Par Jean-Claude DESGRANGES*
Comment aborder la question de l’amélioration des conditions sanitaires, qui sont de plus en plus précaires en Haïti ? Il faut certes agir sur la disponibilité des services de santé, mais les problèmes de santé peuvent-ils être résolus exclusivement par l’intervention médicale dans le cas haïtien ? Voici la problématique abordée dans cet article, rédigé à l’occasion de la journée mondiale de la santé du 7 avril, mais qui est de toute actualité.
Soumis à AlterPresse le 13 avril 2017
7 Avril, journée mondiale de la santé suivant les prescrits des Nations Unies, une manière de rappeler à la planète que la santé constitue l’un des droits fondamentaux de la personne humaine. 7 Avril, c’est tout aussi bien la commémoration de la mort de notre précurseur, à qui on avait légué des bandes, il en avait fait une armée, instrument décisif à la proclamation de notre indépendance et à la Fondation de l’État d’Haïti. Après deux siècles de notre vie de peuple, où en sommes-nous avec la promotion de l’un des piliers du développement durable : le système sanitaire ?
Le plus large segment de la population haïtienne vit dans des conditions sanitaires précaires lourdement aggravées depuis un certain temps par une pauvreté extrême. Les maladies infectieuses et virales vectorielles liées à l’insalubrité environnementale diminuent sensiblement notre espérance de vie et depuis quelques années une bonne partie de ceux qui y ont échappé souffrent de complications dangereuses et mortelles, de maladies dégénératives chroniques (diabète, hypertension, Cholestérol, Cancer).
Pour faire face à cette situation, des stratégies mixtes qui allient éducation, formation, participation communautaire et création d’organismes doivent être envisagées dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire.
Une politique, en effet, ne peut être efficace que si elle est appliquée à plusieurs niveaux et reçoit le soutien et la participation de toutes les entités concernées. Cette situation exigera de gros investissements durables dans les infrastructures de la santé publique. Cependant, l’amélioration du système, donc des conditions de santé de la population haïtienne, ne se fera pas uniquement par l’augmentation des budgets d’aide à la santé. Faire des progrès en matière de santé suppose des efforts qui vont bien au-delà de l’augmentation des services de santé car les problèmes de santé ne peuvent être résolus exclusivement par l’intervention médicale, particulièrement dans un pays comme Haïti.
Éducation sanitaire
L’éducation est un facteur essentiel de santé. Il est bien connu que les personnes les moins susceptibles d’être en bonne santé sont celles dont le niveau d’éducation est le plus bas.
L’éducation sanitaire est donc l’une des activités les plus déterminantes dans la promotion de la santé de la population. Assurer le droit à la santé et à l’éducation pour tous les enfants d’Haïti est la responsabilité de tous les Haïtiens. C’est un investissement que nous devons consentir si nous voulons offrir aux jeunes un avenir social, prospère et pacifique durable.
“La santé est principalement une construction sociale ; elle découle de l’interaction entre l’individu et son environnement au cours de la vie quotidienne : là où les gens vivent, s’aiment, apprennent travaillent et jouent.”
Par conséquent, ce que l’on définit comme la santé et la maladie, le bien-être et le mal-être, dépend de facteurs individuels et biologiques, mais aussi de l’environnement social et culturel dans lequel nous vivons et travaillons. « Éduquer, ce n’est pas seulement instruire ou informer. C’est faire adopter des attitudes nouvelles, c’est apporter le changement... ». Les programmes d’éducation à la santé doivent toucher le plus grand nombre de couches sociales. Il est donc essentiel que l’éducation sanitaire tienne compte des facteurs sociaux, environnementaux et économiques qui influent sur la santé des individus. Dans cette optique, l’éducation à la santé est principalement une démarche sociale et politique, et une composante principale du développement humain. C’est un art, l’art de convaincre les gens.
Éducation des enfants
L’éducation sanitaire d’un individu doit commencer dès son plus jeune âge.
Elle est en même temps un pré requis pour pouvoir jouir pleinement de tous les autres droits fondamentaux. Dans cet ordre d’idée, au curriculum de formation de chaque école devrait figurer un programme d’éducation à la santé et à la citoyenneté. Le milieu scolaire regroupe une population importante ayant ses propres caractéristiques, d’où la nécessité de développer un programme d’éducation sanitaire et de communication sociale adapté et répondant à des besoins spécifiques.
L’éducation sanitaire à travers les campagnes d’éducation pour la santé et de communication sociale doit occuper une place importante dans les activités de santé en milieu scolaire et doit devenir une préoccupation majeure de toutes les parties concernées par la protection de la santé en milieu scolaire. En conséquence les professionnels de la santé et ceux de l’éducation ainsi que les élèves eux-mêmes doivent être impliqués à toutes les étapes de préparation et de déroulement des campagnes d’éducation sanitaire.
Éducation des adultes
L’éducation des adultes joue un rôle important dans les stratégies actuelles de promotion de la santé car elle permet à l’individu d’améliorer ses conditions de vie et son bien-être en général, y compris son état de santé. La stratégie des soins de santé primaires, fondée sur la rencontre du développement social et du développement économique, requiert l’implication de la communauté et valorise la faculté des individus à prendre des décisions et à gérer leurs problèmes sanitaires.
Dans le secteur de la santé, l’évolution du concept d’éducation à la santé et l’apparition de la promotion de la santé en tant que nouvelle stratégie constituent la plus importante évolution pour l’éducation des adultes. L’éducation à la santé est passée d’une concentration exclusive sur le transfert d’information et l’adaptation du mode de vie individuel à la promotion de la santé, d’avantage axée sur les facteurs sociaux, économiques et environnementaux favorables à un mode de vie sain et à l’autonomie. Avec l’apparition de cette nouvelle conception sociale, l’éducation des adultes devient de plus en plus importante dans les politiques publiques de santé.
Alphabétisation sanitaire
La scolarisation universelle n’est encore qu’un vœu pieux qui tarde à se concrétiser. Partant l’éducation sur la santé ne peut pas se faire uniquement dans le cadre du milieu scolaire.
Un volet non négligeable est donc celui de l’éducation communautaire, non formelle.
L’expérience dans les pays tant en développement qu’industrialisés démontre que les programmes d’alphabétisation et d’éducation non formelle peuvent entraîner une nette amélioration de la santé et du bien-être en général.
“ L’alphabétisation sanitaire” est un nouveau concept. Elle est donc bien plus que la faculté de lire une information sur la santé ; elle inclut la capacité à utiliser cette information, la transformant ainsi en savoir. Plus une personne est qualifiée, plus elle a accès par exemple à l’information sur le VIH, son traitement et les moyens de l’éviter.
L’amélioration de l’accès à l’information et aux services ainsi que de l’alphabétisation sanitaire est donc décisive dans toute tentative de combattre une maladie. L’éducation la plus efficace est celle qui permet aux apprenants de prendre leurs décisions avec certitude et d’élargir leurs choix. Etre “alphabétisé à la santé” signifie aussi être autonome dans la vie quotidienne, donnant ainsi aux individus une plus grande assurance.
L’action communautaire
Une composante essentielle des politiques de promotion sanitaire est l’action communautaire. Les initiatives locales doivent être encouragées par l’apport de connaissances, d’informations et de mesures éducatives appropriées. L’expérience dans les deux domaines montre que l’éducation la plus efficace est celle qui part des préoccupations des apprenants, développe leurs propres initiatives et les rapproche dans une action de coopération. Conçue dans cette optique, la participation des communautés à la prise de décision et à la réalisation des programmes est indispensable.
La prévention
Dans un pays comme Haïti où la couverture sociale est pratiquement inexistante, où la situation économique s’est aggravée après le 12 janvier, et le passage dévastateur du cyclone Matthieu, les personnes malades doivent s’endetter pour se faire soigner ou mourir de leur pathologie. Il est évident que la solution principale à ce problème réside dans la prévention. C’est pourquoi nous croyons que les efforts doivent se concentrer sur l’éducation à la santé, tant au niveau individuel que collectif. Le concept d’éducation à la santé implique aujourd’hui une notion élargie de promotion sanitaire ainsi qu’un nouvel intérêt pour la prévention. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit trois niveaux de prévention :
La prévention primaire : Ensemble des actes destinés à diminuer l’incidence d’une maladie, donc à réduire l’apparition des nouveaux cas. En agissant en amont cette prévention empêche l’apparition des maladies, elle utilise l’éducation et l’information auprès de la population.
La prévention secondaire : Ensemble d’actes destinés à diminuer la prévalence d’une maladie, donc à réduire sa durée d’évolution. Intervient dans le dépistage de toutes les maladies et comprend le début des traitements de la maladie.
La prévention tertiaire : Ensemble des actes destinés à diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives dans la population, donc à réduire les invalidités fonctionnelles dues à la maladie. Agit en aval de la maladie afin de limiter ou de diminuer les
conséquences de la maladie et d’éviter les rechutes.
Dans ce stade de prévention les professionnels s’occupent de la rééducation de la personne et de sa réinsertion professionnelle et sociale. À ces trois niveaux s’ajoute un quatrième la prévention quaternaire qui se définit comme l’ensemble des actions menées pour identifier un patient ou une population à risque de surmédicalisation, le protéger d’interventions médicales invasives, et lui proposer des procédures de soins éthiquement et médicalement acceptables.
Dans une acception ancienne, la prévention quaternaire consistait en l’accompagnement du mourant. Promotion et éducation sanitaires visent toutes deux à améliorer l’accès à l’information sur la santé et aux services correspondants, afin que les individus acquièrent un plus grand contrôle sur leur santé et leur bien-être.
En réfléchissant sur cette problématique, nous voulons rester à l’écoute de ceux ou celles qui souhaitent partager leurs idées, leurs expériences, leurs savoir-faire.
De l’altruisme, nous en avons besoin !
Préserver le capital humain est un impératif sur lequel décideurs, bailleurs doivent se soumettre. En 2017, ne sommes nous pas condamnés à voir accéder le plus grand nombre de nos compatriotes à une vie moins insoutenable au droit le plus élémentaire reconnu par la déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, celui d’être en bonne santé , point de départ à chacun pour s’épanouir intellectuellement et contribuer au développement économique de notre bien commun : Haïti.
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* MD. F.A.G.S
Président de la Fondation du Troisième Ȃge
Contact : jcdesgranges77@yahoo.fr