Par Nancy Roc
Soumis à AlterPresse le 8 mars 2017
Cette année, l’Organisation des Nations-Unies a choisi comme thème pour la Journée internationale des femmes du 8 mars, « les femmes dans un monde du travail en évolution : pour un monde 50-50 en 2030 ». La célébration, organisée par les Nations Unies le 8 mars, rappelle à tous les acteurs de franchir le pas pour l’égalité entre les sexes pour un monde 50-50 d’ici 2030, en faisant en sorte que le monde du travail accueille toutes les femmes.
Mais en 2017, les femmes risquent de ne pas être là où on les attend d’habitude. En effet, avec l’accession de Donald Trump et sa misogynie notoire, en ces temps de répression à travers le monde et galvanisées par la Marche mondiale des femmes, le 21 janvier dernier, des organisations de femmes de 50 pays ont lancé le pari de la Grève internationale des femmes.
Le mercredi 8 mars 2017, ces organisations coordonnent leurs actions communes pour répondre à la violence « sociale, légale, politique, psychologique et verbale que les femmes subissent sous différentes latitudes. Si nos vies ne valent rien, produisez donc sans nous ! », proclame le site qui recense les diverses mobilisations prévues aujourd’hui.
De la #WomensMarch à la #WomensStrike
On ne cessera jamais de répéter que le 8 mars, n’est pas une journée ou l’on fête les femmes mais c’est la journée internationale de lutte pour les droits de celles-ci. C’est un cri de ralliement ; l’occasion de réfléchir et progresser vers l’égalité des genres et l’autonomisation de toutes les filles et les femmes. Or, aujourd’hui, non seulement leurs droits sont encore bafoués à travers le monde, mais « seules 50 % des femmes en âge de travailler font partie de la main-d’œuvre mondiale contre 76 % pour les hommes », souligne ONU Femmes [1] « En outre, une très grande majorité de femmes travaille dans l’économie informelle, les soins subventionnés et les tâches domestiques et exercent des activités peu rémunérées et peu qualifiées, ne bénéficiant que d’une très faible, voire d’aucune, protection sociale. L’égalité entre les sexes dans le monde du travail est un impératif du développement durable », précise l’organisation onusienne.
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler, partout dans le monde, mais leur puissance en montée dans l’emploi n’est pas accompagnée de droits supplémentaires. Bien au contraire ! Aujourd’hui, dans les pays développés, les femmes gagnent en moyenne 23% de moins que les hommes à l’échelle mondiale, nous rappelle l’Union européenne. Au rythme actuel, il faudra 70 ans pour résorber les écarts, estime l’Organisation internationale du travail, OIT [2]. L’horizon 2030 que s’est fixé l’ONU parait, dès lors, utopique.
Ainsi, pour la 40ème Journée internationale des droits des femmes, des milliers d’entre elles vont passer de la prise de conscience à l’action. Si Donald Trump a déclaré à propos des femmes « il faut les traiter comme de la merde » [3], le 8 mars, est donc « un jour sans femmes ». Que se passera-t-il si les femmes cessent au même moment toute activité, au travail et à la maison ? C’est ce que les hommes dans le monde constatent le 8 mars 2017. Cette grande première a déjà mobilisé la plupart des grands medias occidentaux qui couvriront cette grève planétaire, en direct, sur cinq continents.
La première grève massive des femmes connue a eu lieu en Islande, le 24 octobre 1975. Ce jour-là, entre 90 % et 95 % stoppèrent leurs activités professionnelles, éducatives et domestiques, pour manifester contre la double journée de travail. Le pays fut paralysé et les hommes prirent conscience de l’importance du rôle des femmes dans tous les secteurs du pays. Aujourd’hui, malgré la persistance de certaines inégalités, l’Islande est en tête des classements mondiaux en termes de parité femmes-hommes.
Et Haïti dans tout cela ?
Le 21 janvier dernier les femmes du monde entier ont répondu à Trump en se mobilisant dans près de 75 pays. Pourquoi Haïti était-elle absente ? Tout en ne se présentant pas comme le porte-voix de toutes les organisations féministes haïtiennes, Pascale Solages, militante féministe de l’organisation Nègès Mawon, souligne que « participer à une telle manifestation mondiale nécessite une certaine préparation, des ressources, une bonne capacité de mobilisation mais aussi un intérêt pour tout ce qui, au-delà de nos frontières, peut menacer la lutte et les acquis féministes en Haïti. Il faudrait que d’abord, les Haïtiennes, féministes ou pas, comprennent la nécessité de s’investir dans des manifestations populaires qui visent le bien-être d’un collectif et de toutes les femmes, quel que soit leur niveau social, économique, d’éducation, leur appartenance politique et dans le cas du 21 janvier, l’endroit où elles se trouvaient dans le monde. Les femmes haïtiennes n’ont pas encore saisi à quel point les 5 prochaines années de Trump peuvent avoir des influences sur notre pays à tous les niveaux ».
Quant au 8 mars 2017, Haïti rate le coche car la militante féministe a avoué ne pas être au courant d’une participation haïtienne. Selon Pascale Solages, en Haïti, il faut aussi « prendre en compte la symbolique des manifestations aujourd’hui chez nous : l’hyper- politisation, le mercantilisme, la peur des représailles et de l’insécurité qui sont autant d’obstacles à une réelle mobilisation des Haïtiennes et des Haïtiens dans les rues, pour une cause ou pour une autre, pas nécessairement celle des femmes ».
Malgré tout, elle ne perd pas espoir : « aujourd’hui, il est impératif qu’il y ait un nouveau dialogue entre la population et les groupements féministes en Haïti. Les réalités ont changé donc le dialogue intergénérationnel est nécessaire, entre féministes avant tout mais aussi entre féministes et non-féministes pour une conscience de la réelle condition de la femme haïtienne et donc de la continuité dans le combat », conclut-elle.
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[1] Journée internationale des femmes 2017, ONU Femmes, http://www.unwomen.org/fr/news/in-focus/international-womens-day
[2] Sylvie Braibant, 8 mars 2017, Une journée internationale des droits des femmes sous le signe de l’appel à la grève mondiale, TV5 Monde, le 7 mars 2017.
[3] Nick Gass The 15 most offensive things that have come out of Trump’s mouth. www.politico.com 12/08/15.