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Haïti-Élections : 12% des procès verbaux de la présidentielle seront vérifiés au Ctv

Un premier pas vers la fin des doutes ?

Par Gotson Pierre

Actualisation d’un précédent article publié quelques heures avant la décision du Bcen [1]

P-au-P., 20 déc. 2016 [AlterPresse] --- Le Bureau du contentieux électoral national (Bcen) ordonne la vérification, à partir de ce 20 décembre au Centre de tabulation des votes (Ctv), de 12% des procès verbaux de la présidentielle du 20 novembre dernier.

Le tribunal électoral a adopté cette décision tôt ce 20 décembre après avoir entendu la veille les affaires opposant Pitit Dessalines, Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation haïtienne (Lapeh) et Fanmi lavalas au Parti haïtien tèt kale (Phtk), dont le candidat, Jovenel Moise, vient en tête des résultats préliminaires avec 55,67% des suffrages exprimés.

Le Bcen « ordonne son transport au Centre de tabulation (des votes – Ctv) aux fins des vérification de 12% des procès-verbaux, soit un total de 1560 procès-verbaux, de manière aléatoire », indiquent les conclusions du tribunal présidé par la conseillère Josette Dorcelly. Cette dernière, comme son collègue Jean Simon Saint-Hubert, faisant partie également des 5 membres du Bcen, n’avait pas signé les résultats préliminaires de la présidentielle.

La disposition de vérification est prise afin de « faire jaillir la lumière » et « établir la sincérité du scrutin », précise l’arrêt du tribunal.

Le document prévoit que la vérification se fera en présence des partis concernés et des organismes nationaux et internationaux d’observation électorale.

Le tribunal électoral a ainsi fait droit aux demandes des partis contestataires, rejetées par les avocats du Phtk qui la jugeaient injustifiée, à cause, selon eux, de l’absence de preuve concernant les résultats préliminaires incriminés.

19.52% des suffrages exprimés sont attribués à Jude Célestin, 11.04% à Jean-Charles Moïse de Pitit Desalin et 8.99% à Maryse Narcisse de Fanmi Lavalas.

Cette démarche, permettra-t-elle de mettre fin à la suspicion qui entoure le scrutin depuis la fermeture des bureaux de vote dans la soirée du 20 novembre ? Une atmosphère alimentée par les secteurs politiques concernés, mais aussi favorisée par quelques faiblesses institutionnelles ou des maladresses et hésitations apparentes du Conseil électoral provisoire (Cep).

Un premier pas a peut-être été franchi vers une issue à la polémique qui a éclaté autour de la présidentielle. Cependant, le temps est limité pour le Cep, car, suivant le calendrier électoral, le 29 décembre est la date butoir pour la proclamation des résultats définitifs.

Que réserve cette vérification ? Si jamais des anomalies et des tentatives délibérées d’altérer les résultats de l’élection étaient découvertes, le Cep serait-il en mesure de prendre des sanctions prévues par le décret électoral et réunir les conditions d’application de ces mesures ?

D’autre part, si les actuels résultats étaient confirmés, les partis contestataires, seraient-ils véritablement disposés à les accepter ?

C’est, en tous les cas, à ce prix que, si les forces politiques montrent une certaine maturité, la capacité de privilégier les intérêt communs et la construction démocratique, la confiance sera rétablie, celle-ci étant essentielle pour les étapes à venir.

La stabilité n’est pas automatiquement garantie

En réalité, la méfiance constitue un des éléments dominants de la crise politique à laquelle Haïti est confrontée depuis des années. Les élections successives ont toujours, pour la plupart, généré des doutes. La légitimité des élus a toujours été affectée, ce qui a souvent débouché sur des crises plus aigues après les élections.

D’autre part, la vérité électorale permettrait de jauger les réels rapports des forces politiques sur le terrain, même s’il faut reconnaître que l’élite économique a jeté tout son poids dans la balance pour la faire pencher en faveur d’un candidat. De même, aucun moyen supposément déloyal et immoral n’aurait été écarté pour obtenir des votes, même en les achetant !

Un tel parcours, permettrait-il de parvenir à un minimum de stabilité ? Ce serait du moins un pas important. Bien entendu, si tout nouveau dirigeant comprenait la nécessité d’aborder le pouvoir avec humilité, sens de la mesure, esprit de responsabilité, volonté d’apaisement, respect des libertés, des normes et des institutions, caractérisées par une faiblesse chronique.

Parallèlement, il faudrait aussi que les partis politiques puissent dégager un espace pour pouvoir se construire ou grandir en se rapprochant des attentes de la société.

Dans un milieu où l’autoritarisme et le clientélisme ont fait leur lit, il y a là un vrai défi. Il s’agit d’un travail patient de régénérescence de la conscience politique des citoyennes et citoyens dans un contexte hostile marqué par la précarité accrue et une avancée inquiétante de réseaux criminels et mafieux dont les tentacules s’étendent inexorablement. Malgré la présence dans le pays d’une force militaire onusienne en mission de stabilisation depuis 12 ans.

Les appréhensions sont d’autant plus justifiées qu’une partie des prochains élus sera formée de repris de justice et de délinquants notoires qui ont pu se faufiler dans la course électorale en 2015, à la faveur de la présidence de Michel Martelly, la complaisance de l’ancien Conseil électoral et l’indifférence citoyenne.

Or, le nouveau personnel politique aurait à prendre des décisions capitales pour l’avenir du pays, aussi bien au plan démocratique qu’économique. Par exemple, il y aura à remplacer l’ensemble des juges de la Cour de cassation, plus haute cour de justice du pays et mettre en place désormais un Conseil électoral permanent, prévu par la constitution de 1987 – près de 30 ans !

L’état des forces en présence permettra-t-il que les opérations liées à la construction institutionnelle se passent dans la transparence, le respect des principes démocratiques et de l’intérêt commun ? Pourra-t-on dans la sérénité mettre en œuvre des formules appropriées pour arrêter la dégringolade de la monnaie haïtienne la gourde passant en 5 ans de 40 à 68 gourdes pour 1 Usd ? Adresser, entre autres, des problèmes économiques et sociaux aiguisés par le passage du puissant ouragan Matthew qui a détruit le Sud du pays et aggravé la crise environnementale ? [gp apr 20/12/2016 02 :00]