Santo Domingo, 23 févr. 05 [AlterPresse] --- Les autorités de la République Dominicaine doivent recourir à des plans de nutrition et d’éducation appropriés pour freiner la misère endémique dans les bateyes (sucreries) du territoire voisin de la République d’Haïti.
Telles sont les principales recommandations issues d’un « Diagnostic de la situation nutritionnelle dans les bateyes de la République Dominicaine », présenté à Santo Domingo le 9 février 2005 par le Service Jésuite aux Réfugiés et aux Migrants (SJRM) devant des représentants d’organisations et des journalistes, dont le correspondant d’AlterPresse.
Face aux dramatiques conditions de vie, notamment sanitaires, dans les sucreries de la République Dominicaine, où réside une main-d’œuvre de nationalité dominicaine pour la plupart d’ascendance haïtienne, les chercheurs du SJRM plaident pour l’implantation de programmes « d’allaitement maternel, de vergers communaux, familiaux et d’élevage d’animaux afin d’accroître la disponibilité d’aliments, sources de protéines, vitamines et minéraux ». Ils demandent aussi aux autorités dominicaines de mettre en place des politiques qui facilitent l’accès des communautés des bateyes aux services de base, comme l’eau potable, la santé, les emplois, l’éducation et autres.
Plus de 57 % des enfants de 6 à 12 ans, qui résident dans les bateyes, consomment seulement du lait de manière occasionnelle et plus de 12 % des mineurs de 5 ans souffrent de malnutrition chronique. Les problèmes de santé ne sont pas en voie de solution, l’alimentation y est précaire, les emplois et logements décents font défaut, la majorité des habitants des sucreries dominicaines ne disposent pas de documentation qui les identifie, a souligné l’étude du SJRM.
55 % des habitants des bateyes utilisent du bois de chauffage et du charbon pour la cuisson des aliments contre 19 % qui ont accès à des cuisinières.
« Le niveau éducatif de la mère ou de la personne en charge des soins influence l’état nutritionnel dans les bateyes, où les enfants sont aux soins de leurs mères dans 82 % des cas », selon les résultats de la recherche qui constate que les femmes sont les cheffes de famille de 21 % des maisons des sucreries dominicaines, où vivent des enfants de moins de 12 ans et des grandes personnes de plus de 65 ans.
En ce sens, la recherche recommande au gouvernement dominicain d’encourager un ensemble d’initiatives d’allaitement maternel coordonnées par les organisations sociales oeuvrant dans les sucreries et le Secrétariat d’Etat à la Santé.
38 % des responsables des maisons dans les sucreries dominicaines ne savent ni lire ni écrire, et 61 % des jeunes de la tranche d’âge 16 - 20 ans ne fréquentent pas l’école. Parmi ces jeunes, seulement 11 % étaient récemment arrivés aux sucreries ayant fait l’objet de l’investigation du Service Jésuite aux Réfugiés et aux Migrants. Sur cette question d’éducation, le SJRM convie le gouvernement dominicain à promouvoir l’éducation scolaire des filles et garçons ainsi que des activités favorables à l’alphabétisation d’adultes et à un enseignement continu.
Dans leur rapport, les chercheurs du SJRM précisent que 82 % de la population des sucreries, concernées par l’étude, sont des ressortissants dominicains.
En ce qui a trait aux services de base, l’étude révèle que 72 % des maisons des sucreries dominicaines manquent de services sanitaires. Par exemple, 34 % des maisons partagent des latrines dans les bateyes de la région Sud de la république voisine du territoire d’Haïti.
La recherche du SJRM explique que 70 % des maisons des bateyes n’ont pas de services de ramassage d’ordures. Parmi la population des sucreries, ayant fait l’objet de l’étude, seulement 48 % des ménages brûlent les ordures tandis que le reste lance les déchets produits dans les buissons et vallons.
L’approvisionnement en eau potable constitue un autre point de préoccupation soulevée dans l’étude : seulement 15 % des ménages reçoivent le précieux liquide chez eux, 43 % n’ont pas de système de tuyauterie mais s’approvisionnent en eau dans les rivières, les courants d’eau et ailleurs.
12 % des enfants des bateyes, considérés dans l’étude du SJRM, font face à une malnutrition chronique, tandis que 4% des enfants présentent cette affection dans des conditions jugées très graves par les chercheurs.
La réalité de misère dans les bateyes, décrite dans la recherche du SJRM, ne semble nullement inquiéter les autorités dominicaines du Conseil d’Etat du Sucre (Consejo Estatal de Azucar - CEA) qui devraient veiller à ce que les habitants des bateyes aient une vie digne dans les centrales sucrières, suivant les conclusions de l’étude. En outre, les propriétaires des centrales sucrières privées font peu ou ne font rien pour améliorer les conditions de vie et, en particulier, de santé des filles et garçons et grandes personnes qui résident dans les bateyes, indiquent les données du diagnostic de la situation nutritionnelle réalisé par le Service Jésuite aux Réfugiés et aux Migrants.
L’Etat dominicain détient 10 centrales sucrières sur le territoire voisin de la République d’Haïti. 3 se trouvent dans la région Sud : Ingenio Barahona (Barahona), Porvenir (Peravia) y Haina (Haina) ; 5 dans la région Est : Porvenir, Consuelo, Santa Fe, Boca Chica y Quisqueya, toutes établies à San Pedro de Macoràs ; 2 au Nord de la République Dominicaine : Montellano et Amistad, installées dans la province de Puerto Plata, non loin de la ligne frontalière Ouanaminthe / Dajabon.
La gestion du gouvernement de Leonel Fernández, pendant la période 1996-2000, a fait enchérir ces centrales sucrières qui se trouvent aujourd’hui sous une administration Etat -Secteur privé.
L’étude du SJRM a reposé sur un échantillonnage de 220 sucreries, dont 7 ont été choisies dans la région Sud, 12 dans l’Est et 3 dans le District National (zone métropolitaine) de la capitale Santo Domingo.
L’étude a été effectuée dans les bateyes Isabela, Batey 4, Batey 6 et Cuchilla, de la province de Bahoruco ; Bombita, de Barahona ; Batey 7 et Batey 9, de Independencia ; Hato San Pedro, La Jagua, Guazumita, La Mina, Memejo, Juan Sánchez, Cojobal et Altagracia, de Monte Plata ; Don Juan, Alejandro Bass, Alemán y Soco, de San Pedro de Macoràs ; Duquesa, Palamara y Yacht, du District National de Santo Domingo.
Dirigé par la spécialiste en Alimentation et Nutrition, Maràa Altagracia Fulcar, le « Diagnostic de la situation nutritionnelle dans les bateyes de la République Dominicaine », rendu public à Santo Domingo le 9 février 2005 par le Service Jésuite aux Réfugiés et aux Migrants, a compté avec la participation de plusieurs spécialistes, comme Tomás Sandoval y Rafael Terrero. [jls rc apr 23/02/2005 10 :00]