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Haïti-Politique : L’embarras causé par le rapport Petro-Caribe demeure

P-au-P, 05 févr. 2018 [AlterPresse] --- Après une séance discrète tenue dans la soirée du jeudi 1er février 2018, des sénateurs du Parti haïtien tèt kale (Phtk) au pouvoir et leurs alliés ont résolu de transférer le rapport à la Cour des comptes et du contentieux administratif (Csc/Ca) pour être "approfondi".

Cette résolution adoptée à l’insu des sénateurs de l’opposition demande à la Csc/ca d’effectuer une vérification, une analyse et un examen approfondis de la gestion des fonds PetroCaribe sur la période allant de septembre 2008 à septembre 2016.

Alors que, précédemment, il y a eu une séance tenue durant plus de 13 heures (dans la nuit du 31 janvier au jeudi 1er février 2018), qui avait annoncé une autre le mardi 6 février sur ce dossier.

Ce coup de théâtre orchestré par les sénateurs proches du pouvoir dont le nouveau président de la chambre haute, Joseph Lambert a été vivement dénoncé par plusieurs sénateurs de l’opposition qui y voient une tentative d’enterrer le rapport Petro-caribe.

Choc, déception, empressement, insulte à la démocratie, complot contre le peuple haïtien sont parmi les mots employés pour qualifier ce transfert jugé « suspect ».

Pourquoi transférer le rapport Petro-caribe, sur la dilapidation de 2 à 3 milliards de Dollars, à la Csc/ca dont deux membres ont été aussi indexés dans un premier document sur les fonds en question ?

S’acheminera-t-on vers un long moment de dilatoires pour ensuite voir le rapport enfui dans des tiroirs ?

En effet, une première enquête sur la gestion des fonds Petro-caribe, dirigée par Youri Latortue, avait indexé, en 2016, l’’ancienne présidente de la Csc/ca, Nonie H. Mathieu ainsi que le conseiller Harold Elie.

Joint au téléphone par l’agence en ligne AlterPresse dans la matinée du lundi 5 février 2018, le vice-président de la Csc/ca, Fritz Robert Saint-Paul informe que la Cour n’a pas encore reçu le document.

Ce dernier cible plus d’une quinzaine de personnalités ainsi que d’anciens ministres, d’anciens directeurs généraux et des responsables de firmes de constructions, impliquées dans des appels d’offres suspects.

Le transfert de ce dossier à la Csc/ca est une mauvaise décision en raison du fait que deux (2) des conseillers de la Cour ont été épinglés dans le premier rapport, met en garde Schiller Louisdor, membre du parti politique Fanmi lavalas.

Il encourage la population à intensifier les mouvements de rues contre toute tentative d’empêcher le procès des personnes responsables de la dilapidation des fonds Pétro-caribe, qui constitue, selon lui, un crime financier.

La résolution du sénat constitue une honte. L’actuel président du Grand Corps, qui n’a aucune autorité morale, a organisé une séance hors la loi, critique Louisdor.

Il invite ses collègues sénateurs à empêcher la tenue d’autres séances au parlement en guise de protestation.

Une vingtaine de personnes porteront plainte cette semaine contre ceux et celles qui ont gaspillé les fonds Pétro-caribe, annonce-t-il.

Une plainte a été déjà déposée par le citoyen Johnson Colin au cabinet d’instruction contre un ensemble de personnalités haïtiennes et quelques firmes impliquées dans cette affaire.

Le rapport a suffisamment de substances pour permettre l’arrestation de celles et ceux qui ont dilapidé cet argent, mais il faut une volonté politique pour y arriver, estime, pour sa part, l’historien Georges Michel.

L’assemblée sénatoriale a le pouvoir d’enquêter sur tous les sujets qui fâchent dans la société. Après, elle peut transmettre son rapport, soit à la justice soit à la Csc/ca, rappelle-t-il.

Les voleurs ont dilapidé de l’argent qui pouvait être utile aux domaines de l’agriculture, éducatif, sanitaire, ils ne doivent pas être protégés, dénonce Michel.

Plusieurs séances ont eu lieu au sénat sur le document sans parvenir à fixer les responsabilités des personnalités soupçonnées dans la mauvaise gestion des fonds du programme.

Le président Jovenel Moïse et certains sénateurs proches du pouvoir avaient déjà annoncé la couleur en qualifiant le rapport de « partisan » et de tentative de persécution politique.

Certains personnalités dans l’entourage du président seraient aussi impliquées dans la dilapidation des fonds Petro-caribe, notamment son chef de cabinet Wilson Laleau ainsi que ses mentors l’ex-premier ministre Laurent Salvador Lamothe et l’ancien président Michel Joseph Martelly.

D’aucuns craignent que le dossier ne traîne à la Csc/ca à l’instar de plusieurs autres fermés dans les tiroirs d’institutions devant y assurer un suivi.

Aucune information ne circule quant au dossier du chef de l’État soupçonné de blanchiment d’argent dans un rapport de l’Unité centrale de renseignements financiers (Ucref), transmis au parquet de Port-au-Prince pour suivi.

Le directeur de l’Ucref Sonel Jean-François, à l’origine de ce document, a été révoqué, alors que son mandat n’était pas encore arrivé à terme.

La chambre des députés, dont la majeure partie soutient l’exécutif, a voté le 5 mai 2017, un texte de loi, qui, dans sa nouvelle formulation, prévoyait qu’au moins trois (3) des cinq (5) membres du Conseil d’administration de l’Ucref seront, par ricochet, choisis par le pouvoir.

Certains secteurs politiques et de droits humains avaient dénoncé une mainmise et une instrumentalisation de cette institution censée restée indépendante du pouvoir politique. [la emb gp apr 05/02/2018 11 : 40]