Par Johnny Fignolé
Lettre à son père, l’écrivain Jean-Claude Fignolé, décédé le 11 juillet 2017
Soumis à AlterPresse le 20 juillet 2017
J’ai toujours pensé que tu vivrais ETERNELLEMENT…
Peut-être ce fut du fait que dès mes premiers souvenirs du temps et des moments partagés…l’âge a toujours été pour nous un concept insignifiant. J’étais là tout bonnement, assis, marchant, parlant et plus particulièrement partageant, toujours en plein échange avec un Géant de l’Humanité…..
Pourtant je t’ai simplement appelé Papi ...
Peut-être ce fut la façon dont tu m’as introduit aux charmes de la mer, en insistant dès mon plus jeune âge que j’apprenne à diriger tous types de bateaux disponibles ... du « bwa fouyé » au yacht à moteur et tout ce qui s’y reliait.
Peut-être ce fut l’enchantement des provinces, où tu m’as exposé à la liberté et à la fraternité sans barrières ni obstacles.
Peut-être ce fut le fait que tu aies surpassé les convenances de la hiérarchie parentale traditionnelle en interagissant avec moi, un petit garçon, sur des questions et des sujets qui auraient dû être, selon d’autres, au-delà de ma compréhension et de mon âge. Tu as éliminé la dynamique « père-fils » et l’as remplacée par quelque chose de plus profond, pour définir notre propre conception du « nous » en dehors de celle d’une construction sociale.
Et malgré tout je t’ai toujours appelé Papi ...
Peut-être ce fut ton insistance obstinée avec un abandon téméraire à interdire toute notion de regret comme prix à payer pour la liberté pure, vraie et inviolable.
Peut-être ce fut la force de ta passion dans tes engagements envers la communauté et envers le pays à travers une optique clairvoyante de l’universalité.
Peut-être ce fut ta souffrance des trahisons observées dans le pays ... mais que tu n’as jamais permis d’atténuer tes croyances ou tes actions au nom du pays.
Peut-être ce fut ta maîtrise absolue du mot, qu’il soit écrit ou oral, qui te donnait une capacité étonnante de faire et défaire, mais avec laquelle tu as plutôt choisi d’enseigner, de construire et d’inspirer tout simplement.
Peut-être ce fut le ton particulier, ce « boom » de ta voix qui a toujours trahi tes émotions les plus profondes, notamment la ferveur avec laquelle tu accueillais un ami.
Peut-être ce fut l’aisance naturelle et l’extrême simplicité avec lesquelles tu dominais les milieux sociaux, non seulement par ta présence mais tout aussi fortement par ton absence.
Mais maintenant, je m’entends crier ... OU ES-TU PAPI ?
Peut-être ce fut du fait que tu ne m’as jamais laissé croire que je suis né mieux que quiconque. L’énergie primitive a la base de tout instinct humain n’était autre qu’universellement contraignant, commun à tous et intrinsèquement divine. Pourtant, l’encouragement constant était de m’efforcer à atteindre l’excellence dans tous les domaines, à tous les niveaux, même dans les quêtes les plus triviales. « Rien de moins » disais-tu toujours ... "ne pourrait jamais être accepté d’un Fignolé".
Peut-être ce fut aussi la qualité de ta réputation, de notre réputation, que tu as si précieusement gardées. Tout en t’éloignant, malgré tout, de toute notion de vanité ou même d’un soupçon de narcissisme.
Peut-être ce fut la contradiction dans la façon dont tu as soutenu obstinément et poursuivi sans relâche les idéaux et les principes les plus élevés. En même temps, toi, oui toi, la légende et mon héros ... tu as néanmoins, par occasion, été victime de certains vices les plus elliptiques de l’être humain.
Peut-être ce fut la différence entre l’immensité de ton personnage public et ta soif inextinguible d’intimité et de solitude.
Peut-être que maintenant, alors que les milliers de vies que tu as pu toucher, que tu as inspirés, rendent hommage à la connaissance, au degré d’esprit, et à l’âme que tu as incarnée...
Peut-être que maintenant que je me tourne vers Saint Augustin pour des mots de réconfort ...
Je comprends et je t’aime ... t’es éternel Papi.