Español English French Kwéyol

Haïti-Société : Des protestataires entendent poursuivre leurs activités commerciales au Champ de Mars, malgré leur déguerpissement

P-au-P, 18 janv. 2017 [AlterPresse] --- Des commerçantes et commerçants projettent de poursuivre leurs activités commerciales au Champ de Mars [1], après leur déguerpissement, le lundi 16 janvier 2017, par la mairie de Port-au-Prince.

Ils envisagent de s’accaparer de la place des artistes pour installer leurs barques, au cas où le conseil municipal de Port-au-Prince ne ferait pas marche arrière sur cette décision, selon les témoignages recueillis par AlterPresse.

« Comme la mairie nous a demandé de laisser l’espace, nous n’avons pas de problèmes. Mais, elle ne peut pas nous demander de ne plus revenir, car nous n’avons pas d’autres endroits où aller », a déclaré, l’air triste, une marchande d’aliements cuits sur « barbecue ».

« Les maisons, sur la place des artistes, ont été construites pour nous. On nous a mis dehors au profit d’autres personnes aisées », dénonce-t-elle.

Les marchandes et marchands prévoient d’organiser, entre eux, une rencontre, dans les jours à venir, en vue de définir les stratégies à adopter, indique un commerçant, en train de démolir son kiosque.

« La mairie devrait mettre à disposition un autre endroit, pour que nous puissions fonctionner », réclame-t-il.

La décision du conseil municipal de Port-au-Prince est arbitraire, critique, pour sa part, un chauffeur, assis près de son véhicule.

« Avant de délocaliser des gens, qui effectuent une activité, il faudrait leur donner une autre alternative », renchérit-il, soulignant combien le chômage gangrène la société haïtienne.

« Le vendredi 13 janvier 2017, nous étions à la mairie de Port-au-Prince. On ne nous a pas reçus », se plaint, visiblement paniquée, une marchande de crèmes à glace, debout dans son kiosque mobile.

Dans l’après-midi du lundi 16 janvier 2017, des agents de la mairie de Port-au-Prince, accompagnés d’agents de la Police nationale d’Haïti (Pnh), ont procédé à l’évacuation des espaces du Champ de Mars, « occupés, de manière anarchique, par des occupants se livrant à diverses activités illégales », selon les autorités.

L’opération de déguerpissement, qui a débuté dans la soirée du lundi 16 janvier2017, conformément au délai de soixante-douze (72) heures (émis dans un communiqué rendu public le jeudi 12 janvier 2017), accordées aux occupantes et occupants illégaux, s’est poursuivie jusqu’à l’aube du mardi 17 janvier 2017.

Lors des opérations, le maire principal de Port-au-Prince, Ralph Youri Chevry, a rappelé l’impérieuse nécessité de revitaliser l’aire du Champ de Mars et de lui redonner son visage d’antan.

L’accent a été mis « sur la nécessité d’une appropriation adéquate de cet espace public patrimonial, qui revêt pour les (Port-au-princiennes et) Port-au-princiens une importance capitale, de par sa fonction récréative et touristique ».

« Plusieurs marchands et usagers, qui occupaient, anarchiquement, l’espace, avaient déjà volontairement laissé les lieux, dans la matinée du lundi 16 janvier (2017), reconnaissant, ainsi, le bien fondé et la légitimité de la démarche », fait valoir l’administration communale de Port-au-Prince, dans une note.

L’opération a été appuyée par la Pnh et d’autres entités publiques, comme le Ministère des travaux publics, transports et communication (Mtptc) et le Service métropolitain de collecte des résidus solides (Smcrs).

De leur côté, des artisans, avec leurs œuvres en mains, ont manifesté, le mardi 17 janvier 2017, dans les rues de Port-au-Prince, pour protester contre les opérations de déguerpissement, effectués par la mairie.

Contrairement à la place dite « Dessalines » (où se trouve érigé un monument à la mémoire du fondateur de l’Indépendance d’Haïti, Jean-Jacques Dessalines), où des travaux d’assainissement ont commencé, la place Pétion (qui comprend un monument à la mémoire d’Alexandre Pétion) semble être oubliée par les autorités municipales de la commune de Port-au-Prince, observe AlterPresse.

« C’est vraiment grave ! Nous n’avons pas de mots pour expliquer l’état d’insalubrité de la place Pétion », déplore, en compagnie d’une jeune fille, un homme, assis sur la place, parsemée d’ordures.

Le Champ de Mars pourrait être un lieu touristique, capable de générer de l’argent. Mais, l’État le néglige, fustige-t-il.

Entre-temps, le carnaval national est prévu du dimanche 26 au mardi 28 février 2017, au Champ de Mars (de plus en plus réduit en termes d’espace), autour du thème An n fè Ayiti reviv (Faisons renaître Haïti). [jd emb rc apr 18/01/2017 13:10]


[1Ndlr : Le Champ de Mars est la principale place publique de la capitale, transformée en aire de vente de différents produits et où florissent, depuis plusieurs années, des étalages de marchandes et marchands de manje kuit et d’autres plats à emporter.

Sous l’administration du maire principal Joseph Emmanuel (le chanteur surnommé « Manno ») Charlemagne (1995 - 1999), les marchandes et marchands de manje kuit avaient été délogés.

La place publique du Champ de Mars a connu diverses transformations, nottamment sous l’administration de Jean-Bertrand Aristide (7 février 2001 - 29 février 2004), qui y a établi une fortification, dénommée tour 2004, qui a défigué sa conception initiale, remontant à plusieurs dizaines d’années, au XXe siècle. L’administration de Joseph Michel Martelly (14 mai 2011 - 7 février 2016 a été plus loin dans sa défiguration, en érigeant beaucoup de fortifications en béton (dont le Kiosque Occide Jeanty, détourné de sa fonction initiale), bloquant l’accès à la circulation automobile, de l’est à l’ouest et vice versa et fermant diverses voies, comme une partie de l’avenue Mgr. Guilloux, du nord au sud et vice versa...