Par Marc Antoine Archer *
Soumis à AlterPresse le 2 mars 2017
« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C’est être fier d’une victoire que les autres ont remportée. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. » (Saint-Exupéry)
J’ai été invité, cela fait à peu près 10 jours, à participer à une semaine d’activités qui débutera le lundi 6 Mars prochain, à l’Hôtel Marriott, pour finaliser le vendredi 10 Mars. Une semaine qui commencera par l’organisation d’une journée de « Dialogue sur l’Énergie », le 6 mars et qui se muera en Atelier sur le « Comptage, la Facturation et la Réduction des pertes électriques », du mardi 7 au vendredi 10 Mars. L’Observatoire de l’Énergie en Haïti, ObservEH, que j’ai l’honneur de présider, collabore avec l’Association Américaine de l’Énergie (USEA) à la mise en place de cette semaine, qui a pu se réaliser grâce au financement de l’Agence des États-Unis pour le Développement International, USAID. Généralement, ce genre d’invitation me pousse à la réflexion, sur la description de l’action et sa pertinence et sur les conséquences possibles (positives ou négatives) qui peuvent en découler, pour le secteur concerné en particulier et pour le pays en général. Ce séquencement me conduit, la grande majorité des fois, à l’élaboration d’une analyse que, cette fois, j’ai voulu partager avec vous à partir de ce texte.
En ce qui concerne la pertinence de l’action, parlons d’abord du « Dialogue sur l’Énergie » du 6 mars. Avoir vécu l’expérience du « Dialogue Citoyen sur l’Énergie » durant plus de 8 mois, durant lesquels tout un flot de professionnels d’horizons divers, de hauts Cadres de l’Administration Publique haïtienne, d’acteurs du secteur privé, de la Société Civile en général, se sont mis à réfléchir ensemble sur la meilleure façon de doter le pays, la société haïtienne d’une stratégie pour le secteur de l’énergie, d’une politique énergétique, adaptée aux différentes réalités du pays, me pousse à croire que l’existence ou la construction d’espaces de dialogue, de discussion, de réflexion et d’action, constitue une dynamique fondamentale pour l’avancement de la société. Le document final : Accord sur la mise en place d’une politique nationale de restructuration et de développement du secteur de l’énergie est tout un défi pour la société haïtienne et j’espère pouvoir collaborer à lui donner la plus large diffusion possible. Cet événement du 6 mars prochain rentre dans cette même logique et prétend offrir aux acteurs clés du pays, l’occasion de participer à un débat ouvert sur :
La Promotion de l’accès à l’énergie durable en Haïti ;
Le Développement de partenariats public-privé dans le secteur de l’énergie en Haïti ;
Les défis et les obstacles au développement de l’énergie durable en Haïti ;
Le rôle du gouvernement et du secteur privé dans l’utilisation de l’énergie pour la croissance économique d’Haïti et la création d’emplois.
C’est donc une bonne chose et je crois qu’il est bon et pertinent, actuellement en Haïti, dans certains secteurs clés tels l’énergie ou le transport, de créer des espaces ouverts à la participation, des espaces de dialogue spécialisé et centré sur l’obtention immédiate de résultats.
Dans le cas de l’atelier, je crois que si l’on interroge 100 Haïtiens/nes sur le plus grand problème énergétique du pays, 90 d’entre eux répondront : « Kouran » et les 10 autres : Chabon ». Si on leur demande leur point de vue sur l’électricité, ils vous diront quasiment tous « EDH gwo pwoblèm ». C’en est un effectivement mais observons de plus près ce qui se passe. Observez le tableau de la production d’électricité et de sa consommation de 2000 à 2012. Comparez les colonnes de « Production » et de « Vente ». La différence est ce que la compagnie n’arrive pas à « se faire rétribuer comme énergie électrique ayant circulé sur son réseau ». À cette quantité, nous allons l’appeler « Pertes Globales » et nous dirons qu’elle a 2 composantes : Composante technique ou Pertes Techniques et Composante non technique ou Pertes non Techniques.
Dans un système fonctionnant correctement, il est généralement admis qu’un pourcentage de 15 à 16% de pertes globales est acceptable. Or, si vous observez le tableau présenté, ce niveau avoisine les 70%. Les pertes techniques proviennent généralement de la production et du transit sur le réseau électrique et sont liées, à la production (Absence d’efficacité et mauvaise exploitation des outils de production), au transport et à la distribution (mauvais rendement du réseau suite au déséquilibre des charges, pertes actives et réactives, facteur de puissance etc.)
Quant aux Pertes non Techniques, l’énergie consommée non enregistrée constitue la composante principale (mauvaise maîtrise de la facturation, agents malhonnêtes, utilisation frauduleuse du carburant, de l’énergie, etc.)
Observez à nouveau le tableau et le graphique et vous éprouverez même un penchant pour EDH.
Tout cela justifie aisément cet effort de dialogue, de réflexion en atelier, de diffusion de bonnes pratiques car si on veut rendre le secteur compétitif et « attractif », il faut, d’un côté minimiser les pertes, donc, s’attaquer à leurs causes et de l’autre, enrichir et renforcer la chaîne de valeur de l’électricité.
Pourquoi le renforcement de la chaîne de valeur ? La chaîne de valeur de l’électricité est composée principalement de 4 éléments : Production – Transport- Distribution – Commercialisation.
Si l’on considère la chaîne de valeur de l’électricité comme un ensemble d’activités interdépendantes avec la capacité de créer de la valeur identifiable et, si possible, mesurable et qu’elle intègre toutes les étapes, de l’approvisionnement en matières premières à la consommation finale, son bon fonctionnement doit impliquer :
Une évolution dans le rôle de certains acteurs tels que producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs et équipementiers par l’irruption de systèmes de comptage évolués, de dispositifs de stockage diversifiés ainsi que l’apparition de nouveaux usages, notamment « l’électromobile » ;
Une forte croissance dans la demande pour les Producteurs et les Fournisseurs d’électricité ;
La pénétration du secteur par des acteurs issus d’autres domaines tels celui des télécommunications : Mesurage – Facturation – Télémétrie ;
L’apparition de nouveaux acteurs dans la gestion de services : gestionnaires d’effacement, fournisseurs de services en aval du compteur, gestionnaire de charge du véhicule électrique, effacement, gestion de la demande ;
Le développement des Énergies Intermittentes et leur intégration sur le réseau créent des obligations de coordination entre les acteurs pour éviter des perturbations sur le réseau et forcent le développement de partenariats.
Cela veut dire que la chaîne de valeur de l’électricité peut avoir l’aspect suivant :
Ce qui oblige à la voir comme créatrice de nouveaux usages et incitatrice d’adoption des technologies de l’Information et de la Communication qui vont la faire évoluer, se diversifier, s’enrichir.
Pour que cela se produise, nous devons faire des choix. Des choix responsables. Le dialogue, le premier pas dans la bonne direction.
Cela peut être bon pour le pays !
Et pour chacun !
* Physicien Industriel