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Gérald Mathurin : Port-au-Prince et le Sud-Est rendent hommage à une figure emblématique de la lutte démocratique en Haïti

P-au-P/Jacmel, 12 mars 2018 [AlterPresse] --- D’émouvantes cérémonies d’hommage ont eu lieu, le week-end écoulé, à Port-au-Prince et à Jacmel (Sud-Est), pour dire adieu à l’ingénieur-agronome Gérald Michel Mathurin, décédé le 3 mars 2018 à l’âge de 64 ans, des suites d’un Accident vasculo-cérébral (Avc), constate l’agence en ligne AlterPresse.

A Port-au-Prince, l’hommage a eu lieu au Parc Martissant (sud de la capitale), dans une ambiance œcuménique (vodou, musulman, catholique romain - photo 2), empreinte, à la fois, de tristesse et de sérénité, avec la participation de nombreuses personnalités, issues des milieux politiques, sociaux, de la paysannerie, des secteurs professionnels et de droits humains.

Y étaient présents l’ancien sénateur de la Grande Anse (une partie du Sud-Ouest d’Haïti), Andris Riché, actuel conseiller du président Jovenel Moïse, le président de la chambre des députés, Garry Bodeau, le député de Jacmel (Sud-Est), Ketel Jean Philippe, d’anciens premiers ministres, d’ex ministres, ainsi que des sympathisants, amis, camarades de promotion, collaborateurs et proches du défunt.

S’adressant à l’assistance, la veuve Cécile Bérut a su contrôler son émotion pour appeler, d’un ton déterminé, à poursuivre le combat de Mathurin pour changer Haïti et construire l’unité (des secteurs progressistes), pour laquelle il a tant combattu.

Dans la même veine, la première fille du défunt, Athanaëlle Laiken, secouée d’émotion, a déclaré : « si vous voulez rendre hommage à mon père, poursuivez sa lutte, aidez les paysannes et paysans, mettez en place des programmes sociaux au profit des plus démunis, respectez les droits des femmes ».

Plusieurs participantes et participants portaient des T-shirts à l’effigie de Mathurin, sur lesquels étaient imprimés des messages d’espoir.

« La nuit est longue, mais nos rêves sont plus longs. La bataille est rude, mais elle vient de commencer », pouvait-on lire sur ces maillots aux couleurs blanche et verte.

Célébrer la vie

Gérald Mathurin « aimait trop la vie. Nous ne célébrons pas sa mort, mais plutôt sa vie. Gérald restera toujours dans notre mémoire », affirme Ernst Mathurin (pas de lien de parenté avec le défunt), dirigeant du Mouvement patriotique, démocratique et populaire (Mpdp), dont les propos ouvrent la cérémonie.

Retraçant le parcours professionnel et politique de l’ingénieur agronome et responsable socio-politique, il le présente comme un homme digne et compétent, qui a étudié à la Faculté d’agronomie et de médecine vétérinaire (Famv) de 1973 à 1977.

Après ses études, il a travaillé à l’Organisation de développement de la vallée de l’Artibonite (Odva), puis au district agricole des Cayes et à Fond-des-Nègres.

C’est à partir de ses expériences professionnelles qu’il découvrit la complexité des problèmes agricoles du pays et décida de lutter pour la cause paysanne.

Durant toute sa vie, il a toujours été un adversaire farouche de l’aide humanitaire.

Gérald Mathurin a pris part à la lutte contre la dictature des Duvalier (1957-1986), puis contre les coups d’État en Haïti durant les années 1990.

Il a aussi combattu en faveur d’une démocratie participative et a appuyé la lutte en faveur du respect des droits des femmes.

Gérald Mathurin a oeuvré à la mise en place d’associations, d’organisations de base et de réseaux, comme la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Padda), la plateforme d’organisations paysannes 4 Je kontre et le Mouvement patriotique et démocratique populaire (Mpdp), entre autres.

Le leader socio-politique passa toute sa vie à lutter pour « une paysannerie solidaire, riche, prospère et intégrée » dans le projet de l’État, souligne Ernst Mathurin.

Il s’est battu aux côtés des vodouisantes et vodouisants, dans leur résistance contre les campagnes discriminatoires, dont ils ont été victimes, ajoute-t-il.

« Brillant technicien, doté d’une aura pluridimensionnelle, d’une intelligence, d’un charisme et d’une culture générale hors du commun » : c’est ainsi que l’ingénieur agronome Fritz Noël, ancien camarade de Gérald Mathurin à la Faculté d’agronomie (1973-1977), campe le défunt.

Pour lui, Gérald Mathurin était « un homme généreux, qui a embrassé, avec rigueur, la cause paysanne ».

A son tour, l’ancien premier ministre Rosny Smarth (1996-1997) le présente comme « un homme politique intègre, qui ne se laisse pas guider par des intérêts personnels mesquins ».

Smarth a salué le courage, la loyauté de Mathurin et son sens du respect des principes.

« Gérald Mathurin ne mourra jamais, parce que sa conviction, ses idées nous serviront d’énergie pour continuer à porter le flambeau de la mobilisation, jusqu’à la libération des masses paysannes », souhaite, de son coté, Mario Siclait, un de ses collaborateurs dans le département de la Grande Anse (Sud-Ouest).

L’économiste Camille Chalmers de la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda), relève la capacité de Mathurin à concevoir des outils, adaptés à diverses phases de la lutte sociale. Il le présente, en substance, comme un modèle à suivre.

Un « général » est tombé…

Les funérailles du dirigeant de la Coordination régionale des organisations du Sud-Est (Cros) ont été chantées, le dimanche 11 mars 2018, dans la ville de Jacmel (Sud-Est).

Une grande cérémonie d’hommage a eu lieu sur la place centrale de la ville, en face de l’hotel de ville, en présence du maire principal de Jacmel, Macky Kessa, de nombreuses personnalités politiques, dont le titulaire du Ministère de la planification et de la coopération externe (Mpce), Aviol Fleurant, de délégations venues de toutes les sections communales du Sud-Est ainsi que d’autres zones du pays.

Accompagnant la famille, ces délégations, totalisant des centaines de personnes, ont défilé dans les rues de Jacmel, au son de 50 tambours, venus des 50 sections communales.

Une photo de Gérald Mathurin a été soulevée, au milieu des pancartes, identifiant les diverses localités, tandis que les participantes et participants scandaient : « le général est tombé, mais l’armée est toujours là ». [fb emb gp apr 12/03/2018 11:40]