P-au-P, 17 nov. 2017 [AlterPresse] --- Plusieurs organisations expriment de vives appréhensions, face à la remobilisation officielle, sans aucun cadre légal, des Forces armées d’Haïti (Fad’h), annoncée par le président Jovenel Moïse, pour le samedi 18 novembre 2017.
Cette semaine, différentes organisations sociales, y compris de droits humains, ont dénoncé une éventuelle mobilisation d’un groupe de pressions armé, au service du pouvoir en place.
« Ce ne sont pas les Forces Armées d’Haïti, qui seront remobilisées le 18 novembre 2017, mais plutôt un groupe armé, qui sera là pour protéger les personnes qui ont dilapidé les fonds du programme PetroCaribe et ceux collectés par la Direction générale des impôts, dans les douanes et au niveau de l’immigration », prévient l’organisme de droits humains Collectif Défenseurs Plus.
La reconstitution des Forces Armées ne s’inscrit pas dans une démarche pour renforcer les institutions haïtiennes. Avant de prendre cette initiative, il serait sage que l’Exécutif consulte les autres pouvoirs, les autres institutions indépendantes et autonomes, ainsi que la société civile.
Tel n’est pas le cas, c’est uniquement un titulaire au Ministère de la défense, qui fait des recrutements, minimise l’organisation Tèt kole ti peyizan.
« Ces forces armées, que le président Jovenel Moïse, du régime tèt kale deuxième version (après la première version de Joseph Michel Martelly, du 14 mai 2011 au 7 février 2016), veut mettre sur pied, auraient pour objectif caché de continuer les actes de répression sur la population et la paysannerie, les travailleuses et travailleurs, les ouvrières et ouvriers, dans la perspective de les empêcher de se mobiliser contre les mauvaises conditions de vie ».
De son côté, le parti politique Fusion des socio-démocrates (Fusion) critique également « la dynamique autocratique » du président, dans ses démarches pour le retour des Fad’h, dans une note transmise à l’agence en ligne AlterPresse.
La Fusion s’interroge sur la doctrine des nouvelles Forces Armées, les règles d’engagements, qu’elles auront à appliquer, le budget qui leur sera alloué.
Concrétisation de l’approche militariste du régime tèt kale
Le 15 novembre 2017, Jovenel Moïse a pris un arrêté présidentiel, mettant en place un commandement intérimaire pour les Fad’h.
Ce commandement, ayant à sa tête un ancien officier, Jodel Lesage, nommé « lieutenant-général » par Jovenel Moïse, est chargé de conduire les travaux, liés au rétablissement, à l’organisation et au fonctionnement de l’Armée, dont le premier défilé est attendu le samedi 18 novembre 2017, au Cap-Haitien, à l’occasion du 214e anniversaire de la Bataille de Vertières [1]
La remobilisation des Forces Armées constitue un message à la population, sur la mise sur pied d’une institution militaire, devant, au moins, remplacer partiellement la Mission des Nations unies pour la stabilisation d’Haiti (Minustah), a déclaré, le titulaire du Ministère de la défense, Hervé Denis, lors d’une conférence-débats, le jeudi 16 novembre 2017, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
Certains éléments de l’institution militaire servaient des intérêts particuliers et bafouaient les sacrés principes de la Constitution du 29 mars 1987. Aujourd’hui, cette « nouvelle force », qui sera constituée d’un corps de génie militaire, d’un corps médical et de l’armée de l’air, doit inévitablement servir les couches défavorisées et les intérêts nationaux, tente-t-il de rassurer.
« Les Forces Armées compteront un effectif total de cinq mille membres. Elles seront agrandies en fonction des disponibilités budgétaires. Mais, nous ne l’aurons pas du jour au lendemain. Nous allons commencer avec 500 hommes et femmes », fait savoir Hervé Denis.
« Aider aux moments des catastrophes naturelles, servir à la protection des frontières et contrer cette montée sans précèdent de l’insécurité dans le pays, sont, entre autres, les terrains, sur lesquels les nouvelles Forces Armées devront se rendre utiles ».
Le livre blanc, pour la défense et la sécurité, et le développement durable d’Haïti, ainsi que la feuille de route seraient les éléments basiques de la nouvelle force de défense en Haïti, représentée par les Forces Armées.
De son côté, le président de la république a rencontré, le 15 novembre 2017, des représentants des trois pouvoirs de l’État, dans le cadre d’un échange sur certains dossiers, dont la remobilisation des Forces armées d’Haïti.
Ont participé à ces échanges : Jack Guy Lafontant, chef du gouvernement, Youri Latortue, président du sénat, Cholzer Chancy, président de la chambre des députés, Jules Cantave, président de la Cour de cassation, des membres du Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire (Cspj), les présidents des commissions du sénat et de la chambre des députés.
À l’ordre du jour, les consultations avec différents secteurs concernant les états généraux, et la mise en place, le 18 novembre 2017, d’un état-major intérimaire.
La structure, dite état-major intérimaire, sera chargée, dans un délai de deux ans, de prendre les dispositions pour le rétablissement des Forces Armées d’Haïti, conformément à la Constitution.
Les conditions objectives pour la remobilisation des Forces Armées, en Haïti, ne sont pas encore réunies, considèrent plusieurs organisations, qui continuent d’exprimer leurs appréhensions quant à la mise en place d’une milice au service de l’équipe au pouvoir.
Après leur participation, dans de multiples atrocités, dont des coups d’Etat et de différents autres cas de violations de droits humains, particulièrement durant la période dictatoriale des Duvalier (1957-1986), les Fad’h ont été démobilisées par le président Jean-Bertrand Aristide, en 1995, pour être remplacées par la Police nationale d’Haïti (Pnh). [rjl emb rc apr 17/11/2017 16:30]
[1] Ndlr : Le 18 novembre 1803, les troupes indigènes ont conduit la Bataille de Vertières, la dernière bataille qui allait aboutir à l’indépendance d’Haïti, le 1er janvier 1804, des colons français.