P-au-P., 28 févr. 05 [AlterPresse] --- Un an après le départ d’Haiti de l’ancien président Jean Bertrand Aristide, les traces laissées par son administration catastrophique sont encore visibles, tandis que les autorités de la transition peinent à établir un climat sécuritaire à travers le pays, dans l’optique des élections prévues pour la fin de cette année.
Le régime lavalas a laissé derrière lui le 29 février 2004 une économie très affaiblie. Les nombreux actes de pillage et de destruction perpétrés par ses partisans peu avant et après la chute d’Aristide, ont occasionné des pertes de plusieurs centaines de millions de dollars, selon diverses estimations.
Le gouvernement de transition a également hérité d’un déficit record de plus de 106 millions de dollars américains et d’une administration pléthorique. Les locaux des entreprises publiques les plus rentables comme la Compagnie téléphonique nationale (Téléco) et l’Autorité portuaire nationale (APN) servaient de repaires à des chefs de groupes armés liés au régime.
Une véritable purge a été opérée au sein de la Téléco et de l’APN. Seulement à la Téléco, plus de deux mille employés jugés inutiles ont été mis à pied.
Les autorités provisoires ont hérité également de plusieurs dossiers judiciaires en souffrance, dont l’instruction piétine. Les cas les plus emblématiques sont ceux du jeune journaliste Brignol Lindor dont l’assassinat en décembre 2001 a été revendiqué par une organisation pro-Aristide « Dòmi nan bwa », et du plus célèbre journaliste haïtien Jean Dominique en avril 2000. Il faut mentionner également le carnage perpétré à Saint Marc, au nord d’Haïti, en février 2004, deux semaines avant la chute du régime.
Mais le plus lourd tribu laissé à ses successeurs par le régime déchu demeure l’institutionnalisation par celui-ci de bandes armées dans différents quartiers pour contenir toute velléité de contestation. Ces groupes armés gardent aujourd’hui encore leur contrôle sur plusieurs quartiers populaires de la capitale.
Défis de la transition
En prenant investiture comme Premier ministre le 12 mars 2004, Gérard Latortue avait fixé comme priorités principales de son gouvernement la réconciliation nationale, en précisant que celle-ci n’était pas assimilable à l’impunité. Parmi ses priorités, il y avait également l’organisation d’élections générales dans un délai ne dépassant pas deux ans, dans un climat sécuritaire et stable.
La réconciliation nationale reste encore un vœu pieux. Ce n’est qu’à la mi-février 2005 que la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haiti (MINUSTAH) a lancé un projet destiné à assister les différents secteurs du pays dans leurs efforts de réconciliation.
Les compétitions électorales destinées à mettre fin à la transition ouverte par le départ d’Aristide sont prévues à la fin de l’année. Un décret electoral est actuellement disponible, mais la plus grande partie de la structure et de l’infrastructure électorales restent à mettre en place.
A sept mois de ces joutes, l’environnement sécuritaire requis est loin d’être au rendez-vous. Et pour cause, plus de 200 personnes ont péri dans des violences secouant plusieurs quartiers depuis le 30 septembre 2004.
La question de la sécurité est indissociable d’une initiative de désarment général. Le régime lavalas avait, selon certaines estimations, distribué à ses partisans quelque vingt mille armes.
Parallèlement, les anciens militaires, revendiquant la restauration de l’armée d’Haïti, n’ont jamais mis bas les armes. Une situation qui constituait dès les premiers mois de l’administration Alexandre-Latortue et aujourd’hui encore, de l’avis de plus d’un, le talon d’Achille du gouvernement intérimaire.
Au plan socio-économique, en dépit des efforts du gouvernement pour le rééquilibrage macro-économique, divers secteurs ne cachent pas leur frustration face a certaines mesures de politique économique et leur insatisfaction quant à l’évolution du coût de la vie et l’accès à des services sociaux de base.
Le gouvernement a réussi à augmenter les recettes de l’Etat, et a pu maintenir la stabilité de la monnaie nationale (35 gourdes pour 1 dollar US). Paradoxalement, les prix de certains produits de première nécessité ont continué à s’accroître. Ces dernières semaines, le prix du riz (par exemple) a plus que doublé, passant de 75,00 gourdes à environ 175,00 gourdes la marmite.
Le gouvernement n’est pas parvenu à obtenir le déblocage d’un milliard de dollars promis par la communauté internationale. Sauf quelques décaissements isolés, dont celui de 73 millions de dollars de la Banque Mondiale. Mais, le paiement, en échange, de 52 millions de dollars d’arriérés et de services de la dette a fait bondir les alter-mondialistes. [vs gp apr 28/02/2005 12:00]