P-au-P., 2 févr. 05 [AlterPresse] --- Un gouvernement remanié doit être investi le 3 février à Port-au-Prince, après quelques changements opérés au sein du cabinet ministériel, au lendemain de l’annonce par le Conseil Electoral Provisoire des dates retenues pour les prochaines élections locales, municipales, législatives et présidentielles.
Reportée à la dernière minute, l’investiture était prévue pour le 1er février au palais national et devait consacrer la perte de leurs postes par deux ministres (Yvon Siméon, Affaires étrangères et Danielle St-Lot, Commerce), la mutation d’un autre (Hérard Abraham, de l’Intérieur aux Affaires étrangères) et l’entrée de deux nouvelles têtes dans le cabinet (Marie-Claude Bayard, Commerce et Michel Bernardin, Intérieur).
Cette décision annoncée dans les médias depuis la semaine dernière souffrirait encore de quelque hésitation. Malgré le fait qu’elle soit rendue publique, des investigations sont en cours pour vérifier le statut de l’un des titulaires nouvellement nommés, selon ce qu’a fait savoir Michel Brunache, Chef du cabinet du président provisoire. Il n’a pas voulu apporter plus de précision.
De toute façon, ce remaniement ministériel, intervenu 3 mois après celui d’octobre 2004, ne semble pas convaincre tous les secteurs sur sa nécessité. Dans des milieux politiques ainsi que d’autres sphères de la vie nationale, des acteurs ont qualifié ce changement de « cosmétique ».
Des responsables politiques ont cru même déceler un certain malaise au sein du gouvernement du Premier Ministre Gérard Latortue, qui n’a pas encore pu délivrer, selon eux, les résultats attendus.
Le changement de Danielle St-Lot au Commerce, a suscité le plus de commentaires. Des secteurs patronaux ont laissé entendre que St-Lot brillait par son dynamisme et se sont montrés surpris, même si elle a été remplacée par la Présidente de l’Association des Industries d’Haiti (ADIH).
Il y a eu beaucoup moins de commentaires à propos du changement intervenu à la chancellerie haïtienne, qui a eu a gérer ces dernières semaines des questions problématiques, notamment un conflit au sein de la représentation diplomatique haïtienne à Genève et récemment, un dossier d’extradition de 3 dignitaires du régime de l’ancien Président Jean Bertrand Aristide, réfugiés en République Dominicaine.
Le pouvoir a justifié les changements au sein du gouvernement par la nécessité de le dynamiser et d’assurer sa neutralité à 10 mois des élections fixées pour les 9 octobre (locales et municipales), 13 novembre et 18 décembre prochains (premier et deuxième tours des législatives et présidentielles).
Dans des interviews à plusieurs médias, Michel Brunache a souligné l’utilité d’ « émonder » pour ne pas risquer de voir s’installer de mauvaises habitudes, à la veille du lancement des opérations électorales. Le décret officiel est attendu sous peu.
La réalisations des prochaines élections représente le principal objectif de cette administration provisoire qui doit remettre le pouvoir le 7 février 2006 à un Président élu entouré des institutions requises par la constitution haïtienne (Chambre des députés, Sénat, Collectivités territoriales, Conseils municipaux et locaux).
Cependant, au-delà de l’objectif électoral, qui mobilise l’attention des secteurs politiques, d’autres impératifs demeurent incontournables et des résultats concrets sont toujours attendus par la population.
Sécurité et environnement
Lors du remaniement d’octobre 2004, l’administration du Président Boniface Alexandre reconnaissait elle-même que « la sécurité est une priorité essentielle pour la réussite de la transition » et mettait l’accent sur « la nécessité de mieux encadrer les forces de sécurité nationale ».
Il est vrai que l’intensité des actes de violence surtout dans quelques quartiers populaires de Port-au-Prince a diminué, mais les foyers demeurent et sporadiquement on assiste à des flambées. Ce 1er février encore, au centre et dans le secteur Nord-est de la capitale, la panique a régné suite à des tirs nourris, l’incendie de plusieurs voitures et des tentatives d’incendie de plusieurs maisons.
Visiblement, l’opération armée lancée le 30 septembre en faveur du « retour physique » en Haïti de l’ancien Président Jean Bertrand Aristide (faisant plus de 150 morts), n’a pas cessé, malgré l’opinion émise par le Président du sénat lavalas non fonctionnel, Yvon Feuillé, selon lequel les conditions actuelles ne permettent pas un retour d’Aristide, réfugié en Afrique du Sud.
Parallèlement, les militaires démobilisés sont toujours en arme dans plusieurs régions du pays et maintiennent leurs revendications concernant la reconstitution de l’armée dissoute par Aristide en 1994. L’opération de dédommagement des militaires démobilisés, débutée en décembre 2004, n’a apparemment rien changé au projet des anciens membres des Forces Armées d’Haïti (FADH).
La question de la sécurité et du rétablissement du calme sur tout le territoire haïtien, indissociable d’une initiative de désarmement, demeure un défi, au moment où la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTAH) affirme disposer des moyens nécessaires pour accomplir son mandat (notamment un effectif d’environ 6.000 militaires et plus de 1.400 policiers).
D’autre part, l’arrêté présidentiel d’octobre 2004 soulignait la nécessité de « reprise en main de l’environnement en vue de prévenir les catastrophes naturelles ». Là encore, des actions concrètes se font attendre, malgré une mobilisation sans précédent de la solidarité internationale, suite aux dernières inondations qui ont frappé le Nord du pays, faisant près de 3.000 morts et disparus.
Les habitants des Gonaives, ville la plus touchée, ne finissent pas de clamer leur insatisfaction et leur frustration, au point qu’ils ont perturbé, le 1er janvier 2005, la célébration officielle, là -bas, du 201ème anniversaire de l’indépendance d’Haïti, en présence du Chef de l’Etat provisoire et du Premier Ministre.
Sur un plan général, une politique de prévention des catastrophes naturelles, impliquant directement le Ministère de l’Intérieur, celui de l’environnement et celui de l’Agriculture, ne s’est pas encore dessinée.
Economie : quelques points marqués, maisÂ…
Le gouvernement d’octobre, en droite ligne de celui de mars 2004, parait marquer des points au niveau économique et financier. Les grands travaux de la route de Carrefour (sortie Sud de Port-au-Prince) ont été lancés avec l’aide de la communauté internationale, en particulier le Canada. Un accord vient d’être signé ce 1er février pour le lancement de la reconstruction d’une partie de la route nationale du Nord, avec les fonds du trésor public (environ 15 millions de dollars).
Ces fonds ont été dégagés suite à la conduite d’une politique économique qui a permis d’augmenter les recettes de l’Etat, de maintenir la stabilité de la monnaie nationale (35 gourdes pour 1 dollar US) et d’obtenir au début de l’année un décaissement de 73 millions de dollars de la Banque Mondiale, qui avait gelé depuis 2001 tout engagement en faveur d’Haïti.
Mais, le sacrifice consenti (paiement de 52 millions de dollars d’arriérés et de services de la dette) a soulevé la grogne de secteurs sociaux anti-néolibéraux qui ont souligné le paradoxe de la décision gouvernementale, quelques mois après plusieurs grandes catastrophes naturelles et en attente d’un milliard de dollars promis par la communauté internationale en juillet 2004.
D’autre part, les familles n’ont pas encore perçu au niveau de leurs dépenses quotidiennes, les bienfaits des mesures adoptées par le gouvernement. D’ailleurs une flambée des prix de produits de première nécessité a encore été observée au début de l’année.
Par exemple, le prix du riz, qui entre dans la composition alimentaire quotidienne des citadins en Haïti, a plus que doublé, passant d’environ 75,00 gourdes à environ 175,00 gourdes.
A la croisée d’attentes plurielles
Au-delà de la question électorale, le gouvernement est donc appelé à produire des résultats et se trouve à la croisée d’attentes plurielles (dans certains cas contradictoires), certainement d’ordre politique, mais également d’ordre économique et social.
Les secteurs à satisfaire sont divers, tant au niveau du pays que de la communauté internationale. Les enjeux ne sont pas minces, d’autant que le temps qui reste à courir est limité. [gp apr 02/02/2005 00:15]
Liste des Ministres et Secrétaires d’Etat
Ministres
Hérard Abraham --- Affaires Etrangères, des Cultes
Bernard Gousse --- Justice et Sécurité Publique
Michel Bernardin --- Intérieur et Collectivites territoriales
Henry Bazin --- Economie et Finances
Roland Pierre --- Plan, Coopération Externe
Philippe Mathieu --- Agriculture, Ressources Naturelles et Développement Rural
Marie-Claude Bayard --- Commerce, Industrie et Tourisme
Fritz Adrien --- Travaux Publics, Transports et Communications
Pierre Buteau --- Education Nationale, Jeunesse, Sports et Education Civique
Magali Comeau Denis --- Communication et Culture
Josette Bijoux --- Santé Publique et Population
Pierre Claude Calixte --- Affaires Sociales
Adeline Magloire Chancy --- Condition Féminine
Alix Baptiste --- Haitiens Vivant à l’Etranger
Yves André Wainright --- Environnement
Secrétaires d’Etat
Frantz Léandre --- Jeunesse, Sports et Service Civique
Lemercier Georges --- Finances et Affaires Economiques
David Bazile --- Sécurité Publique
Paul Berne --- Jeunesse, Sports et Education Civique
Jaunasse Elysée --- Mines, Energies et Télécommunications