P-au-P, 05 oct. 2017 [AlterPresse] --- L’entêtement du président Jovenel Moise et de son équipe tèt kale (deuxième version entamée le 7 février 2017, après la première version dirigée par Joseph Michel Martelly, du 14 mai 2011 au 7 février 2016), de vouloir appliquer, coûte que coûte, l’impopulaire budget 2017-2018, tend à envenimer la crise socio-politique en Haïti, observe l’agence en ligne AlterPresse.
Dans différents secteurs, se profile un mouvement de désobéissance civile et fiscale, ainsi que de résistance à l’oppression. Révoltés et en colère, beaucoup de citoyennes et citoyens haïtiens déclarent refuser d’obéir à des dispositions d’augmentation inconsidérée des taxes, pour faire face à une accumulation de lourdes dettes publiques, relevées dans le budget 2017-2018. Ce qui risque d’hypothéquer l’avenir des générations à venir.
D’autant que les exemples de transparence et de bonne gestion des ressources publiques, non accompagnée d’actes de corruption, ne sont pas tangibles.
Au contraire, c’est l’arrogance et l’ostentation de celles et ceux, occupant l’appareil d’Etat, qui s’affichent, quotidiennement, a vu et au su de toutes et de tous.
Comment une population aurait décidé de placer, dans des élections suspectes, des gens qui viendraient faire preuve d’ostracisme, de non respect des droits humains et de prétentions faussement savantes, qui méprisent le bon sens et l’intérêt collectif ?
Les tenantes et tenants du régime tèt kale n’ont aucun scrupule à vouloir utiliser la violence d’Etat, en prétextant de leur autorité indue pour imposer leurs vues.
Après ses menaces de mort, le 8 août 2017, contre le journaliste Jean Nazaire Jeanty, le maire principal des Cayes (Sud), Jean Gabriel Fortuné, récidive, le mardi 3 octobre 2017, en appelant à la guerre civile, en demandant à la popularion d’utiliser les « bâtons, machettes armes à feu et autres » pour aller vaquer à ses occupations, contre celles et ceux qui manifestent contre le gouvernement.
Les velléités dictatoriales du pouvoir, dénoncées par plusieurs forces vives de la société, s’affirment, de plus en plus, à mesure que les mouvements de protestations se multiplient.
Le pouvoir recourt à des manœuvres politiciennes pour contourner les diverses contestations contre la publication, dans le journal officiel « Le Moniteur » du budget 2017-2018, entré en vigueur le dimanche 1er octobre 2017.
La dernière manœuvre, rendue publique le 3 octobre 2017, est une loterie fiscale, visant à séduire les contribuables à aller régler l’impôt locatif, connu sous le nom de Contribution foncière sur les propriétés bâties (Cfpb), en faisant miroiter l’éventuel gain de véhicules...
Le samedi 30 septembre 2017, après avoir obtenu des concessions du gouvernement, autour de probables suspension de taxes pour les chauffeurs de transports publics, sur ce dossierun groupe de syndicats, conduit par Montès Joseph de l’association syndicale Front unifié des transporteurs et des travailleurs d’Haïti (Futth), a annoncé la levée de la grève contre le budget, prévue pour les lundi 2 et mardi 3 octobre 2017. .
Les syndicats de chauffeurs, initiateurs de la grève, ont dénoncé ces manœuvres politiques visant à boycotter, disent-ils, le mouvement enclenché contre le budget 2017-2018 controversé.
Malgré son maintien, la première journée (le lundi 2 octobre 2017) de grève des chauffeurs, qui a paralysé diverses activités (transports publics, établissements scolaires, commerce, services et autres), a reçu globalement une faible réponse dans le pays, notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince. La deuxième journée de grève, pour le mardi 3 octobre 2017, a été annulée par les syndicats de chauffeurs initiateurs, afin de définir de nouvelles stratégies de mobilisation.
Rendu public, peu de temps avant la première journée (le lundi 2 octobre 2017) de grève des transports publics, un mémorandum du gouvernement (en date du 29 septembre 2017) évoque une baisse sur les tarifs pour les contraventions et les redevances, ainsi que pour l’obtention de la carte d’immatriculation fiscale.
Les chauffeurs des transports en commun, régulièrement identifiés par des syndicats légalement reconnus et identifiés, sont assimilés, par le gouvernement, à des employés journaliers. À ce titre, ils s’acquitteront annuellement d’une redevance de 250.00 gourdes (au lieu de 1,000.00 gourdes) pour la carte d’immatriculation fiscale, précise le mémorandum, signé du titulaire du Ministère de l’économie et des finances (Mef), Jude Alix Patrick Salomon et adressé à la Direction générale des impôts (Dgi).
Ce memorandum ferait partie d’un ensemble de mesures dans le cadre de l’application du budget 2017-2018, pour tenter de désamorcer les contestations.
« Il y a un manque de dialogue autour du budget. Ce qui n’a pas permis de mieux expliquer cette mesure gouvernementale, Nous n’avons pas modifié la loi, mais plutôt les tarifs et les barèmes. En 2016, on avait aussi changé le tarif de la patente, qui était passé de 2 à 4 mille gourdes sans modification du texte de loi », tente de justifier le secrétaire d’Etat aux finances, Ronald Décembre, en conférence de presse, le mardi 3 octobre 2017.
Désormais, tout ce qui concerne les taux sera enlevé des textes de loi. Seulement le corpus (le texte de loi) sera soumis au parlement, ajoute Décembre.
« Cette mesure constitue une « violation » de la Constitution par le gouvernement. Une loi ne peut pas être modifiée avec un mémorandum ». Un mémorandum n’est qu’un document administratif », arguent Franck Lauture et Deus Deronneth, respectivement députés de la Vallée de Jacmel et de la circonscription de Marigot (Sud-Est). Pour sa part, le député Abel Descollines stigmatise l’ « amateurisme » des autorités politiques, qui ne seraient pas bien imbues, à son avis, des rouages administratifs, dans la fonction publique, au vu du mode de gestion mis en œuvre, depuis février 2017, par la deuxième version du régime tèt kale.
Ces parlementaires ainsi que plusieurs de leurs collègues réclament un budget rectificatif pour effectuer des modifications dans le budget, voté, en septembre 2017, par les deux chambres du parlement.
Avec les rafistolages du gouvernement, l’opinion publique ne sait pas quel est le montant actuel du budget contesté 2017-2018, d’un montant initial de 144 milliards de gourdes, un budget jugé inapproprié aux défis socio-économiques en Haïti par plusieurs organisations de défense des droits humains.
Ces rafistolages font suite à l’intensification des mouvements contre le budget, notamment la grève du secteur des transports publics, qui ont complètement paralysé les activités scolaires et commerciales, dans le pays, le lundi 18 septembre 2017.
Plusieurs secteurs, dont les mairies et la justice, ont déjà réalisé plusieurs mouvements de grèves pour protester contre le budget 2017-2018.
Des promesses du pouvoir pour faire diversion
Lors d’une une séance de travail, organisée le jeudi 28 septembre 2017, avec la Fédération nationale des maires d’Haïti (Fenamh), qui dénonçait la loi de finances 2017-2018, Jovenel Moïse a promis de satisfaire, durant le mois d’octobre 2017, les désidératas des élus communaux. Une tentative de calmer l’ardeur des conseils municipaux protestataires, une cinquantaine qui ont suspendu tous activités et services dans leurs communes, du lundi 25 au mercredi 27 septembre 2017 .
Jovenel Moïse a invité les conseils municipaux à contraindre la population à payer les taxes.
Un véhicule tout terrain 4X4, devant être disponible, au cours du mois d’octobre 2017, a été promis à chaque conseil municipal, pour faciliter les déplacements des élus municipaux. Une motocyclette devrait également être délivrée à chaque cartel de Conseil d’administration de section communale (Casec) pour améliorer les conditions de vie des élus locaux.
Le président a aussi rencontré, le lundi 25 septembre 2017, au Palais national, les membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj), pour essayer d’empêcher une grève, projetée par l’Association professionnelle des magistrats (Apm) contre la loi de finances, après la grève d’avertissement des juges du mercredi 13 au vendredi 22 septembre 2017..
A cette réunion d u 25 septembre 2017, avec le Cspj, Jovenel Moise a encore promis de faire « des réaffectations et des désaffectations », dans le budget 2017-2018, pour répondre aux revendications des juges.
L’Apm dit prendre acte des négociations entamées entre le Cspj et le pouvoir exécutif relativement aux revendications des magistrats, dans une note datée du 30 septembre 2017.
Un moratoire, allant jusqu’au vendredi 6 octobre 2017, est accordé par l’Apm aux deux entités, engagées dans les négociations, pour la signature d’un protocole d’accord, devant préciser les réponses qui seront apportées aux différentes revendications d’ordre structurel et conjoncturel des magistrats.
Passé ce délai, une grève illimitée sera observée, à partir du lundi 09 octobre 2017, jusqu’à la prise en compte des revendications des juges de la république.
Parmi les demandes des juges, figurent l’octroi de moyens financiers suffisants pour le pouvoir judiciaire, le transfert du contrôle administratif et disciplinaire du personnel de la justice du Ministère de la justice au Cspj et le renouvellement de mandats des juges et de promotion pour certains.
Pour leur part, les greffiers (ainsi que les huissiers, commis et autres mebres du personnel de parquets) ont repris, le lundi 2 octobre 2017, leur mouvement de grève, dans les tribunaux d’Haïti, notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince. Cet arrêt de travail, qui coïncide avec la réouverture officielle des tribunaux, vise à forcer les autorités judiciaires à apporter une réponse satisfaisante aux revendications des greffiers.
Les greffiers réclament une augmentation salariale significative, compte tenu du coût de la vie, des programmes de formation continue pour les greffiers, des cartes d’assurance et de débit ainsi que de meilleures conditions de travail.
Entre-temps, l’opposition politique annonce la poursuite des mobilisations de rues contre le pouvoir.
Une première, d’une nouvelle série de 6 journées de manifestations (pour les jeudi 5, samedi 7, mardi 10, jeudi 12, samedi 14 et mardi 17 octobre 2017), s’est ébranlée, à Port-au-Prince, le jeudi 5 octobre 2017. Au moins 4 personnes (selon les organisateurs) ont été blessées par balles, provenant de tirs d’individus non identifiés, à la rue Tiremasse (Port-au-Prince), au début de la nouvelle démonstration dans les rues contre Jovenel Moïse et son équipe. Cela n’a pas diminué l’ardeur des manifestantes et manifestants, qui, après un temps d’observation d’environ une heure, ont repris leur mouvement dans la capitale.
L’initiative de cette nouvelle série de 6 manifestations est prise par la coalition des organisations démocratiques, afin de réclamer la démission de Jovenel Moïse de la présidence. La coalition des organisations démocratiques comprend des sénateurs et députés de l’opposition, des partis politiques et organisations sociopolitiques du secteur démocratique et populaire.
Une précédente manifestation a été organisée, le samedi 30 septembre 2017, pour réclamer non seulement le retrait du budget, mais aussi le départ de Jovenel Moïse. Ce mouvement a été violemment dispersé à Port-au-Prince à coups de gaz lacrymogènes, par des agents de la Police nationale d’Haïti (Pnh). Malheureusement, des casseurs ont brisé les devantures de différents magasins et les pare-brise de véhicules de fonction de Radio Téle Kiskeya et de Radio Télé Métropole.
Depuis septembre 2017, les manifestations anti-budget tendent à s’intensifier, en gagnant plusieurs villes de province, dont le Nord (Cap-Haïtien) et le Plateau central).
Dans le Sud, aux Cayes (troisième ville en importance en Haïti), des heurts ont été enregistrés.
Cette vague de mobilisations risquerait-elle de fragiliser la stabilité d’Haïti, au point de rendre inopérante toutes actions gouvernementales ? [apr 05/10/2017 12:50]