P-au-P, 02 févr. 2017 [AlterPresse] --- Les démêlés du président élu, Jovenel Moïse, avec la justice haïtienne continuent de faire couler beaucoup de salives, à moins d’une semaine de sa prise de fonction, soit le 7 février 2017, observe AlterPresse.
Plusieurs secteurs de la société haïtienne ont émis des opinions divergentes concernant la prochaine investiture de Moïse, accusé d’avoir effectué des transactions financières suspectes ou douteuses, du 5 mars 2007 au 31 mai 2013, suivant un rapport de l’Unité centrale de renseignements financiers (Ucref).
« Cela représente un gros danger pour Haïti. Une personne qui peut devenir le président d’un pays doit être lavée de tout soupçon, sinon de grandes difficultés surgiront », met en garde l’ancien sénateur Yvon Feuillé, du parti Fanmi Lavalas, joint au téléphone par AlterPresse.
Il appelle les autorités à faire un effort pour qu’Haïti ne soit pas classée parmi les pays qui pratiquent le blanchiment des avoirs.
Ceci pourrait, dit-il, constituer une mise à mort du système financier.
La justice haïtienne doit trancher sur le dossier de Moïse sans abus, souhaite-t-il.
« Plusieurs anciens chefs d’État sont entrés au Palais national avec des soupçons pesant sur eux. Ce n’est pas inédit dans l’histoire d’Haïti. L’ancien chef d’État Michel Martelly avait des problèmes de moralité douteuse. Idem pour l’actuel président sortant, Jocelerme Privert, en ce qui a trait au massacre de La Scierie », évoque Antonal Mortimé, coordonnateur du Collectif Défenseurs Plus.
La justice n’a jamais planché sur ces cas (Ndlr : Privert a été blanchi par la justice). C’est une très mauvaise image pour le pays. Jovenel Moïse devrait résoudre son contentieux avec la justice haïtienne avant même sa prestation de serment le 7 février 2017, avance-t-il.
Mortimé indexe des institutions, comme le Conseil électoral provisoire (Cep/2015) et la justice haïtienne, qui ont donné feu vert à Jovenel Moïse pour se porter candidat.
« Il est complètement impossible pour un juge de traiter ce dossier avant le 7 février 2017, à moins d’un travail bâclé », soutient le directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), Pierre Espérance.
Ce dossier compliqué a pris une ampleur internationale, regrette-t-il.
Rosny Desroches de l’Initiative de la société civile (Isc) indique qu’il y a deux processus différents indépendants en cours : un processus politique pour l’installation d’un président et un autre, de nature judiciaire, sur les avoirs du citoyen Jovenel Moïse.
« Ce processus doit suivre son cours et être indépendant de la politique. Il ne doit pas subir des influences allant dans le sens d’une accélération ou d’un freinage du dossier », nuance-t-il.
Même si Jovenel Moïse est installé, la justice doit continuer ses travaux dans la sérénité, le calme et de façon indépendante, espère-t-il.
« Si Jovenel Moïse est coupable, la justice doit le condamner. Mais s’il est innocent, elle doit l’acquitter ».
Par ailleurs, quatre chefs d’État étrangers ont déjà confirmé leur présence à l’investiture de Jovenel Moïse.
Il s’agit des présidents du Venezuela, de la République Dominicaine et de l’Équateur, ainsi que du Premier ministre de Trinité-et-Tobago, a annoncé Lucien Jura, porte-parole de la Commission de passation des pouvoirs.
Pour sa part, le mouvement intitulé « secteur démocratique réuni » (Sdr) qui regroupe la Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation haïtienne (Lapeh) et la Plateforme Pitit Dessalines, entend observer une trêve dans sa mobilisation, selon l’ancien sénateur Jean Hector Anacacis de Lapeh.
Toutefois, le mouvement continue de dénoncer un « coup d’État électoral », suite à la publication des résultats de la présidentielle du 20 novembre 2016, favorables à Jovenel Moïse, et à la demande de clarification des soupçons, qui pèsent sur ce dernier, en rapport au dossier de blanchiment d’argent.
Le dossier a été acheminé, pour les suites utiles, aux autorités compétentes, dont le Parquet près le tribunal civil de Port-au-Prince, « conformément à l’article 35 de la Loi du 11 novembre 2013, relative au blanchiment et au financement du terrorisme ».
Jovenel Moïse et le président du conseil d’administration de la Banque nationale de crédit (Bnc), Fernand Robert Pardo, ont été auditionnés par le juge instructeur Bredy Fabien, chargé d’instruire le dossier, respectivement les mercredi 25 janvier et vendredi 20 janvier 2017. [jep emb gp apr 02/02/2017 12:55]