juges ont eu à traiter le dossier depuis l´ouverture de l´enquête sur l´assassinat de Jean Dominique et de son gardien en 2000.
Après les deux victimes, plus d’une dizaine d’autres personnes ayant une implication présumée dans le dossier ont été assassinées, précise un militant de droits humains qui avance la thèse d’un « crime d’État ».
Un cas symbolique
Le cas Jean Dominique, figure emblématique du journalisme et du combat démocratique en Haïti, est devenu au fil des années un cas symbolique, un test que la justice haïtienne ne parvient à passer.
Le message transmis à la société est lugubre : si Jean Dominique n’arrive pas à trouver justice, à qui d’autre elle sera rendue dans ce pays, s’est souvent exclamée sa veuve, la journaliste Michèle Montas.
De nombreux actes d’intimidations, y compris des tentatives d’assassinat de Michèle Montas, ont porté Radio Haïti Inter à cesser d’émettre le 21 février 2003, dans un contexte des plus difficiles qui devait culminer avec la chute d’Aristide (second mandat).
L’attentat contre Jean Dominique n’était-il pas « la partie visible d’un vaste complot pour faire échec à la lutte que mène Radio Haïti depuis 68 ans », s’était alors interrogée Michèle Montas, dans son éditorial.
En première ligne
Radio Haïti, créée en 1935, a été en première ligne de la lutte contre la dictature des Duvalier, de 1957 a 1986, et a été fermée par le régime en 1980. La plupart des journalistes ont été emprisonnés et contraints à l’exil, dont Jean Dominique.
Après la reprise de ses émissions au lendemain de la chute des Duvalier, Radio Haïti a été obligée en octobre 1991 de cesser a nouveau ses émissions, suite au coup d’Etat militaire contre l’ancien président Aristide.
Le 3 avril 2014, la Bibliothèque Rubenstein de l’Université Duke en Caroline du Nord, en partenariat avec la famille du journaliste martyr, lançait un projet d’archives vivantes de Radio Haiti Inter.
Ces archives sont constituées de prés de 2,500 reportages, enquêtes, interviews, émissions culturelles, et 28 boîtes de documents écrits, sauvés de l’immeuble endommagé de Radio Haïti après le tremblement de terre (du 12 janvier 2010). Couvrant la période des années 1970 à 2003, ces documents ont été sauvegardés, numérisés et sont accessibles sur le web. [gp vs apr 03/04/2018 00:30]
A lire : Haïti-Presse : Les méandres de l’affaire Jean Dominique, 15 ans après le meurtre du journaliste