Par Jean Elie Paul
P-au-P, 08 janv. 2017 [AlterPresse] --- Haïti continue de faire face à des défis économiques importants, jalonnés par une dépréciation progressive de la gourde (Ndlr : aujourd’hui, en janvier 2017, il faut 68.00 gourdes pour un dollar américain, 78.00 gourdes pour un euro et 1.60 gourde pour un peso dominicain), dénoncent des économistes, dans des interviews accordées à l’agence en ligne AlterPresse.
Au cours de l’année 2016, cette crise économique a occasionné une inflation sans précédent dans le pays, plongeant bon nombre de personnes dans le marasme économique.
Le taux de change est passé de 51.80 gourdes à 68.00 gourdes pour un dollar américain, de septembre 2015 à décembre 2016.
C’est une « dépréciation régulière, permanente et continue » de la gourde, provoquée par la conjoncture et la structure de l’économie haïtienne, constate l’économiste haïtien, Eddy Labossière, dans des déclarations à AlterPresse
L’économie d’Haïti, « carrément désagrégée, ne suit aucun modèle de développement ».
Presque 80 % des produits, qui sont consommés dans le pays, ont été importés ailleurs, avance-t-il.
L’économie accuse une très faible croissance, estime, pour sa part, l’économiste Camille Chalmers, directeur de la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda).
L’Institut haïtien de statistiques et d’informatique (Ihsi) parle de 1.4 % de croissance, légèrement supérieure à l’année dernière (2015), alors que la population s’accroît autour de 2%, relève Chalmers, dans des considérations faites à AlterPresse.
« Les fondamentaux de l’économie n’ont pas changé. L’année 2016 est caractérisée par une détérioration dramatique des conditions de vie des masses populaires et d’une grande partie des classes moyennes ».
Cette situation survient, suite à l’effondrement de la gourde, qui a perdu entre 18 à 25% de sa valeur (par rapport aux monnaies étrangères), en moins d’un an, souligne Chalmers.
Elle s’accompagne également d’une importante inflation, estimée, en moyenne, autour de 13.8 % pour l’année.
Face à la levée de boucliers et à la menace de grève des transports publics sur le territoire national, le gouvernement d’Enex Jean-Charles avait décidé, le mercredi 24 août 2016, de suspendre, provisoirement, sa décision d’augmentation des prix des produits pétroliers sur le marché national.
Cette mesure gouvernementale a été effective depuis le dimanche 21 août 2016.
Si aucune solution n’est trouvée face au désordre économique, la gourde continuera à se déprécier et passera à 70.00 gourdes pour un dollar américain, craint Labossière.
Les exportations haïtiennes n’ont pas augmenté, notamment celles de café et de cacao, qui n’ont pas dépassé 7 millions de dollars américains, signale Labossière.
Les exportations n’ont pas dépassé 300 millions de dollars américains, alors que « nous importons pour plus de 2 milliards », critique Labossière, soulignant combien les exportations représentent des moteurs de croissance dans une économie.
L’investissement public a chuté, alors que l’investissement direct des étrangers a seulement augmenté de 1 à 2%. L’économie haïtienne tue des emplois, au lieu de les créer pendant les années passées, poursuit-il.
Malgré un effondrement des prix des matières premières sur le marché mondial et de certains produits stratégiques comme le riz, Haïti continue de faire face à une inflation très importante, surtout dans le domaine alimentaire.
L’inflation a évolué à la hausse pour atteindre un taux de 13% en février 2016, selon les prévisions du Service des statistiques économiques de la Banque de la république d’Haïti (Brh).
Quand l’inflation est supérieure à 10%, le code du travail prévoit un ajustement automatique des salaires, rappelle Chalmers.
Or, , malgré la hausse du coût de la vie en 2016, les conditions économiques n’ont pas favorisé un relèvement de salaires dans de nombreuses entreprises, dans beaucoup de services, ni dans le secteur agricole.
Aucune information n’est disponible sur la réalité des salaires, en 2016, dans les industries, qui existent en Haïti.
« C’est une année (2016) perdue, une année durant laquelle le pays est resté sur en mode pause. Nous avions raté l’opportunité d’amorcer une véritable transition », regrette- Chalmers.
Un ensemble de mesures essentielles auraient dû être prises, en vue de créer un autre environnement macroéconomique pour l’année 2017, affirme-t-il.
Pour sortir l’économie dans cette impasse financière, il faudrait qu’il y ait (l’investiture) d’un autre président de la république, le mardi 7 février 2017, ainsi que d’un nouveau gouvernement, souhaite Labossière.
Ce nouveau gouvernement devrait tâcher de favoriser une certaine stabilité, afin de mettre Haïti sur les rails du développement.
Labossière souhaite aussi que le prochain gouvernement ait la volonté et la vision politique de s’asseoir avec tous les secteurs, pour établir un pacte de gouvernabilité. [jep emb rc apr 08/01/2017 15:00]