P-au-P, 18 janv. 2017 [AlterPresse] --- Le 28 juillet 2017 constitue la date butoir pour recevoir tous les actes d’accusations au Tribunal populaire symbolique appelé à se pencher sur les 100 ans de la première occupation américaine (1915-2015) en Haïti, initiative mise en place par diverses organisations sociales.
De janvier à février 2017, des tournées seront réalisées à travers les différents départements pour la constitution des comités départementaux, précise le représentant du comité de pilotage et de coordination du tribunal populaire, Camille Chalmers, lors d’une conférence-débats, le 17 janvier 2017, et à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
Entre février et mai 2017, les actes d’accusation vont être constitués sur la base de témoignages, de recherches scientifiques et de documentation, fournis par les régions et les secteurs, annonce-t-il.
Le procès des 100 ans de l’occupation américaine commencera à partir du moment où les actes d’accusation sont reçus par le tribunal. A ce moment, un calendrier pour les audiences formelles sera fixé, explique-t-il.
Une centaine d’audiences sont prévues sur l’ensemble du territoire de façon à ce que le travail d’éducation populaire puisse être approfondi. Le tribunal va siéger en permanence, après avoir reçu, officiellement, les saisines, informe Chalmers.
Au lieu de faire de ce tribunal un événement isolé, on a, de préférence, décidé de définir un processus qui a commencé avec la diffusion d’une pétition signée par 350 organisations, suivie d’une assemblée réalisée, le 12 juillet 2016, et qui a permis de constituer un comité de coordination et de pilotage du tribunal, détaille-t-il.
Il indique que la sentence du tribunal populaire symbolique sera finalement prononcée le 28 juillet 2018.
Il souhaite aussi qu’il y ait un tribunal permanent des peuples pour écouter d’autres thématiques et réaliser des procès sur de nouveaux sujets.
Des séances sont prévues dans plusieurs villes du pays, lors du tribunal populaire, poursuit le professeur à l’Université.
Elles auront lieu notamment dans les villes qui ont joué un rôle important dans la résistance et la lutte contre l’occupation, comme le Cap Haïtien (Nord), Hinche (Plateau Central, est), Marchand Dessalines (Artibonite, nord) et les Cayes (Sud).
C’est un tribunal qui ne se concentrera pas seulement à Port-au-Prince, il y aura également des sessions prévues dans plusieurs régions du pays qui seront animées par des comités de travail, issus d’organisations sociales.
Il est nécessaire de combattre « ce crime du silence » et de répondre à la demande générale de lutte en faveur de la justice et contre l’impunité répétitive qui affecte toute la population, estime Chalmers.
Beaucoup de couches populaires n’ont pas vraiment accès au système judiciaire traditionnel haïtien qui demeure clos et fermé et dans lequel elles n’ont pas la possibilité de défendre leurs intérêts, critique-t-il.
« Il faut pouvoir construire un espace qui s’inspire symboliquement de l’espace des tribunaux et qui doit produire une critique concrète du fonctionnement du système judiciaire », affirme-t-il, ajoutant qu’« il faut montrer que cette demande de justice n’arrive pas à être satisfaite dans les circuits traditionnels ».
Pour sa part, le président de la Société d’histoire, de géographie et de géologie (Shgg), Pierre Buteau, souligne que le procès envisagé constitue « un engagement historique pour modifier ce que nous sommes et réorienter notre destin de peuple ».
« Il est bon de faire une halte et de chercher entre nous, à travers nos échanges, une parole instructive, face au désarroi du monde d’aujourd’hui, enlisé et enfermé dans cette mondialisation (…) », croit-il.
« Le tribunal doit être permanent parce que les problèmes sont permanents », soutient, de son côté, le professeur à l’Institut des hautes études de l’Équateur (Iaen), François Houtart.
Selon lui, il faut bien concrétiser les objectifs pour arriver à la pleine réussite de ce tribunal populaire, en respectant ses normes.
A l’occasion du 101e anniversaire (juillet 2016) du 1er débarquement militaire américain en Haïti, un appel a été lancé en faveur de la construction d’un mouvement patriotique fort, articulé et unitaire, lors de l’inauguration de ce « tribunal populaire » contre l’occupation et la domination.
Le mouvement a invité au rassemblement des forces pour « libérer Haïti et mettre le pays sur la voie du progrès ».
Débarqués le 28 juillet 1915 en Haïti, les militaires américains ont laissé officiellement le pays le 21 août 1934, après 19 ans d’occupation.
Le sol d’Haïti a été, une seconde fois, foulé par les troupes américaines en 1994, qui accompagnaient le retour du président Jean Bertrand Aristide après un exil de 3 ans suite au sanglant coup d´État militaire de septembre 1991. [bd emb gp apr 18/01/2017 14 :30]