Par Emmanuel Marino Bruno
P-au-P, 26 déc. 2016 [AlterPresse] --- Au cours de l’année 2016, le secteur agricole national s’est retrouvé, de nouveau (comme depuis plusieurs années), paralysé par l’absence de coordination et de volonté réelle des autorités étatiques, a observé l’agence en ligne AlterPresse.
L’absence de coordination, au niveau des actions posées dans le domaine de l’agriculture par le gouvernement, aurait empêché une maîtrise des paramètres, susceptibles de favoriser son développement, souligne le secrétaire général de l’organisation Promotion pour le développement (Promodev), l’ingénieur-agronome Talot Bertrand, également spécialiste en éducation relative à l’environnement [1]
Le Ministère de l’agriculture des ressources naturelles et du développement rural (Marndr) devrait effectuer une coordination globale entre les intervenantes et intervenants dans le secteur agricole national, pour avoir une vue d’ensemble de tous les projets, mis en œuvre dans le domaine.
La Promodev critique aussi une absence de services de proximité, en faveur des organisations paysannes, mais salue les entreprises agricoles, qui ont pris beaucoup d’initiatives en matière d’agrobusiness.
Déplorant le manque de communication de la politique agricole du Maarndr, auprès de la population, la Promodev appelle à l’élaboration d’un bilan sur les actions du Marndr, de ses partenaires et de leurs appuis.
« Il y a un ensemble de plaidoyers en cours, notamment par Promodev, pour qu’Haïti devienne un pays, où est privilégiée l’agriculture. Nous avons plus que 60% de personnes, qui vivent en milieu rural et qui dépendent de l’agriculture ».
La Promodev encourage à donner une priorité à l’agriculture, parmi les initiatives de développement en Haïti, à travers une vision qui doit être clairement définie par l’État.
Le Ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (Menfp) a aussi son rôle à jouer, en contribuant à mettre en place des jardins scolaires et des programmes d’éducation environnementale pour aider les élèves à comprendre comment aménager des jardins communautaires.
« Le secteur agricole est le plus touché lors des aléas climatiques. (…) Malheureusement, Haïti n’est jamais préparée pour faire face aux cyclones », fustige la Promodev, citant le cyclone Matthew, qui a dévasté plusieurs départements du pays, les lundi 3 et mardi 4 octobre 2016.
Jusqu’à présent, le Marndr, qui a fait une évaluation des dégâts, tarderait encore à donner une réponse à cette catastrophe, pour permettre de passer de l’urgence au relèvement.
Des semences ont été, tout de même, distribuées à des planteurs dans le Grand Sud, affecté par le passage du cyclone Matthew.
Aucune information n’a été, jusqu’à date (fin décembre 2016), communiquée à la presse, concernant le plan de relèvement annoncé par le Marndr, en octobre 2016, dans le secteur agricole en Haïti, après les dégâts provoqués par l’ouragan Matthew, ni sur le type de semences (locales ou importées) distribuées.
La faiblesse, observée dans la production agricole nationale, serait due à l’absence de services de proximité dans les départements, de mobilisation des cadres et des partenaires, œuvrant dans le secteur, ainsi que de moyens budgétaires pertinents...
La Promodev exhorte les paysannes et paysans à entreprendre des initiatives locales comme des activités de konbit (se mettre en commun pour réaliser des activités agricoles), moins pratiquées aujourd’hui qu’autrefois.
L’organisation, qui regroupe 84 organisations paysannes à travers le pays, fait la promotion pour l’implication des jeunes dans le secteur agricole, la paysannerie haïtienne, le développement agricole et rural.
Attention au clientélisme politique, met en garde Tèt kole ti peyizan ayisyen
L’ouragan Matthew, qui a rudement affecté l’agriculture dans les départements du Sud, du Sud-Est, des Nippes et de la Grande Anse (Sud-Ouest), a eu de graves conséquences sur le pays, constate le coordonnateur exécutif de Tèt kole ti peyizan ayisyen, Rosnel Jean-Baptiste, dans des déclarations à AlterPresse.
L’importation de produits de mauvaise qualité, en provenance de la République Dominicaine, devrait augmenter, durant les mois à venir, met en garde Tèt kole ti peyizan ayisyen, qui plaide, depuis 1987, pour un développement de l’agriculture, susceptible de générer plus d’emplois et de subvenir aux besoins en alimentation de la population haïtienne entière.
Les dégâts, causés par le cyclone Matthew, au niveau de l’agriculture et de l’environnement, laisseront des cicatrices pour les 25 années à venir, augure Tèt kole ti peyizan ayisyen, pronostiquant une augmentation de l’insécurité alimentaire en Haïti.
Tèt kole ti peyizan ayisyen dénonce certaines actions, posées par le gouvernement, qui viseraient un renforcement du clientélisme politique, au lieu d’actions d’encadrerment véritable des paysans, affectés par l’ouragan, notamment dans les sections communales.
La présence de toutes les organisations non gouvernementales (Ong), qui interviennent, sans aucun contrôle, sur le terrain, ne contribue pas véritablement au développement agricole et économique d’Haïti, indexe l’organisation paysanne.
L’année 2016 laissait présager une belle période de production agricole, en raison des pluies, contrairement à celle de 2014-2015, durant laquelle la sécheresse battait son plein, avance, pour sa part, l’ingénieur-agronome Philippe Saint-Croix, spécialiste en élevage (sur le point de boucler un master en économie du développement), interrogé par AlterPresse.
Malheureusement, le cyclone Matthew a frappé dans les zones de productions (comme la Grande Anse et le Sud) et dans les départements où il y a plus d’arbres, relève-t-il.
Plusieurs millions de tonnes métriques de terre en Haïti ainsi que 90 à 95 % des cocotiers ont été emportés dans la péninsule Sud d’Haïti.
Les plantations de caféiers à Beaumont, de cacao à Dame-Marie (département de la Grande Anse) ont été également détruites.
Sur un total de 30 bassins versants, 17 - représentant, à eux seuls, 12,079 kilomètres carrés, soit 43.6% du territoire national - sont affectés par l’ouragan, selon un document du Ministère de l’environnement (Mde), intitulé « évaluation préliminaire post-Matthew ».
350 mille 350 animaux sont portés disparus dans six départements du pays, durant le passage de l’ouragan Matthew, afait savoir le secrétaire d’État à la production animale, Maxène Estimé, lors d’une conférence de presse, le lundi 10 octobre 2016.
106 mille 050 animaux, dont des caprins, bovins, porcins, ovins, équins, volailles, ont disparu dans le Sud, 79,790 dans la Grande Anse (une partie du Sud-Ouest), 54,110 dans les Nippes (autre partie du Sud-Ouest), 51,030 dans le Sud-Est, 40 mille 010 dans l’Ouest et 19 mille 360 dans le Nord-Ouest.
L’ouragan Matthew a eu également un impact direct sur la production, au cours de l’année 2016, provoquant de graves problèmes d’accès aux semences, relève Saint-Croix.
Chaque année, la production agricole diminue au niveau du Produit intérieur brut (Pib), alors que l’aide et l’importation augmentent, regrette l’ingénieur-agronome ; qui souligne combien la libéralisation du marché haïtien contribue à créer cette situation de dépendance d’Haïti.
Le montant des pertes, occasionnées par le passage du cyclone Matthew, est estimé à 1,9 milliard de dollars américains (US $ 1.00 = 68.00 gourdes ; 1 euro = 78.00 à gourdes ; 1 peso dominicain = 1.60 gourde aujourd’hui), soit 20% du Pib, a fait savoir le titulaire du Ministère de l’économie et des finances (Mef), Yves Romain Bastien, à la fin du mois d’octobre 2016. [emb rc apr 26/12/2016 10:30]
[1] Ndlr : L’ingénieur-agronome Talot Bertrand est le coordonnateur de l’Unité des relations publiques et de la communication (Urpc) au Marndr, selon le site du Marndr, actualisé le 15 décembre 2016.