Débat
Par Jean Claude Desgranges, MD, FAGS
Soumis à AlterPresse le 25 décembre 2016
Les fêtes de Noel et de fin d’année ! L’Allégresse des enfants ! Les victuailles familiales ! Les festivités de retrouvaille. Un parfum de solidarité et de partage. Cette fête universelle, qui met tous les cœurs de la planète en joie, n’est pas au rendez vous á Port-au-Prince cette ville morte, crucifiée sous le poids des immondices et des intrigues de basse cour. Ah l’assassinat des idées ! Dun côté une oligarchie politique des trente dernières années qui joue au cache Lubin séré Lubin avec les avenues du pouvoir. De l’autre une population désabusée dansant dans les rues « sa danse de fourmi folle » a la recherche d’un paradis imaginaire.
Haïti, ce coin de terre martyrisé par ses propres fils et filles, brise l’allégresse collective et nous oblige à rire et à sourire sans conviction.
24 Décembre 2016. C est la nuit. La nuit de Noel ! Ma nostalgie m’a amené au concert de Bossa Combo et des Ambassadeurs. A la recherche d’un nouveau souffle. D’un Oasis culturel pour étancher ma soif d’allégresse. Canne à Sucre : une immense et agréable surprise de découvrir de jeunes prodiges qui ont fait le délice de cette soirée féerique. Dommage notre société ne les voit même pas encore moins les découvrir, les exposer, leurs permettre de s’épanouir de grandir, de peaufiner leurs talents innés.
De dépasser les mapous « Raymond Cajuste, Marc Yves Volcy, Pascal Albert » qui ont mis les fourmis dans les jambes d’une génération bafouée. Canne à Sucre une véritable nuit des étoiles. 25 Décembre je me suis réveillé d’un rêve, qui n’a duré que l’espace d’un cillement. La réalité macabre de notre singulier petit pays nous tient à la gorge : la Saison des résultats d’une élection vielle de plus d’un mois.
Le 12 Janvier 2010, un tremblement de terre de magnitude 7 frappait Haïti. Des milliers de morts sans sépulture et plus d’un million de sans abris.
Début d’octobre 2016, l’ouragan Matthew a frappé de plein fouet le pays notamment les départements du Sud, de la Grand-Anse et des Nippes. Une fois encore on s’inquiète d’une recrudescence du Choléra et d’une dégradation de l’insécurité alimentaire.
A l’autre volet, le Nord fut victime d’inondation à deux reprises. Les catastrophes naturelles surviennent en cascade en Haïti, un pays vivant au superlatif :
• La première colonie de Christophe Colomb au nouveau monde ;
• La seule nation esclavagiste à s’affranchir du joug colonial ;
• La seconde en nombre d’Ong par personne globalement ;
• La plus haute densité de population des pays des caraïbes ;
• Le plus haut taux d’analphabétisme dans les Caraïbes ;
• Le moindre accès à l’électricité, l’eau et l’assainissement aux Caraïbes ;
• La plus rapide croissance d’usage de téléphone portable aux Caraïbes ;
• La plus pauvre nation de l’hémisphère Ouest.
Le climat politique n’offre pas une meilleure atmosphère : du flou. De l’incertitude. Un spectacle de la ruse et de la force pour assouvir des intérêts personnels démesurés au lieu de chercher à prévaloir l’intérêt général. Une économie anémiée, sous perfusion. Une jeunesse à la recherche d’un Eldorado en Amérique latine, face à une société qui ne secrète que du chômage. C’est dans cette atmosphère délétère que le peuple Haïtien a été appelé aux urnes pour élire des dirigeants politiques.
20 Novembre 2016, les citoyens et citoyennes d’Haïti ont, dans la sérénité et le calme, retrouvé le chemin des urnes. Pour répondre à ce rendez-vous démocratique. Cependant, peine est de constater une timide participation de l’électorat liée á de multiples facteurs dont les deux plus importants :
• Un déficit de résultats de nos élus, dû a une mauvaise gouvernance.
• De pouvoirs jouisseurs, en lieu et place de pouvoirs services.
Une population tétanisée par une extrême pauvreté, une jeunesse aux abois et à l’affût d’autres cieux plus cléments, de façon á étancher leur soif de réussite.
En dépit de tout, la journée du 20 Novembre 2016 s’est déroulée dans la transparence. Une élection satisfaisante au su et au vu du monde des acteurs politiques, de la société civile et des observateurs nationaux et internationaux. Les 22% de l’électorat ont rempli librement leur devoir civique. Le Conseil électoral provisoire (Cep) a réussi le pari, mais tout n’est pas encore joué : Une embellie au cœur de cette transition démocratique chaotique.
Maintenant c’est la saison des résultats. La défaite ne doit humilier personne. Ce pays de toutes les urgences ne peut pas se laisser fragiliser par le virus de la division. Le bulletin de vote du 20 Novembre 2016 se veut être une symbolique de pacification des relations sociales. Ce coin de terre : « ou l’humanité s’était mise debout pour la première fois » personne n’a le droit d’en faire la patrie des ténèbres. Nous devons éviter d’égorger la liberté individuelle et de décapiter la pensée. L’ennemi de chaque Haïtien et Haïtienne, c’est le déclin d’Haïti. Les perdants se doivent de rester droits dans leurs bottes. A l’autre volet, les vainqueurs doivent savoir que leurs projets ne suffiront pas à apporter les réponses nécessaires à cette crise globale d’une gravité exceptionnelle, alors faisons vivre deux exigences :
La première exigence, c’est de regarder plus loin que cette élection pour qu’ensemble nous affrontions les grands défis à venir :
• Notre réponse au chômage
• Une croissance en chute libre
• Un système sanitaire et éducatif plus juste et plus efficace
• L’élimination ou du moins la réduction d’une insécurité alimentaire chronique.
• La dégradation accélérée de l’environnement.
De telles réponses nous ne les retrouverons pas dans l’idéologie. La clef de ces urgences, c’est le rassemblement, c’est l’action, c’est le sens du devoir. La vie politique c’est un débat citoyen. Ce sont les problèmes du pays, ce sont les valeurs, c’est le respect des principes républicains dans la victoire comme dans la défaite.
La deuxième exigence c’est, au-delà du bulletin de vote, au-delà du choix d’un nom, d’assumer jour après jour notre citoyenneté avec vigilance et responsabilité face à tous les grands choix de la nation. Ce pays aux bords de l’abîme, continue à croire aux vertus du rassemblement pour surmonter les obstacles et combattre cette misère joyeuse dans laquelle nous pataugeons. Une morosité économique, humoristique, véritable antidote à la déprime.
Notre renaissance sera l’œuvre de tous et de toutes. Elle viendra de notre volonté de nous battre ensemble pour le bien être du bien commun.
Au ticouloutisme et au clientélisme, à la force et à la ruse nous ne pouvons qu’opposer la suprématie de la loi (Rules of Law), le droit, la raison et l’humanitude. Nous devons stopper de nous abîmer. Chacun des fils et des filles de ce pays doivent assumer ses responsabilités pour faire revenir notre monde politique à la raison et retrouver un chemin d’espérance, de réconciliation et de refondation.
La société se doit de divorcer d’avec les vieux limes d’un système traditionnel éclaté, pour épouser la voie de la modernité dans toutes ses composantes et toute sa beauté. De façon laborieuse et ordonnée. Les piliers qui formaient l’armature de ce système en lambeaux se sont affaissés depuis les années 80.
Chaque secteur de la société civile, des partis politiques aux organisations socio-professionnelles en passant par les groupes de pression doit jouer sa partition dans le développement de ce pays. Le miracle haïtien dépend de l’utilisation efficiente du potentiel des ressources humaines, matérielles et financières, ainsi que des mécanismes de contre-pouvoir qui encadrent l’action publique.
Dans ce pays déjà dévasté ne nous enlisons plus dans un « chemen pèdi tan ».
Deux exemples d’entre milles :
• Le cyclone Matthew
• Les dernières inondations dans le Nord sont là pour nous rappeler que ;
Le profil de risque d’Haïti découle en partie de sa situation géographique (exposition aux menaces naturelles) et, en partie, des conditions socio-économiques, environnementales et institutionnelles du pays.
Face aux chocs récurrents et au niveau de vulnérabilité, les tragédies de gestion des risques doivent être priorisées afin de protéger les moyens de subsistance des familles et les gains obtenus par le pays en termes de réduction de pauvreté.
Trois actions restent essentielles :
• Mieux identifier et comprendre les risques de catastrophe auxquels la population et l’économie du pays sont exposées.
• Mettre en place des politiques sectorielles de réductions de risque comme le renforcement des bâtiments à risque, la construction d’infrastructures de protection et la mise en application du code de construction.
• Améliorer la capacité du pays à gérer des situations d’urgence par le renforcement des mécanismes institutionnels.
Tout en évitant un Etat-obèse, nous sommes condamnés à établir un système de protection sociale viable. Nos enfants et petits-enfants ne doivent pas subir le même sort qu’un recteur d’université qui a consacré la plus claire partie de sa vie au service de la ResPublica.
Une telle politique nécessite la dynamisation et la démocratisation du secteur privé. L’intégration de la diaspora entrepreneuriale de façon à multiplier les petites et moyennes entreprises, fer de lance dans la création d’emplois.
Les leviers de croissance tels que, le tourisme l’exploitation minière, l’Industrie de la sous-traitance, l’agro-industrie, constituent d’autres sources de richesse à ne pas négliger.
Il nous faut un collectif du oui critique et constructif. Haïti notre bien commun est á bout de souffle. Il faut la laisser respirer.
Pour l’édification d’une société nouvelle, riche de toute la puissance moderne et chaude de toute la fraternité humaine.
Contact : jcdesgranges77@yahoo.fr