Par Websder Corneille et Kensly-Carl Olibrice
Soumis à AlterPresse le 4 juillet 2017
En temps de crise ou de catastrophe, la pensée première consiste à se rallier à la cause des personnes en situation de détresse. Une démarche, en effet, logique puisque la compassion éprouvée à la souffrance immédiate de l’autre n’a jamais été une fatalité. Dans la foulée, nous reconnaissons une certaine importance du travail des acteurs humanitaires immédiatement après les catastrophes. Cela a permis, dans l’urgence, à des milliers de personnes affectées de sauver leur peau, d’éviter une plus grande désolation, par exemple, des catastrophes sanitaires qui infligeraient davantage le virus improbable de la mort imminente aux victimes.
Néanmoins, certaines fois ceux qui s’animent de la « volonté civile » de se reconvertir en acteurs de bonne volonté, se révèleront, dans des cas précis, incapables de répondre aux exigences de l’heure, à combler le manque d’origine. Comme le veut la logique, le bienfaiteur est le premier bénéficiaire de son humanité, même s’il est animé du plus noble esprit philanthropique, possédant les capacités réelles d’intervenir lors d’une catastrophe.
Sans forcer les choses, après l’abattage du cyclone Matthew en octobre 2016, parmi les organes caritatifs qui recourraient à l’appel du don, d’aucuns n’ont pas su témoigner de l’efficacité nécessaire à la matérialisation de leur objectif premier : sauver des vies. Par délicatesse, on attribue assez souvent la faute au gouvernement qui, à défaut d’exercer son autorité juridique comme preuve manifeste d’accompagnement légal aux organismes d’entraide, et ne se conduit pas forcément en vrai copilote pour le décollage et l’atterrissage. C’est ainsi qu’on a pu recenser un ensemble d’actions exécutées de manière incongrues, assorties d’une méconnaissance patente du terrain d’exécution.
Aujourd’hui, l’observation de la situation chaotique post-Matthew nous amène encore à penser à un probable assistanat tributaire de cette même logique qui n’atteignait pas encore son point de mire. Et ce n’est pas indécent de se questionner à cor et à cri sur la faiblesse de l’Etat haïtien qui expose son incapacité à accompagner et réhabiliter les victimes après hécatombe. Ce qui confère aux organismes de bénévoles toute la latitude de s’exercer en temps et lieu. Toutefois, le plus dur à signaler, et c’est l’objectif de notre propos : « les nécessiteux sont, à chaque fois, victimes d’une d’exhibition impropre que leur proposent les faiseurs de don ». Dans ces instants précis, l’exercice de l’humanitaire, du latin humus, se voue à des contradictions d’ordre humanitaire. Comme quoi, l’expression Partir en humanitaire se traduira, en équivalence, à Revenir avec l’image de l’abjecte, de l’exhalaison fétide du chaos existant chez l’autre.
Nous dénonçons cette stratégie manipulatoire qui s’établit comme un geste avaricieux consistant à exposer à la face du monde la misère de celles et ceux qui appellent au secours ; et dans des cas précis qui n’ont effectué aucun appel en leur voyant exploiter sans ambages. Pour comprendre un tel geste, l’on pourrait se référer à la logique du trafic d’influence que fixe depuis toujours la caméra de l’aide humanitaire. Le respect du pain amassé même dans l’insalubrité, exige un minimum d’honnêteté et d’éthique de conviction.
Comme l’a dit savamment E. Morin : « tout geste de solidarité fait aussi du bien à celui qui l’accomplit ». Du coup, il est à se questionner du nombre de produits qui sont écumés de tous ces organismes d’immédiateté. Combien en sont réellement redistribués aux personnes concernées et affectées ? Alors, si les dons surgissent de la volonté persistante de partager chez l’autre (altérité), comment s’arroger le droit de les distribuer avec un appareil photographique à la main pour pulluler chaque prise de vue sur tous les fronts ? Nous dénonçons avec rigueur extrême cette démagogie sous le couvert de la sensibilité humaine qui consiste à photographier et mémoriser la misère sous un jour triste pour jouir de la sympathie du plus grand nombre.
Nous en appelons de tous nos vœux à la réforme de l’idéologie du don. Il faut dévier la mise en scène individuelle et consentir uniquement des efforts à subvenir aux besoins de ceux qui s’y trouvent en zone d’inconfort. L’aide humanitaire doit prendre en compte le « principe de la qualité et de la redevabilité » qui implique la reconnaissance des droits fondamentaux des destinataires d’actions humanitaires. En ce sens, nous exigeons surtout le respect du droit des enfants que leur piétinement constitue une violation fragrante et infamante contre son présent et son avenir (son évolution personnelle et collective).
Nous dénonçons également avec fermeté tout élan de rentabilisation qui déboucherait, à juste titre, sur une paupérisation ou sur une exploitation douce des conditions défavorables des personnes en situation de vulnérabilité, à l’instant. Nous croyons fermement que l’appel humanitaire doit freiner toute envie de constituer un paraitre, individuel ou collectif, pour ceux qui apportent que ceux qui en bénéficient allègrement.
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