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Sans justice, la blessure de la dictature des Duvalier en Haïti restera ouverte

Cérémonie d’hommage à la mémoire des disparus dans le Nord du pays

Par Jean Élie Paul, envoyé spécial

Cap Haïtien, 30 mars 2017 [AlterPresse] --- La blessure laissée par la dictature ne sera jamais cicatrisée tant qu’il n’y aura pas de justice pour les personnes disparues, dans toutes les zones du Grand Nord, Fort Liberté et Ouanaminthe (Nord-Est), estime Marie Marguerite B. Clérié, présidente de la Fondation Devoir de Mémoire-Haïti.

Elle s’exprimait lors d’une cérémonie d’hommage, le samedi 25 mars 2017, au Cap-Haitien (Nord), en mémoire des victimes des massacres perpétrés dans le Grand Nord sous la dictature des Duvalier, observe l’agence en ligne AlterPresse.

Elle réclame des autorités de l’État la création d’un mausolée dans le Nord, afin que les familles des victimes puissent trouver un endroit où elles peuvent honorer la mémoire des personnes disparues.

Accompagnées d’une fanfare, plus d’une centaine de personnes se sont réunies au Gymnasium du Cap Haïtien, dans le cadre d’une cérémonie œcuménique, en mémoire de ces victimes, à l’initiative de la Fondation Devoir de Mémoire-Haïti.

Y étaient présentes plusieurs personnalités dont certaines ont perdu des proches dans ces massacres notamment la directrice du Centre œcuménique des droits humains (Cedh), Sylvie Bajeux et l’artiste Yves Médard (plus connu sous le nom de Rassoul Labuchin).

Des délégations provenant de Ouanaminthe et de Fort-Liberté ainsi que du musée de la mémoire et de la résistance en République Dominicaine ont fait le déplacement, en vue de rehausser l’éclat de cette activité emblématique.

C’était sur la place du Champ de Mars, appelée désormais Gymnasium du Cap Haïtien que Léger-Félicité Sonthonax avait proclamé la liberté des esclaves. C’était sur cette même place que Charlemagne Péralte était fait prisonnier et que François Duvalier procédait à des assassinats en public, rappelle Clérié.

Le changement de nom de cette place constitue, selon elle, un effacement de la mémoire des victimes.

Une procession organisée le samedi 25 mars, au son de la fanfare, a parcouru les rues en passant devant l’ancienne prison civile du Cap Haïtien où des plaques ont été déposées en mémoire des victimes.

Une partie de cet espace mythique et emblématique est abandonnée par les autorités de l’État.

La procession est parvenue au Collège Notre Dame du Cap Haïtien, où s’est tenue une exposition intitulée : « dictature et résistance » en mémoire des victimes du régime dictatorial des Duvalier.

« La Place du Champ de Mars et l’ancienne prison civile du Cap Haïtien, lieux de mémoire et de résistance, ont été inscrites au patrimoine national en date du 23 août 1995. Sous la dictature des Duvalier, cet espace était le lieu d’exécution publique, instrumentalisée expressément pour punir les opposants ou supposés tels », souligne Dominique Franck Simon, membre fondateur de Devoir de mémoire.

Ces lieux visaient à épouvanter la population et lui porter à accepter de subir la négation de ses droits dans la peur, ajoute-t-il.

René Lapommeray (arrêté en octobre 1969), qui a passé 7 ans à la prison civile du Cap Haïtien sous la dictature duvaliériste, a accepté de raconter ses déboires.

Dans chaque cellule, il y avait au moins cinq prisonniers. Leurs traitements variaient en fonction du commandant de la prison, relate-t-il.

Au cours de la nuit, un camion à ordures transportait « des prisonniers politiques » morts dans ces geôles, pour les jeter dans le fort Saint-Michel au Cap Haïtien, rapporte l’avocat Henry Leconte.


[jep emb gp apr 30/03/2017 22 :00]