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Retour sur la commémoration de la Journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes

Haiti : Les revendications des mouvements de femmes dans les Nippes

Par Danièle Magloire*

Soumis à AlterPresse le 19 avril 2017

Kay Fanm a commémoré le 3 avril, Journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes, à Petite Rivière de Nippes. La mobilisation a été organisée par RAFANIP (Rasanbleman fanm Nip /Rassemblement des femmes des Nippes), un groupe constitué en juillet 2005 et affilié à Kay Fanm. L’activité qui s’est tenue le dimanche 2 avril a bénéficié du soutien de la mairie.

350 femmes ont pris part à la célébration de cette date symbolique. Ces déléguées de groupes féminins étaient issues des villes de Miragoâne et de Petite Rivière ainsi quede 8 sections communales du département des Nippes : Abraham, Bézin, Cholette, Duparc, Dufour, Fond des lianes, Silègue, Nan Maré.

Une marche a été organisée dans les rues de Petite Rivière. Sur les pancartes on pouvait lire les slogans exprimant les revendications des femmes :

Leta vire gade fanm nan Nip siklòn Matye lage nan kouri / Responsables étatiques pensez aux femmes des Nippes qui ont été victimes de l’ouragan Mathieu ; Pa gen demokrasi san konsiderasyon pou pawòl fanm yo /Pas de démocratie sans prise en compte des femmes ; Chanm sena ak depite, pran men nou pou jistis ekonomik ak sosyal tabli nan peyi a /Le parlement doit prendre des dispositions pour garantir la justice sociale et économique ; Palman mete sou kote tout vye lwa k ap toupizi fanm /Le parlement doit abroger toutes les lois discriminatoires envers les femmes ; Nou bezwen bon jan lekòl klasik ak pwofesyonèl nan Nip /Nous réclamons de bons établissements scolaires et de formation professionnelle pour les Nippes ; Fanm yo bezwen bon jan swen sante/ Les femmes ont besoin de bons services de santé ; Fanm se sitwayèn, yo leve kanpe pou patisipe nan zafè politik peyi nou /Les femmes sont des citoyennes et se mobilisent pour participer aux affaires du pays ; Vye lide sou fanm, se lèt ak sitwon ak zafè chajman /Les stéréotypes et le sexisme sont des ennemies du changement ; Sispann mande fanm vann kò yo pou travay /Les femmes ne doivent plus être contraintes de vendre leur corps pour avoir le droit de travailler ; Lajistis mete kadejakè ak batè fanm anba kòd /La justice doit sanctionner les violeurs et batteurs de femmes. Une pancarte rendait également hommage à Magalie Marcelin, dirigeante de Kay Fanm décédée lors du séisme du 12 janvier 2010.

Une rencontre s’est ensuite tenue dans une église protestante. Les propos d’introduction ont été prononcés par la responsable de RAFANIP, Olémicia Jeanty. La mairesse de Petite Rivière, Cereste Cadet, a ensuite fait un discours dans lequel elle a souligné l’importance pour les femmes de continuer à s’organiser pour obtenir le respect de leurs droits. Elle a également indiqué des mesures sanitaires que la mairie mettait en œuvre dans le marché de la ville, malgré les faibles moyens alloués par l’État central aux petites villes. L’agronome Élie Lafortune, un collaborateur de RAFANIP, s’est ensuite exprimé pour saluer les luttes du mouvement des femmes, indexer le phénomène grandissant de la féminisation de la pauvreté et les manquements concernant la santé des femmes, en particulier en matière de dépistage des cancers du sein et de l’utérus. Il a présenté à l’assistance sa femme et ses enfants venus prendre part à l’activité. Cette première partie a été clôturée par l’intervention de la présidente d’ADIVAH (Association pour le développement intégral des valeurs haïtiennes), Carline Montas, qui a exhorté les femmes à continuer à faire connaitre leurs revendications.

La seconde partie de la rencontre a été introduite par la coordonnatrice de Kay Fanm, Yolette Andrée Jeanty, qui a fait un bref historique de l’association, fondée en juillet 1984, et de ses principales interventions en faveur des femmes et des filles, notamment en ce qui concerne la prise en charge pluridisciplinaire de celles qui sont violentées. Elle a également souligné l’importance de la transmission intergénérationnelle afin de garantir la relève dans le mouvement des femmes. Elle a ensuite présenté la délégation de Kay Fanm participant à la commémoration. Danièle Magloire, membre de la coordination de Kay Fanm, a ensuite prononcé une conférence qui a traité de l’histoire du mouvement des femmes en Haïti, en insistant sur la date du 3 avril et les défis actuels. Elle a rappelé que le 3 avril 2000 le journaliste Jean Dominique, directeur de radio Haïti Inter, avait été assassiné ainsi que le gardien de la station, Jean-Claude Louissaint. Les organisations féministes s’étaient mobilisées pour exprimer leur indignation et réclamer justice. 17 ans plus tard, la justice n’a toujours pas fait la lumière sur ces assassinats.

La dernière partie de la rencontre a été constituée par des prises de parole des responsables des groupes féminins qui ont insisté sur la situation du département des Nippes suite au passage de l’ouragan Mathieu. Kay Fanm avait manifesté sa solidarité en apportant un appui à la recapitalisation à 218 femmes issues de 3 communes : Miragôane, Paillant, Petite Rivière. Les subventions reçues ont été consacrées à l’agriculture, au petit élevage et au commerce.

Le déroulement de la rencontre a été ponctué par les chants engagés des femmes et de la musique patriotique.

* Sociologue, militante féministe