Par Antoine Huberrt Louis*
Soumis à AlterPresse le 17 février 2017
Encore une fois, Don Kato défraie la chronique ! Pète le plafond avec cette meringue à la fois "funny" et fortement idéologique ! Par son groove très entrainant, la meringue de "Brother’s Posse" vient, comme de coutume d’ailleurs, revigorer l’ambiance carnavalesque de 2017. Imaginons déjà le malheur que ce tube carnavalesque va faire au Champs de Mars, dès ce dimanche 19 février ! "Se la pou w la" !
Si Don Kato semble tacler un secteur précis à travers titre et refrain de sa meringue, il a toutefois lessivé tous les secteurs de la vie nationale, même la société civile. Comme dans une légende de photographie, de la gauche vers la droite, Don Kato "lave lè a" ! Il sape la gauche d’une part pour son incapacité à se rassembler, à faire front commun en vue d’offrir une alternative viable. Et, d’autre part, il met la droite à contribution parce qu’ils "sont déjà passés de l’autre côté" de la rampe ! Plus loin, il dézingue tout le secteur dit démocratique, donc tous les démocrates parce qu’ils restent et demeurent, tels des soldats de plomb, cantonnés dans leurs fractions intransigeantes respectives ! Somme toute, Don Kato nous rappelle, que de la gauche à la droite et vice versa, ça va mal ! L’heure est grave !
En effet, dans cette meringue, on est à bouche que veux-tu car, il y en a pour tous les goûts ! Aussi, dénonce-t-il, comme toujours, la précarité des conditions d’existence des plus pauvres, donc allume les projecteurs sur la cherté de la vie et le désœuvrement de nombre de diplômés, tout en fustigeant nos politiques qui sachant bellement courtiser les quartiers populaires en période électorale pour ensuite les oublier aussitôt élus et installés dans leurs honorables fonctions, jouissant grassement des privilèges qui en découlent.
En clair, cette meringue à dominante idéologique met en face deux camps politiques distincts, d’après une double schématisation, dont la gauche versus la droite d’un côté ; le secteur démocratique versus un autre secteur qu’il évoque grâce à l’inspirée métaphore "Sexy pintade" ! Don Kato ne se contente pas d’évoquer une bête au long bec et au visage tel un fil à plomb, mais l’affuble de l’épithète de marron / sauvage ! Pour bien comprendre cette métaphore filée, plaçant du coup la meringue de "Brothers Posse" bien au-delà du simple physique, il faut faire machine arrière et remonter jusqu’à l’Armée indigène de Jean-Jacques Dessalines.
Mais, souffrez un instant, le temps que je vous dise que le fait pour Kato de dénoncer la triste absence de convictions idéologiques profondes à droite comme à gauche me fait penser à certains comme Assad Volcy et son cavalier "polka" retrouvé, Sieur Perpignan. Je les cite parce qu’ils constituent les cas les plus populaires actuellement. Il est à noter que, en bon sénateur de la République, Kato procède à l’appel nominal pour constater que, si certains semblent bouder la séance en Assemblée nationale, d’autres ont carrément déjà "transité", pour ainsi d’aucuns ont déjà changé de camps, passant le plus naturellement du monde, de la droite et à la gauche, et/ou de la gauche à la droite !
"Sexy pintade", une métaphore idéologique...
Si nous regardons plus loin que le simple aspect physique se trouvant en-deçà de ladite métaphore "sexy pintade", assez funny d’ailleurs, nous verrons que Don Kato décline une position idéologique nette et claire. Pus haut, nous avons souligné la double schématisation des tendances politiques lourdes mises en exergue par "Brother’s Posse" au travers de cette meringue pamphlétaire.
Kato décline son camp politique en trois appellations distinctes : la gauche, les démocrates, le secteur démocratique. S’attribuant le rôle du rassembleur, il passe ses troupes en revue pour enfin aboutir à un triste constat : les bataillons restent retranchés dans leurs campements respectifs. La gauche demeure incapable de se rassembler en une seule armée face au camp représenté par "sexy pintade marron". Par la gauche, Kato entend principalement : Fanmi Lavalas, Lapeh, Pitit Desalin ! Par secteur démocratique, cette meringue comptabilise, en plus des trois blocs cités, les partis RDNP, MOPOD, Inite, OPL, etc. L’appellation "les démocrates" tient lieu d’un secteur élargi réunissant ceux de la gauche ainsi que ceux de la droite, tous n’appartement pas au clan "sexy pintade", version sauvage/marron !
La Pintade comme emblème de l’Armée indigène signifie, positivement, vigilance maximale et capacité à vivre dans les bois le temps qu’il faudra livrer bataille et résister à l’ennemi, "hasta la victoria simple" ! Donc, dans le cadre de la lutte armée de l’Indépendance, la pintade comme symbole positif de la résistance organisée s’est substituée au Marron inconnu du temps de la résistance clandestine, non organisée. La double symbolique de la pintade et du Marron inconnu a été reprise et vilipendée par la sanguinaire dictature des Duvalier, père et fils. Remarquons que, dans les deux cas susmentionnés, celui de l’Armée indigène et des sanguinaires Duvalier, la symbolique de la pintade ne souffre pas encore d’attributions négatives !
Par contre, l’épithète de pintade marron en opposition au coq "qualité" Lavalas, emblème donc du Front National pour le Changement et la Démocratie (FNCD) qui avait propulsé l’actuel baron de Tabarre au pouvoir par plébiscite (populaire), remonte au coup d’Etat avorté de Sieur Roger Lafontant, dernier avorton du duvaliérisme, le 7 janvier 1990. Par voie de conséquence, le groupe "Koudjay" du regretté Samba Kessy taxait ce coup manqué grâce à la mobilisation populaire contre le pouvoir fraîchement installé de Sieur Jean Bertrand Aristide, cristallisation des aspirations légitimes du peuple ; d’intrusion d’une pintade marron dans la cage du coq "qualité" !
Dans la meringue de Kessy, madame Ertha Pascal Trouillot, présidente provisoire d’alors, faisait figure de gardienne de la bassecour mais qui, par mégarde, avait laissé une pintade marron pénétrer dans la cage du coq "qualité" ! Le terme marron, négativement connoté cette fois par Samba Kessy faisait allusion au makoutisme, ce qui classe d’emblée la pintade marron hors du corps social, tel un intrus, ou, mieux encore, tel un envahisseur qu’il importe de mettre hors d’état de nuire.
Pour ne pas être davantage loquace, résumons pour dire que "sexy pintade" affublée de l’épithète "marron/sauvage", renvoie doublement au camp des Duvalier père et fils en particulier, à celui des amateurs de coups d’Etat, en général, contre la volonté populaire et les aspirations profondes du peuple ! Et ce, qu’il s’agisse de coups d’Etat réussis et/ou manqués...
Avouons que la dénotation physique de la meringue, "Sexy Pentad", joue son rôle de sauce piquante. Ceux et celles friandes de piment comprendront...
* Journaliste/Ecrivain/Sociologue