Español English French Kwéyol

Le décès d’Issa el Saieh

Un colosse est tombé

Par Louis Carl Saint Jean

Soumis à AlterPresse le 14 février 2005

Au mois de juin 1994, j’ai eu ma première - et dernière - conversation téléphonique avec Issa El Saieh. Avec enthousiasme , il me parla de son amour pour le sport, la peinture et surtout de son immense joie d’avoir « mis sur pied un ensemble musical valable pouvant jouer sans aucune difficulté et avec soin la musique, trop riche du pays pour rester inexploitéeÂ… » L’entretien dura plus d’une heure, mais à mon esprit une éternité, tellement l’homme maîtrisait notre sujet principal (savoir la musique haïtienne) et faisait parler son cœur, non sans laisser sortir des rires interminables, tel un garçonnet . J’en fus impressionné au possible. Je n’en revins pas, d’avoir parlé à l’un des grands noms de la musique populaire d’Haïti ! Mes amis me disent « chanceux » car généralement Issa n’offre pas d’entrevue !

Mes humbles études sur la musique haïtienne - tout en me basant sur les témoignages de ses contemporains - m’ont conduit à une conclusion : dans l’histoire de la musique populaire de notre pays, le nom d’Issa El Saieh est de ceux qu’il convient d’écrire sur des tableaux d’or, pour y avoir travaillé avec tant de désintéressement et d’assiduité. Joe Trouillot, l’un des anciens chanteurs de son ensemble n’y passe pas par quatre chemins pour déclarer au sujet d’Issa : « Pas un seul Haïtien ne s’est personnellement dépensé autant pour l’épanouissement de notre musique ! » Au cours d’une entrevue accordée à « TRIBUNE TROPICALE » moins de trois ans avant sa mort, Guy Durosier avait tenu à peu près le même langage : « Issa préféra ruiner le magasin de sa mère pour la bonne marche de l’orchestre. »
Issa El Saieh vit le jour à Petit Goâve un samedi 22 février 1919 des œuvres de M. Joseph El Saieh et de Julia Talamas. En août 1928, âgé de neuf ans, ses parents, soucieux de sa formation scolaire, l’envoyèrent aux Etats-Unis d’Amérique du Nord. Déjà très jeune, la musique le passionne. Aussi, ne tardera-t-il pas à s’enrôler dans la fanfare de son établissement scolaire, choisissant la clarinette. Aux environs de l’été de 1940, à l’issue de ses études classiques, il regagne sa terre natale, la tête pleine de rêves.

Nous appuyant sur une entrevue qu’il avait accordée en décembre 2000 à la journaliste Lilianne Pierre-Paul, nous pouvons affirmer qu’ Issa était également un mordu du sport. En effet, avait-il confié : « Je jouais au baseball, au basketball, au football (américain), au hockey et m’adonnais à la lutte et à la boxeÂ…En compagnie des Talamas, Montréal et autres, ajouta-t-il, j’avais participé à la création de la première association de basketball à Port-au-PrinceÂ… » Il ne s’intéressait pas particulièrement à notre « sport roi », contrairement à son frère aîné André El Saieh, qui prenait un plaisir immense à aménager des terrains de football de-ci de-là à travers la capitale pour la promotion de ce sport.

Mais son cœur et son âme se trouvent dans la musique. A New York, il côtoie le gratin du jazz : Charlie Parker, Lester Young, John Birks « Dizzy » Gillespie, Ella Fitzgerald, Lena Horne, etc. Ses anciens professeurs de musique - la plupart du big band « Cab Calloway Orchestra » -ont pour nom : Walter « Foots »Thomas, Albert « Budd » Johnson, Eddie Barefield, Andrew « Andy » Brown. Une jolie carte de visite, quoi !

Or, à cette époque, ils ne sont pas légion dans le pays les ensembles musicaux bien structurés. En vue d’assouvir sa passion, il s’inscrit comme clarinettiste au sein du JAZZ ROUZIER, aux cotés de Daniel Rouzier (Accordéon), Emmanuel « Tonton » Duroseau (Piano), Vaille Rousseau (Tambour / Chanteur), Kénel Duroseau (Contrebasse), etc. L’expérience n’a pas fait long feu. Ainsi, ayant pris goût à cette expérience, au printemps de 1942, allait-il former, utilisant le nucléus de ROUZIER, l’un des plus grands ensembles musicaux que notre pays ait jamais connu : L’ORCHESTRE ISSA EL SAIEH ! On nous pardonnera d’en citer les tout premiers membres : Vaille Rousseau (Tambour / Chanteur), « Tonton » Duroseau (Piano), Kénel Duroseau (Contrebasse), Issa El Saieh (Clarinette / Saxophone alto), Ludovic « Dodo » William (2ème saxophone ténor), Victor Flambert (3ème saxophone alto), Serge Lebon (1ère trompette), Antalcidas O. Murat (2ème trompette / arrangeur), Fleury (3ème trompette), Antoine « Zanmi » Sénécal (Batterie). Durant cette période, le fief de l’ensemble se trouvait au « Zanzi Bar », à Pétion Ville, alignant, quelques mois plus tard, les chanteurs Gérard Féquière et Pierre Coileau. Cependant, la formation type qui avait fait sensation à longueur de samedi à CABANE CHOUCOUNE (à peu près de 1944 à fin 1951) sera composée de : Joe Trouillot (Chanteur), Guy Durosier (Chanteur / Saxophone alto), Emmanuel Duroseau / Ernest « Nono » Lamy (Piano), Contrebasse : Kénel Duroseau (Contrebasse), Raoul Guillaume (1er saxophone alto), Issa El Saieh (2ème saxophone ténor et clarinette), Roland Guillaume (2ème saxophone alto), Alphonse « Chico » Simon (1ère trompette), Hilario Dorval (2ème trompette), Fritz Pierre (3ème trompette), Antoine Sénécal (Batterie) , Louis « Coucoune » Denis (Tambour) . A mentionner également la présence quasiment constante au sein de l’ensemble des chanteurs Herby Widmaier et René Dor et des tambourineurs Roger « Ti Roro » Baillergeau et « Ti Marcel », spécialement à l’occasion des grandes soirées et des séances d’enregistrement de disques, dont celles de La Havane.

Pour mettre l’ensemble sur un niveau plus élevé, Issa n’hésitera pas à faire appel à des musiciens étrangers de renommée internationale, soit pour de simples ateliers de travail (Le pianiste de jazz américain Billy Taylor - pour l’harmonie - et le saxophoniste « Budd » Johnson - pour le « phrasé du jazz »), soit pour des arrangements et / ou pour des orchestrations (Deux exemples : l’arrangeur américain Bobby Hicks et le génial pianiste cubain Ramon « Bebo » Valdés, ce dernier ayant même joué de façon régulière au sein de l’ensemble du 24 octobre 1947 au 28 février 1948, à CHOUCOUNE, naturellement, mais aussi, en de rares occasions, au REX THEà‚TRE ou au PARAMOUNT. Un peu plus tard, vers 1955 - 1956, Bebo viendra de temps à autre à Port-au-Prince, l’une de ses villes préférées, pour jouer au PERCHOIR, club d’Elias Noustas, le frère aîné d’Issa. « La présence de ces musiciens en notre sein, se souvient Joe Trouillot, allait donner une envergure extraordinaire à l’ensembleÂ… » Bebo lui-même m’a confié le mercredi 12 janvier dernier au « Buckingham Hotel », à la 57ème Rue, à Manhattan, peu avant son concert avec Paquito D’Rivera, à « Radio City Music Hall » : « Dans les années 40 - 50, L’ORCHESTRE ISSA EL SAIEH était l’un des tout meilleurs de l’Amérique Latine Â… J’étais agréablement surpris du niveau très avancé des musiciens haïtiens tels que Guy Durosier, Ernest Lamy, etc., mais aussi de l’immense valeur de la musique haïtienne Â…Issa El Saieh : un homme extraordinaire . « Es mi hermano » ! Je garde un bon souvenir de l’hospitalité et de la noblesse des Haïtiens Â… » En effet, à cette même époque, SAIEH accompagnait les plus grosses pointures de la musique latino-américaine et européenne. Qu’elles aient pour nom, entre autres, Miguel Aceves Mejia, Celia Cruz, Perez Prado, Felix Manuel Rodriguez « Bobby » Capo, « La Reina del Cuplé », Sarita Montiel, etc., ce, avec une justesse extraordinaire, laissant béat le célèbre Roberto Miguel de « La Sonora Matancera » !

Non seulement Issa avait utilisé ces géants du « Jazz » pour assurer la formation de ses musiciens, mais il les avait également invités - à ses frais - en vue d’offrir des cours d’appréciation musicale aux jeunes du pays. Aussi, retrouvera-t-on, par exemple, un Billy Taylor, accompagné de son quintette un peu partout, à CABANE CHOUCOUNE, au THEà‚TRE DE VERDURE ou au CINE PARAMOUNT (« Radio-Théâtre »), ou un Budd Johnson à travers certains de nos établissements scolaires. En effet, Paul Choisil se souvient qu’« en 1956, Budd Johnson était venu jouer son saxophone au balcon du Petit Séminaire Collège Saint Martial, pendant la récréation, pour des centaines d’élèves ébahisÂ… »
C’était LA BELLE EPOQUE ! A peine dix-huit années après la publication d’ « Ainsi parla l’Oncle » du Dr. Jean Price Mars, quelques années, donc, au sortir de « La Campagne antisuperstitueuse », également connue sous le label créole « rejeté ». Nous parlons donc de l’époque qui allait coïncider avec le succès du « vodou jazz », avec des arrangements de musiciens hors pair tels que : Antalcidas O. Murat, d’abord pour le compte de SAIEH, par la suite pour celui du SUPER JAZZ DES JEUNES, Guy Durosier pour celui de l’Ensemble du Riviera Hôtel d’Haïti, le même Durosier, Rodolphe « Dodof » Legros et Félix « Féfé » Guignard pour L’Ensemble Ibo Lélé, Lina Mathon-Blanchet pour son groupe « HAITI CHANTE », Werner Antoine Jaegerhuber, Herby Widmaier pour ses « Starlettes », Férère Laguerre pour LE CHœUR SIMIDOR, LE CHœUR MATER DOLOROSA du Bureau d’Ethnologie, le danseur Jean-Léon Destiné avec LA TROUPE FOLKLORIQUE NATIONALE, et bien d’autres. En un mot, c’était l’époque, « du triomphe de la culture haïtienne dans toute sa pureté, grâce à la volonté de l’Honorable Dumarsais Estimé », affirme, nostalgique, le pianiste Félix Guignard.

Ce dernier, comme la majorité de nos musiciens et autres chercheurs, sera on ne peut plus élogieux à l’endroit de l’illustre disparu. En effet, selon « Féfé », « Issa représente indiscutablement celui qui a mis la musique populaire haïtienne à son niveau le plus élevé Â…Il était, en plus, un homme de bon cœur, qui faisait du bien à tout le monde Â… C’est une perte totale- capitale pour notre musiqueÂ… » Emilio Gay, ancien membre des formations de Weber Sicot, de Nemours Jean-Baptiste, de CITADELLE et du RIVIERA ne fera pas sonner la cloche différemment : il définit Issa tout simplement comme « une très bonne personne, un homme simple, « sans façon », toujours disposé à voler au secours des démunis ... » Le trompettiste se souvient, par exemple, comment Nemours Jean-Baptiste lui-même « vénérait Issa », tellement ce dernier se montrait toujours « prêt à aider tout musicien réclamant de lui le moindre conseil ou quelqu’autre assistance Â… » Son alter ego Kesnel Hall tire droit au but : « La musique haïtienne a une lourde dette, une grande reconnaissance à l’endroit d’ Issa El Saieh Â… C’est dommage que les musiciens de nos jours n’aient pas suivi la voie qu’avait tracée Issa Â… » Ecoutons parler le producteur Fred Paul : « Je m’estime extrèmement chanceux d’avoir connu M. El Saieh, un homme très amusant, très intéressant, un maestro qui avait une haute vision artistique. Il nous a légué sa musique, une musique haïtienne bien faiteÂ… Issa était surtout un monsieur très sensible et très généreuxÂ… » Le psychologue-chercheur Georges Bossous, Jr. pense, lui, qu’« un homme de la dimension d’Issa El Saieh ne mérite ni plus ni moins que des funérailles nationales ! J’avais moins de dix ans, c’était en 1985, lorsque ma mère me parlait des largesses d’Issa à l’endroit de ceux qui n’avaient ni feu ni lieu dans le pays ! Nous lui devons des milliers de chandelles ! » Pour Raymond Marcel , trompettiste de « LATINO », « La mort d’Issa marque la fin d’une période faite d’espoir et de rêve .. Issa était un homme immense Â… » D’une voix remplie d’émotion, le Dr Gérard Campfort de dire : « Ce décès me touche beaucoup, car non seulement il s’agit d’un musicien et d’un artiste, mais il s’agit d’Issa El Saieh ! Un homme qui est allé au-delà des valeurs artistiques pour manifester des qualités humaines qui sont très rares chez nous ». Le vendredi 15 octobre 2004, le Dr. Charles Dessalines m’a personnellement avancé : « Je mets au défi quiconque de me citer un seul homme qui, dans les années 40 - 60, à l’égal d’Issa El Saieh, se souciait tant pour la musique haïtienne que pour les musiciens haïtiens, que vous fussiez membre de son groupe ou pas Â…Issa avait en horreur ceux qui exploitaient financièrement les musiciens. Il était toujours prêt à vous donner des instruments flambant neufs, à vous commander des partitions gratuitementÂ… » C’est, donc, avec raison que Paul Choisil a soupiré : « La nouvelle de la mort d’Issa El Saieh m’a profondément attristé Â… J’ai toujours entendu les louanges que lui faisaient tous les musiciens qui ont eu le privilège de jouer avec lui Â… » Et Serge Bellegarde de surenchérir : « C’est toujours une tragédie lorsque des grands musiciens comme Issa El Saieh disparaissentÂ… »

Issa devait à un certain moment laisser volontairement son ensemble pour « aller s’occuper du magasin de sa mère un peu abattue sous le poids des ans, car il l’aimait aveuglement », se souvient Joe Trouillot. Aussi, confia-t-il les destinées de l’orchestre à Ernest Lamy. Ce sera l’ère du « Nono Lamy et son Orchestre ». Elle prit fin vers février 1954, au départ du célébrissime Lamy pour la République voisine, appelé à diriger l’ « Orchestre Angelita » de la « Voz Dominicana » .Trouillot succèdera à Lamy. La formation sera baptisée « Ensemble Cabane Choucoune ». Ce beau temps ne dura malheureusement que l’espace d’un trimestre. Car sur les bases solides de CHOUCOUNE allait voir le jour L’ENSEMBLE DU CASINO INTERNATIONAL D’HAITI, de nouveau sous la houlette du chanteur-maestro.

Passionné de musique, même après son départ du groupe, Issa ne déposa pas pour de bon son sax, encore moins sa baguette. En effet, de temps en temps, le reverra-t-on à CHOUCOUNE visitant ses anciens camarades, jouant occasionnellement en leur sein au moment de l’exécution de certaines de ses pièces de prédilection, dont « Odan », « La Basilica », « Anana », etc. Vers l’année 1953, il avait été appelé à titre de consultant par la direction du CASINO pour prêter main-forte à Nemours Jean-Baptiste, à l’époque maestro de L’ENSEMBLE CITADELLE . Il participait aux séances de répétition , aidant l’ensemble à mieux assimiler son répertoire. Il apportera son expertise à CITADELLE pendant moins de douze mois aux musiciens suivants : Piano : Duroseau, Contrebasse : André Exil ; 1er sax alto : Franck Brignol, 2ème sax ténor : Nemours Jean-Baptiste, 3ème sax alto : Reynold Ambroise, Trompettistes : Emilio Gay, Walter Tadal ; Batterie : Antoine Sénécal, Tambour : Marcel Cadet.

L’une des dernières formations à laquelle « Le Maestro » prêtera ses services sera un ensemble formé, vers février 1961, sur la demande de la direction de CABANE CHOUCOUNE. Il placera Raoul Guillaume, saxophoniste de classe, à la tête des musiciens suivants : Max Thiesfield : chanteur ; Max Pierrot , Reynold Ambroise et Cévélhomme Azor : saxophones alto, ténor et baryton ; Valdémar Avin, Emilio Gay et Gesner Domingue : Trompettistes . Luc Philippe fera résonner la batterie.

Hormis la musique, Issa El Saieh était l’un des plus grands (par peur d’affirmer le plus grand) collectionneurs de peinture haïtienne. Dans ce domaine, comme il le faisait pour ses musiciens, il aidera ses peintres à atteindre leur summum, leur faisant trouver des ventes mirobolantes à l’étranger. Issa mettra tout son poids dans la balance sur le marché mondial de l’art, parcourant toutes les grandes villes pour vanter le génie de nos peintres et pour parler toujours avec fierté et conviction de la valeur immense de notre art. Il fera voyager les œuvres de nos artistes à travers tous les coins et recoins de la planète. Que ce soit dans les Amériques, en Europe Continentale, en Afrique ou en Asie, nos tableaux embellissent jusqu’à cette heure les murs des musées les plus réputés, ce grâce au dévouement d’un seul homme : Issa El Saieh ! Pas un seul collectionneur du monde n’ignore ce nom !

Homme doué, surdoué, artistiquement, il aura plus d’une corde à son arc. Aussi, dans les années 50 - 60, sera-t-il connu de tout Port-au-Prince comme un ébéniste superbe, fabriquant des meubles pour les plus chics salons. Les employés travaillant sous sa supervision dans son atelier du « Bas-peu-de-Chose » seront traités « avec respect, compassion, charité et amour, nous payant souventes fois au-delà de notre salaire, spécialement s’il savait qu’on avait un enfant maladeÂ… », confiait le saxophoniste Reynold Ambroise (ébéniste également) à son confrère Emilio Gay. Il acceptait n’importe quel « crazé » des bourses moins garnies, car sa règle de vie a toujours été : « Fè kè tout pèp la kontan ! » Quelle action ! Quelle leçon !

Quelle carte de visite ! Quelle vie bien remplie, celle d’Issa El Saieh ! C’est cet homme, comme tout être humain, que le Seigneur a appelé à son dernier domicile, le mercredi 2 février 2005, une vingtaine de jours avant la célébration de ses 86 ans, alors qu’il se trouvait hospitalisé depuis un peu plus de deux semaines au « Canapé Vert », pour le traitement d’une tumeur de l’œsophage.

Je me demande, en ce moment troublé de notre histoire, si nous nous sommes rendus effectivement compte de la perte de ce géant, ce défenseur infatigable de la culture haïtienne, ce protecteur des plus faibles, cet adepte zélé de « la religion pure et sans tâche », volant à droite et à gauche au secours des « veuves et des orphelins », oui, je me demande si nous avons réalisé l’étendue de cette perte immense, quasiment irréparable ! En ce moment où les vagues de la médiocrité se déploient avec force et rage sur nos hautes mers, je me demande, grelottant de peur, qui se tiendra à la barre pour tenir le gouvernail de notre nacelle musicale en péril ?

Issa, ce colosse, est tombé, qui se dressera à sa place ? Malheureusement, on doit compter au moins cent ans pour avoir un autre Issa El Saieh ! Comme souvent dans notre tradition nous demandons à Wongol : « Issa O ! wale ! Kilè wa retounen anko ? Wale ! » Issa, même si « peyi ya chanje vre », n’oublie pas d’aller « croiser le huit » non sans « payer l’honneur » à Lumane, Lina, Toto et Martha. Issa, comme tu le faisais jadis si merveilleusement à LA BELLE CREOLE, « al kraze yon ti lodyans » avec tes âmes damnées : Dodof, Guy, Nono et Ti Roro. Bon voyage Issa ! Adieu, vieux frère ! Certainement, la terre te sera légère ! Le Dieu du Ciel saura protéger Jean-Emmanuel et Elisabeth ! Ne t’en fais pas, Issa : les génies de la race ne manqueront pas de veiller sur notre sol et jusqu’à la consommation des siècles « Haïti restera Nation » !

Vendredi 4 février 2005

Contact : louiscarlsj@yahoo.com