P-au-P, 28 sept. 2017 [AlterPresse] --- Des experts haïtiens et étrangers se sont penchés sur les défis liés à la lutte contre le phénomène de l’impunité et la quête de la justice en Haïti, lors d’un colloque débuté à Port-au-Prince, le mercredi 27 septembre 2017, observe l’agence en ligne AlterPresse.
Jean Joseph Exumé, ex-ministre de la justice et ancien juge de la Cour interaméricaine des droits humains, a évoqué le dysfonctionnement du système judiciaire en Haïti, lors de ce colloque qui doit prendre fin le vendredi 29 septembre.
L’homme de loi, qui a déjà été avocat de plusieurs victimes de crimes du passé, a également critiqué l’obsolescence des instruments juridiques, des lois et des codes (pénal, civil, d’instruction criminel), datés du XIXe siècle.
Comme conséquence de cette situation, le praticien a de nombreuses difficultés à savoir quel texte est applicable dans le cadre de telle ou telle affaire.
Un autre problème majeur réside dans « la méconnaissance quasi-totale, par les praticiens, du droit international et des instruments (traités et accords) internationaux signés par Haïti », explique-t-il.
Or, la constitution stipule « clairement » que tous les traités ou accords internationaux (…) sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la constitution, font partie de la législation du pays et abrogent toutes les lois qui leur sont contraires », rappelle Exumé.
Il déplore également une lenteur exagérée dans les procédures (civiles ou pénales) ainsi que les délais qui sont trop longs. Il en résulte, dit-il, des violations des droits du citoyen.
En plus du coût prohibitif de la justice, il y a également la difficulté d’accès des citoyens aux tribunaux, surtout dans les zones rurales, où le paysan doit marcher pendant des heures pour trouver un tribunal, sans être certain de trouver un juge en raison du phénomène d’absentéisme.
Le manque de respect de certains principes, comme les horaires de travail des tribunaux, entraîne des « conséquences sur la performance du système », souligne Exumé.
Il a touché aussi du doigt le phénomène de la détention préventive prolongée, qui, selon lui, est « une conséquence directe de la paresse, disons, du laxisme des magistrats ».
« L’impunité est la cause de nos maux en Haïti », avance l’ancien commissaire du gouvernement, Sonel Jean François, soulignant une autre forme d’impunité supportée par nos textes de loi.
Il cite comme exemple l’immunité parlementaire qui protège des élus au passé parfois très controversé et qui sont trempés dans des affaires passibles de punition.
Les échanges au colloque du 27 septembre 2017 devraient contribuer au renforcement de la mobilisation citoyenne, autour de pistes d’action concrètes, pour engager les autorités, afin que les crimes du passé ne se répètent pas et que leurs auteurs ne restent pas impunis, espèrent ils.
Cette initiative vise à renforcer les synergies entre les actrices et acteurs, déterminer des stratégies contentieuses et de plaidoyer, pour lutter contre l’impunité des crimes du passé et sensibiliser aux différents mécanismes de justice transitionnelle.
Ce colloque contre l’impunité en Haïti se tient sous les auspices du Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), de la Fédération internationale des ligues de droits humains (Fidh) et du Haut commissariat aux droits humains (Hcdh), avec le soutien de l’Union européenne (Ue). [rjl emb gp apr 27/09/2017 16 :40]