P-au-P, 13 févr. 2017 [AlterPresse] --- L’Observatoire binational sur la migration, l’éducation, l’environnement et le commerce (Obmec) encourage une meilleure réglementation des flux migratoires entre la République Dominicaine et Haïti, lors d’une causerie organisée le vendredi 10 février 2017 et à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
« Historiquement, aucun des deux pays n’a développé une politique migratoire. Toutefois, il y a des instruments de politique migratoire plus développés en République Dominicaine qu’en Haïti », reconnait la sociologue Sabine Manigat.
Elle exhorte la commission mixte bilatérale haitiano-dominicaine à travailler sur des volets comme les accords bilatéraux en vue de permettre aux deux pays de gérer leurs flux migratoires.
« Il faut également une typologie documentaire du migrant, ce qui est une responsabilité des États. Chaque État établit une typologie de la documentation qu’il délivre ».
L’un des grands défis concerne le problème de la documentation haïtienne notamment de l’identification du partant, relève la militante des droits humains, Colette Lespinasse.
Il y a un pourcentage assez important de migrants qui partent en République Dominicaine sans aucun document d’identité haïtienne, même si les enquêtes démontrent que 80% d’entre eux disposent d’un document d’identité qu’ils ont eu dans le temps, indique-t-elle.
Les autres défis concernent le trafic des personnes ainsi que l’exclusion sociale dont sont victimes les ressortissantes et ressortissants haïtiens en territoire voisin.
La grande majorité des immigrants vivant en République Dominicaine sont des Haïtiens. 73% des travailleurs haïtiens n’ont pas de contrats de travail et aucun accord écrit, ce qui augmente leur vulnérabilité au moment où ils doivent réclamer leurs droits, rapporte Lespinasse.
Leurs horaires sont souvent supérieurs à ceux des travailleurs étrangers et d’autres pays. Les horaires de travail par jour de 33% d’entre eux dépassent 9 heures, dénonce-t-elle.
Elle révèle également des inégalités dans les revenus des Haïtiens, qui sont, en moyenne inférieure, à plus de 2 mille pesos par rapport à ceux des travailleurs étrangers ou des Dominicains pour le même type de travail.
Elle affirme que le Programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens (Pidih) a été « un véritable fiasco » essuyé par l’État haïtien qui n’était pas en mesure, dit-elle, d’identifier ces ressortissants.
« Entre Haïti et la République Dominicaine, la migration a souvent été et est encore présentée comme un problème, un véritable abcès à creuser. Nous prenons le contre-pied de cette présentation, la migration constitue une opportunité pour l’individu qui peut par le déplacement dans l’espace accompli un certain acte de déplacement social », fait valoir le professeur à l’Université d’État d’Haïti (Ueh), Jean Marie Théodat.
Les profits et les avantages de la migration sont inégalement répartis entre Haïti et la République Dominicaine, dénonce-t-il.
Il souligne qu’une petite minorité de gens tirent profits de la mobilité informelle des ressortissants haïtiens.
Cette situation nouvelle qui crée de nouveaux défis appelle de nouvelles propositions de politiques publiques, souhaite le professeur. [jep emb gp apr 13/02/2017 12 :50]