P-au-P, 23 févr. 2017 [AlterPresse] --- « Le besoin de loisir est un besoin fondamental […] cependant, (…) le carnaval n’est-il pas utilisé comme outil pour faire oublier au peuple (haïtien), ses conditions réelles d’existence ? »
Lors d’un entretien téléphonique accordé à l’agence en ligne AlterPresse, le professeur à l’Université d’État d’Haïti (Ueh), Ary Régis, également directeur général de la Société d’animation et de communication sociale (Saks), invite plus d’un à faire ce questionnement, à l’occasion du carnaval dit "national" prévu aux Cayes, les dimanche 26, lundi 27 et mardi 28 février 2017.
« Le carnaval ne doit pas être une charge pour l’État, ni la population. Nous avons l’impression que l’État s’est réduit à un organisateur de carnaval », affirme le professeur.
Il cite l’exemple de plusieurs pays de l’Amérique latine et des Caraïbes, notamment le Brésil, qui gère son carnaval de manière à en faire à la fois une manifestation culturelle et un espace touristique.
« Le carnaval (haïtien) n’est plus un espace de créativité, il est réduit à un simple espace de défoulement », constate-t-il.
Il rejette également l’idée, selon laquelle l’organisation du carnaval national, dans la ville des Cayes, aurait des retombées significatives pour le Grand Sud, affecté par le passage du cyclone Matthew, les lundi 3 et mardi 4 octobre 2016.
Bien avant son investiture comme président, le mardi 7 février 2017, Jovenel Moïse a annoncé la tenue du carnaval national de 2017 aux Cayes (chef-lieu du département du Sud).
Jovenel Moïse dit vouloir encourager des « activités économiques », avec le déroulement de festivités carnavalesques.
Les besoins du grand Sud n’ont pas été suffisamment évalués. Les retombées ne seront que superficielles pour le secteur de l’hôtellerie et les petits commerces, anticipe Régis.
Un point de vue, que partage le professeur à l’Ueh, Wilson Jabouin.
« Les dirigeants politiques haïtiens ont toujours appliqué la fameuse formule des trois B Bouyon, banbòch, baton pour manipuler et réprimer les ardeurs de révolte chez la population ».
Un « B » (le bâton symbolisant la répression) n’est plus, mais les deux autres marchent toujours et très bien, estime-t-il.
« Çà frôle la limite de l’indécence, de multiplier les festivités carnavalesques, alors que les hôpitaux publics du pays sont en grève, que des professionnels de l’éducation ne puissent pas être rémunérés… ».
Il estime que cette attitude pourrait, d’un point de vue général, dénoter un manque d’intérêt pour les besoins fondamentaux de la population.
Jabouin soutient qu’un pays doit faire des choix stratégiques et opérationnels, en fonction de ses ressources.
Intervenant sur la polémique autour de la décision, « empreinte de populisme », de Jovenel Moïse, d’organiser le carnaval national dans la ville des Cayes, Jabouin souligne que « le maire des Cayes, en tant qu’entrepreneur dans la branche hôteliere, a tout intérêt à lutter pour l’organisation du carnaval dans sa ville ».
Le "carnaval national" ramènera l’attention des communautés, nationale et internationale, sur le grand Sud. Les branches de l’hôtellerie, de la restauration et des petits commerces bénéficieront des retombées, souligne le maire principal des Cayes, Gabriel fortuné, joint au téléphone par AlterPresse.
Il allègue que la ville a déjà bénéficié de la réhabilitation de quelques infrastructures routières, grâce à la seule annonce de la tenue des festivités du carnaval national aux Cayes.
La ville sera fin prête à accueillir « son carnaval » le dimanche 26 février 2017, tente de rassurer l’ex parlementaire, Gabriel Fortuné, qui invite toutes les carnavalières et tous les carnavaliers à se rendre aux Cayes.
Les travaux avancent, les chars seront bientôt transférés aux Cayes. 17 chars musicaux participeront au défilé et 115 stands seront construits, fait savoir le porte-parole du comité d’organisation du carnaval national, aux Cayes, Carel Pedre.
La quantité de chars allégoriques n’est pas encore précisée, selon l’animateur radio-télé.
Sweet Miky de l’ancien président Michel Martelly du Parti haïtien tèt kale (Phtk), Djakout #1, T-Vice, Boukman ou encore Rock Fam seront sur le parcours carnavalesque qui s’étendra de la première gran ri, pour aboutir au carrefour des Quatre-Chemins. Ce parcours retenu sera plus court que celui de 2012.
Le "carnaval national" a été délocalisé à trois reprises, notamment dans la ville des Cayes, en 2012, au Cap Haïtien (Nord), en 2013, et aux Gonaïves (Artibonite), en 2014, avant de retourner à Port-au-Prince, en 2015 et 2016, sous la présidence de Martelly.
240 millions de gourdes (US $ 1.00 = 70.00 gourdes ; 1 euro = 78.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 1.60 gourde aujourd’hui), devraient être tirées du trésor public pour les festivités carnavalesques 2017 aux Cayes, indiquent les organisateurs, lors d’une conférence de presse, le mardi 22 février 2017.
C’est le même budget qui a été alloué au carnaval, aux Cayes, en 2012. [am emb gp apr 23/02/2017 02 :00]