P-au-P., 7 fev.05 [AlterPresse] --- Malgré les craintes qu’on pouvait avoir en matière de sécurité en raison de la volatilité de la situation à Port-au-Prince ces derniers mois, le premier jour gras a été dans l’ensemble un test réussi pour le Comité du carnaval 2005 en terme de participation populaire. Il a en effet attiré des dizaines de milliers de personnes.
Les appréhensions en matière de sécurité étaient perceptibles au niveau des autorités haïtiennes qui ont dû modifier le parcours du carnaval. Cette manifestation culturelle a démarré devant le stade Sylvio Cator en lieu et place du boulevard La Saline, un quartier sensible.
Pour tenter apparemment de rassurer les carnavaliers, le Premier ministre Gérard Latortue et la ministre de la culture et de la communication Magalie Comeau Denis se sont montrés sur le parcours avant l’ébranlement du défilé. Ils étaient escortés de plusieurs agents de la MINUSTAH et membres de leur sécurité rapprochée. De nombreuses personnes hésitaient quelque peu à faire le déplacement. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que la participation allait être massive.
On ne dispose pas encore de bilan précis pour ce premier jour gras en terme d’incidents enregistrés sur le parcours. Mais en dehors du parcours, des tirs nourris en provenance du quartier chaud du Bel-Air ont suscité un mouvement de panique parmi les carnavaliers. Ces coups de feu coïncidaient avec un concert de feux d’artifices pour égayer l’ambiance au Champ de Mars. Après cette panique, qui a été de courte durée, les carnavaliers allaient se regrouper pour poursuivre l’ambiance jusqu’à l’aube.
Par ailleurs, une échauffourée a éclaté vers 21 heures ce 6 février entre un groupe de policiers et des anciens militaires présumés, faisant quatre morts parmi les agents de la police haïtienne. Quoique divulgué peu après par une radio privée haïtienne, cet incident n’a pas eu d’incidence sur la poursuite du défilé carnavalesque.
Quant à l’organisation du carnaval à proprement parler, le Comité du carnaval 2005 a peu ou prou honoré ses promesses sur le plan des couleurs, des déguisements et des masques. Depuis quelques années, le carnaval de Port-au-Prince tendait à perdre de son originalité, devenant un simple espace de défoulement. Il était donné également à voir à l’occasion du premier jour gras pas moins de douze chars allégoriques avec des motifs intéressants. Néanmoins, ces chars allégoriques circulaient souvent seuls, sans accompagnement musical. Ce qui a nui quelque peu à l’harmonie et à l’entrain recherchés. L’empressement du Comité du carnaval à faire démarrer le défilé à l’heure convenue explique vraisemblablement cette lacune. Prévue pour débuter à quatorze heures (heures locales), le défilé a en fait commencé à 15 heures 30.
Le carnaval 2005 bénéficie de la participation d’une quinzaine de groupes électroniques (chars musicaux) dont les principaux ténors de la musique populaire haïtienne. Les meringues sont pour la plupart assez entraînantes. D’un groupe à l’autre, les textes explorent la fantaisie, la polémique et l’engagement, mais ne tiennent pas forcément compte du thème officiel du carnaval « Mon passé m’appartient ».
Le carnaval 2005 coûte à l’Etat haïtien soixante-dix millions de gourdes (2 millions de dollars américains).
Le carnaval est très faiblement sponsorisé cette année par le secteur privé des affaires. Pour cause, un nombre limité de stands est constaté au Champ de Mars, moment important sur le parcours du carnaval. Des voix s’étaient élevées au niveau de ce secteur contre l’organisation de ces festivités cette année en raison de la morosité économique. Chaque année, les haïtiens manifestent toujours de l’engouement pour cette fête populaire qui paraît pour eux « non négociable » malgré les aléas de la conjoncture.
Les périodes carnavalesques donnent généralement lieu à des propositions et plaidoyers pour la mise en place d’un comité permanent devant plancher sur la planification et l’organisation du carnaval pour en faire une activité rentable pour l’Etat haïtien. Ces remarques d’observateurs avisés sont souvent récupérées par les autorités successives à des fins démagogiques, laissant la voie libre à l’improvisation dans le domaine. [vs apr 07/02/05 11:40]