Par Nancy Roc
Soumis à AlterPresse le 8 mars 2017
Le thème 2017 de la Journée internationale des femmes du 8 mars était « les femmes dans un monde du travail en évolution : pour un monde 50-50 en 2030 ». La célébration organisée par les Nations Unies ce 8 mars appelait tous les acteurs à franchir le pas pour l’égalité entre les sexes pour un monde 50-50 d’ici 2030, en faisant en sorte que le monde du travail accueille toutes les femmes.
En Haïti, ce but ne sera certainement pas atteint puisque les femmes sont toujours secondaires dans tous les secteurs, dont l’économie, la santé, le travail, la justice, l’éducation et les processus décisionnels, indique le Rapport sur la situation des Droits de la femme Haïtienne, soumis au Conseil des Droits Humains des Nations Unies en 2016 » [1]. Ce Rapport souligne que « la démarcation d’une zone féminine centrée sur le foyer, et d’une zone masculine centrée sur les affaires publiques, explique le contexte favorable à la discrimination contre les femmes à l’égard de l’accès à la justice, aux services étatiques, et à la participation politique. Ce sont des zones développées et réservées pour les hommes, et qui maintiennent l’exclusion des femmes par des actes de discrimination », et les femmes haïtiennes continuent à subir toutes sortes de discrimination « dans la famille, à la maison, au gouvernement, et au travail, les femmes ont continué à être stigmatisées dans les systèmes judicaire, policier et sanitaire, sans trouver de recours pour s’opposer aux injustices perpétrées contre elles ».
Une ratification du Code pénal toujours en suspens
Ce Rapport souligne la nécessité d’adopter des mesures préventives à l’égard de la discrimination contre les femmes de façon à assurer la protection intégrale des droits des femmes, et à arriver à l’éradication du problème de la violence contre les femmes en Haïti. Or cette violence, au lieu de régresser n’a fait qu’augmenter ces dernières années. « Le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle autre que le viol, l’inceste, les attouchements sexuels pour ne citer que cela, ont vu le jour, et se commettent quotidiennement dans notre société. Or, notre code pénal ne couvre pas ces formes d’infractions », lit-on dans le rapport. Quant aux viols, ils touchent désormais une tranche d’âge allant de 1 an à 80 ans dans la zone métropolitaine [2].
Les organisations féministes ont plaidé pour une révision du Code Civil, Code Pénal et Code d’instruction criminelle. Pour sa part, en 2015, le gouvernement a reconnu que l’élimination des lois discriminatoires devait être faite par la révision de ces codes, rappelle le rapport.
Le projet de loi du nouveau code pénal attend sa ratification depuis un an. Dans ce dernier, figurent de nombreuses nouvelles dispositions légales, dont celle pouvant rendre l’avortement finalement légal depuis 1845. Les organisations féministes ont-elles l’intention de consulter les nouveaux parlementaires pour activer cette ratification ? Pour Pascale Solages, militante féministe de l’organisation Nègès Mawon, « il y a tout un agenda que les organisations féministes et le Ministère à la Condition Féminine ont dans leur tiroir sur lequel les nouveaux parlementaires devront se pencher, des propositions de loi en souffrance au Parlement ». Elle ajoute que « la Sénatrice Dieudonne Luma était présente lors de la présentation du Plan National Révisé Contre les Violences Faites aux Femmes et aux Filles (2017-2021), par la Concertation Nationale Contre les Violences Faites aux Femmes et aux Filles. Elle a assuré son soutien et son accompagnement sans limite au Ministère et aux organisations féministes et organisations de femmes. Les quatre femmes élues ont été reçues par la Ministre, Marie Denise Claude et prévoient déjà des séances de travail avec les différentes institutions. Elles sont sensibilisées et concernées par la cause des femmes et manifestent un réel intérêt pour mener le combat dans les deux chambres. Maintenant, il faut passer à l’action et maximiser les atouts que ces femmes peuvent représenter au Parlement pour faire avancer les dossiers en souffrance depuis plusieurs années et faire de nouvelles propositions. Nous sommes persuadées de pouvoir compter sur leur appui ; sinon il faudra remplir notre rôle de groupe de pression pour obtenir des résultats ». Pas de grands changements prévus à l’horizon donc, et les femmes haïtiennes, malgré des avancées d’émancipation en matière de principes et de loi, ont encore un long combat à mener.
Du côté de la législation, dans un panel organisé ce 8 mars par le Mouvement organisé de citoyens pour l’intégration et le développement (Mocide), Dilia Lemaire, membre du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire a relevé un ensemble de discriminations contre les femmes dans certaines lois notamment l’article 213 du code civil de 1825 qui, contrairement à l’homme, n’autorise à la femme mariée, divorcée ou veuve par la suite, de contracter « un second mariage qu’après une année révolue depuis la dissolution du mariage précédent » [3]. Me Lemaire souhaite que les parlementaires réfléchissent sur cette question de « délai de viduité ». Pour ce faire, une lettre a été acheminée au Parlement par le Mouvement de la femme haïtienne pour l’éducation et le développement dont elle est membre.
Un discours misogyne et dangereux
Le président américain, Donald Trump, a démontré en maintes fois, sa misogynie. A propos des femmes, il a déclaré : « Il faut les traiter comme de la merde. » [4] La misogynie de Trump est d’une telle notoriété publique que la presse engagée aux Etats-Unis l’a qualifié de « dinosaure sexiste déchaîné » qui « hait les femmes autant qu’il adore l’argent » [5]. Aussi, malgré la Marche des femmes le 21 janvier dernier et la résistance qui s’amorce aux Etats-Unis, il est à redouter que la cause des femmes et la parité reculent dans les quatre années à venir.
En Haïti, l’ex-président Michel Martelly, a encore exprimé son mépris des femmes, tant le 9 février lors d’une émission sur les ondes de Radio Caraïbe, qu’au Carnaval où ses propos obscènes et malsains envers la journaliste Liliane Pierre Paul ont démontré son sexisme récidiviste. La question aujourd’hui est de savoir comment le discours du président Martelly peut influencer le comportement des Haïtiens à l’égard des femmes. « Que ce soit le comportement de l’ancien président ou de tout homme faisant figure d’autorité qui, dans son comportement, ses actions ou ses mots, dénigre les femmes, c’est une porte ouverte pour augmenter les violences à l’égard de celles-ci dans la société », répond Pascale Solages. Pour la militante féministe, « le patriarcat trouve son essence dans le pouvoir. La domination et l’image de ces hommes de pouvoir influent beaucoup sur les rapports que les autres hommes de la population vont développer avec les femmes. Si nous nous rappelons le cas d’un homme du pouvoir accusé de harcèlement qui a tout simplement eu un changement de poste le transférant a l’étranger avant de revenir après quelques temps à la Primature. L’enquête n’a jamais avancé et la victime a dû s’exiler. Nous nous rappelons du comportement de notre ancien président à Miragoâne et les propos dégradants qu’il n’a cessé de proférer tout au long de son mandat envers les femmes. Nous devons rappeler que ces hommes font figures de modèle à suivre et que les résultats de l’impunité envers leur comportement ne peuvent que conforter les autres hommes à suivre leurs exemples ».
Là encore, la parité n’est non seulement pas encore de mise en Haïti, mais elle ne peut être une priorité avant l’élimination de la violence faite aux femmes, qu’elle soit physique ou verbale.
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Photo : Sephora Monteau
Campagne "Mwen Pap Konplis", en novembre 2016, dans le cadre des activités pour la Journée Internationale pour l’Elimination de la Violence a l’egard des Femmes.
[1] Rapport sur la situation des Droits de la femme Haïtienne, Présenté par la Coalition : Femmes Combattante Avisées Pour le Développement d’Haiti (FEMCADH) Komisyon Fanm Viktim pou Viktim (KOFAVIV) Mouvman Òrganizasyon Fanm Aktiv Sodo (MOFAS) Gender Action, 24 mars 2016.
[2] Nancy Roc, Haïti : Comprendre et rejoindre le mouvement « La Marche des Femmes », Le National, 22 janvier 2017.
[3] Worlgenson Noel, Journée internationale de la femme : Mirlande Manigat, Dilia Lemaire et Mona Jean recommandent, Le Nouvelliste, 8 mars 2017.
[4] Nick Gass The 15 most offensive things that have come out of Trump’s mouth. www.politico.com 12/08/15.
[5] Pauline verduzier, Donald Trump, "dinosaure sexiste" multirécidiviste, Madame le Figaro, 10 aout 2015.